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Comprendre ce qui se cache derrière cette colère

Dans son livre « Comment comprendre l’Esprit » G. K. Gyatso écrit, je cite : « La colère peut se diriger contre n’importe qui, même contre nos amis. Nous pouvons aussi nous mettre en colère contre des objets, ou bien si nos désirs ne sont pas exaucés« . Nous avons tous de nombreuses expériences de la colère et nous en aurons encore bien d’autres tant que nous donnerons une légitimité à nos accès pathologiques de colère. Succinctement, la colère est un état d’esprit qui nous dit : « Ça m’énerve !!! » et nous voulons détruire ce qui nous énerve. Nous trouvons tout à fait normal de ressentir cette colère, confrontés à diverses situations de notre vie.

Ce n’est pas parce que nous nous heurtons à une difficulté ou à une contrariété que nous devons forcément nous mettre en colère. Quoi qu’il arrive, ce n’est pas une justification. Sans une véritable compréhension, c’est hélas la riposte la plus courante que nous adoptons. La colère peut naître également de la préoccupation de soi, de l’attachement à ce qui nous concerne. Parfois nous pouvons nous mettre en colère simplement parce que nous ne pouvons pas admettre que nous avons tort dans une situation bien précise. Une sorte de réaction d’autodéfense, qui soi-disant est un moyen stupide de se défendre, préférant rejeter la faute sur quelqu’un d’autre ou quelque chose d’autre.

Comment franchir les premiers pas pour se libérer de la colère. Générer une ferme détermination de ne plus se laisser prendre par la colère. Pour cela nous devons avoir une profonde conviction des dangers de la colère. La colère n’est pas simplement « crier », « taper du poing » et exploser. La colère est comme un feu qui peut se manifester sous la forme de petites étincelles mais aussi sous la forme d’un important incendie. Ainsi, la colère peut s’exprimer sous plein d’aspects différents. Lorsque par exemple, sous l’emprise de la colère nous crions, ce n’est qu’une extériorisation de notre esprit de colère. Mais nous pouvons aussi être dans une colère noire sans manifester quoi que ce soit.

Selon son tempérament, la colère d’une personne se manifeste de manière plus ou moins visible. D’où l’importance de bien comprendre celle-ci pour apprendre à la déceler rapidement dans notre esprit. Il n’y a rien de plus dangereux qu’une colère non identifiée. Elle se traduit par un comportement tel que : « Non, pas du tout, je ne suis pas en colère ! », alors que cramoisie, sa respiration s’emballe et que ses mains deviennent moites. Cela revient à contenir la pression dans une cocotte-minute prête à exploser, et qui finalement explosera. Mais parfois la colère se déclenche à la suite d’une circonstance banale ou sous forme de rancune insidieusement accumulée qui finit par se manifester.

En toute circonstance, nous devons dire non à cette colère qui se développe dans notre esprit plutôt que de l’accepter en argumentant pour la justifier. En amont de la colère règne dans notre esprit une confusion qui ne fait pas la distinction entre la situation extérieure, cause circonstancielle et le facteur mental colère cause substantielle présente dans notre esprit. Avoir un esprit de colère n’arrange pas les choses et ne se justifie jamais car elle fait du mal à nous-même et aux autres et de plus ne nous aide jamais. Tous nos états d’esprit perturbés proviennent du fait de notre vision incorrecte et de notre perception déformée du monde. Si la solution ultime à la colère est la réalisation de la vacuité, nous pouvons dès maintenant méditer et utiliser les opposants à la colère que sont la patience et l’amour.

Nous devons être particulièrement vigilants quand nos souhaits ne se réalisent pas, lorsque nous éprouvons des déceptions ou des contrariétés ou lorsque nous sommes amenés à faire quelque chose que nous n’aimons pas. Ce sont généralement de telles situations qui nous mettent en colère. Nous pouvons à tout moment décider de ne pas donner notre assentiment à cette colère et orienter notre esprit dans une direction plus constructive. Comment ? En nous souvenant que la colère est inutile, mais que sa présence renforcera notre détermination à détruire notre préoccupation de soi, la racine de tous nos problèmes. À travers de telles situations nous approfondirons notre compréhension du karma, en pensant : « Là, j’ai moi-même créé la cause de me mettre en colère dans cette situation, est-ce que peux vraiment ne plus jamais me mettre en colère ?« .

Rédigé d’après mes études et réflexions sur un enseignement tiré du livre « Comment comprendre l’Esprit », reçu dans le cadre du PF au Centre de Méditation Kadampa de Genève en 2015

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Ce qui fait le développement d’une perturbation mentale

Les perturbations mentales animent constamment notre manière d’être et notre façon d’agir dans la vie de tous les jours. Cette affirmation doit être vue sous l’éclairage de notre sagesse, car notre ignorance veut nous convaincre que notre attitude dépend essentiellement de causes et de conditions extérieures à notre esprit. Alors que tout ce que nous percevons n’a pas d’existence intrinsèque, la nature ultime de tous les phénomènes est la vacuité. Dans les enseignements sur la vacuité Bouddha nous enseigne que tous les phénomènes ne sont qu’une simple manifestation de la vacuité. Cet enseignement est très profond et demande de la patience et de la persévérance pour être bien compris.

Une compréhension intellectuelle de cet enseignement n’aura pas le pouvoir de changer en profondeur notre esprit. Nous sommes actuellement comme ce malade qui, bien que voulant guérir et ne plus souffrir, se contente de lire plusieurs fois par jour la notice du médicament que le docteur lui a prescrit. La présence même des perturbations mentales dans notre esprit en est le principal obstacle. À notre niveau, et avant même d’utiliser l’opposant ultime qui est la sagesse réalisant la vacuité des phénomènes, les opposants temporaires et spécifiques à chaque perturbation nous apporte une paix intérieure temporaire nous permettant de réduire leur effet néfaste.

Pour comprendre comment agissent ces opposants, nous devons connaître les principales causes des perturbations mentales. Parmi les principales causes, quatre de celles-ci sont nécessaires pour qu’une perturbation mentale se produise : la racine, la graine, l’objet et la focalisation inappropriée. Dans son livre « Comment comprendre l’Esprit », Vénérable G. K. Gyatso nous décrit celles-ci, je cite : « La racine de toutes les perturbations mentales est la saisie d’un soi. La graine d’une perturbation mentale est un potentiel laissé précédemment sur le continuum mental par des perturbations mentales similaires, potentiel qui agit en tant que cause substantielle de cette perturbation mentale. L’objet est tout objet contaminé. Enfin, la focalisation inappropriée est un facteur mental qui se concentre sur l’objet d’une manière incorrecte« .

Il faut donc la présence de ces quatre causes pour qu’une perturbation mentale se développe. Mais il suffit qu’une d’entre-elles manque pour que la perturbation mentale ne puisse se développer. Parmi ces quatre, celle que nous pouvons le mieux cibler est en fait la focalisation inappropriée. À savoir, notre manière de nous focaliser sur un objet. Autrement dit, si nous réussissons à travailler sur les causes de la focalisation inappropriée, nous empêcherons le développement de la perturbation mentale en question. Bien que cette pratique empêche le développement de celle-ci, elle n’élimine pas pour autant les graines en dormance qui subsistent dans notre esprit. Ces dernières peuvent être détruites par des pratiques de purification, (Le Soutra des Trois cumuls ou la pratique de Vajrasattva avec récitation de son mantra).

Pour empêcher le développement d’une perturbation mentale, comment ne pas tomber dans la focalisation inappropriée ? Vénérable G. K. Gyatso, toujours dans son livre « Comment comprendre l’Esprit », nous dit ceci, je cite : «  … en ne permettant pas à notre esprit de ressasser le caractère plaisant ou déplaisant des objets contaminés et de l’exagérer« . Somme toute, en quoi la focalisation inappropriée sur un objet plaisant nous est-elle néfaste ? Le fait de fixer notre attention sur un objet plaisant, en exagérant ses qualités contribue à développer une autre perturbation mentale, l’attachement. La plupart d’entre nous sommes incapables de vivre une expérience plaisante sans développer de l’attachement. Une sorte de « viscosité mentale » s’établit entre notre esprit et l’objet contaminé, nous privant de notre liberté.

Rédigé d’après mes révisions et mes transcriptions d’un enseignement du PF basé sur le livre « Comment comprendre l’Esprit » reçu au Centre Atisha de Genève en 2016

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D’où vient le bonheur et d’où vient la souffrance

Actuellement nous, les êtres humains, vivons dans le règne du désir. Ce désir se manifeste dans notre vie principalement par deux aspirations : celle d’être heureux et celle de ne pas souffrir. Malheureusement notre quête du bonheur est continuellement anéantie par la souffrance produite par nos perturbations mentales. Et lorsque nous croyons enfin être heureux, ce bonheur n’est que de courte durée, emporté par une grande insatisfaction. Nos désirs ne se concrétisent jamais complètement. Dans la méditation d’une personne de capacité intermédiaire du livre « Comment comprendre l’Esprit », G.K. Gyatso écrit, je cite : « Nous avons d’innombrables désirs, mais quels que soient nos efforts pour les satisfaire, nous n’avons jamais l’impression d’y parvenir. Même quand nous obtenons ce que nous voulons, nous ne l’obtenons pas de la manière dont nous l’aurions voulu« .

Si nous contemplons l’explication de G.K. Gyatso, naturellement une question profonde surgit dans notre esprit : Mais alors : « D’où vient le bonheur et d’où vient la souffrance », si nous avons tant de difficultés à réaliser notre bonheur et à supprimer la souffrance dans notre vie ? Nous persistons à croire que dans le samsara, il doit bien exister quelque chose qui puisse nous rendre heureux durablement et faire cesser nos souffrances définitivement. En fait, notre grande ignorance nous fait croire cela. Bouddha nous dit pourtant que dans le samsara, il n’y a absolument rien qui puisse nous rendre heureux et que nous devons renoncer à lui sous peine de souffrir encore et encore. Le samsara n’est pas un endroit géographique, c’est une création de notre propre esprit impur sous l’emprise de l’ignorance de la saisie d’un soi et des perturbations mentales.

Pour développer le renoncement au samsara, nous devons appliquer dans notre vie un nouveau paradigme. A savoir que tout ce que manifeste le samsara dans notre esprit est trompeur et nous serions bien inspirés d’en tenir compte à chaque instant. Ce ne sont que des apparences ou des illusions qui habitent notre esprit. Cela va-t-il vouloir dire que nous devrions renoncer à notre logement, notre travail, notre partenaire, nos amis et ainsi de suite et vivre comme un ermite dans une caverne loin de toute civilisation ? La finalité de tout objet samsarique ne peut nous éviter la souffrance et nous procurer le bonheur durable que nous recherchons depuis toujours. Alors que faire ? Il est très important de bien comprendre ce à quoi nous renonçons. Depuis des temps sans commencement nous nous sommes trompés à ce sujet. Plus précisément, nous nous sommes trompés sur la vraie origine du bonheur et de la souffrance.

Notre erreur vient du fait de croire que le bonheur et la souffrance viennent de l’extérieur de notre esprit. Notre bonheur semble dépendre de la possession de choses samsariques ou au contraire du rejet de ces mêmes choses samsariques. Nous pensons : « Il faut que je possède et accumule certaines choses » ou bien : « Il faut que je me débarrasse de certaines autres choses ». Ce faisant nous pouvons passer d’un extrême à l’autre, à savoir de la possession maladive de tout ce qui nous fait envie au rejet le plus total. Ni l’un ni l’autre ne nous rendront heureux et sans souffrance. Ne comprenant pas leur véritable provenance, nous échouons dans toutes nos tentatives de libération de ceux-ci. Cette erreur cruciale, nous la commettons tous. Ce manque de compréhension nous fait penser que le bonheur vient de la richesse provenant du monde ordinaire dans lequel nous vivons et que la souffrance provient de causes et de conditions issues de ce même monde ordinaire.

Nous attribuons la capacité de nous rendre heureux à quelque chose se trouvant à l’extérieur de notre esprit. De même nous attribuons la cause de nos souffrances à quelqu’un ou quelque chose d’extérieur. Ne comprenant pas que le bonheur et la souffrance viennent de l’intérieur, intellectuellement oui nous comprenons cela, mais nous devons vraiment le vivre au quotidien en contemplant nos réactions aussi bien lorsque nous sommes fatigués ou en colère, que tout va de travers dans notre vie que lorsque nous avons l’impression d’avoir goûté au bonheur, fusse-t-il même de courte durée. Nous blâmons ou nous exaltons uniquement des causes extérieures dans ces moments-là. Si nous possédons un esprit insatisfait et perturbé, où que ce soit et quelles que soient les conditions extérieures nous serons malheureux.

Nous avons besoin d’isoler notre esprit des perturbations mentales. Lorsque nous utilisons des moyens extérieurs pour dompter notre esprit, nous allons de fait dépendre de ces moyens extérieurs ainsi nous allons nous attacher à ces conditions extérieures pour maintenir notre esprit paisible. Le danger réside dans l’attachement à ces conditions extérieures. Le moyen de se libérer des perturbations mentales est l’entraînement spirituel. Ce qui veut dire : identifier les perturbations mentales, les réduire et les abandonner, en cultivant leurs opposants qui sont l’amour, la compassion, la sagesse et la patience. L’obtention du vrai bonheur, la désagrégation de notre souffrance et de manière ultime la libération, ne peuvent être faits qu’avec une action de l’esprit.

Rédigé et compilé à partir d’un enseignement du Programme fondamental sur la base du livre « Comment comprendre l’Esprit », les méditations, reçu au Centre Atisha à Genève

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Méditation : La compassion, l’opposant à la méchanceté

  • Chaque méditation que nous faisons crée un grand mérite sur le continuum de notre esprit. Ce mérite, sous la forme de potentiel peut être activé dans nos vies futures pour produire leur fruit, les réalisations spirituelles.
  • Dans cette méditation, nous allons mieux réaliser ce que signifie éradiquer la méchanceté en faisant grandir notre compassion.
  • Alors, installons-nous confortablement, le dos bien droit et la tête dans sa position naturelle comme si nous observons quelque chose devant nous à l’horizontale.
  • Nous pouvons fermer les yeux si nous le souhaitons ou les laisser entrouverts, pour laisser passer juste un filet de lumière.
  • Prenons maintenant contact avec notre respiration que nous accompagnons naturellement sans contrainte.
  • Et portons toute notre attention sur la sensation de l’air qui entre et sort par nos narines.
  • Nous imaginons qu’à chaque expiration nous expirons toutes nos distractions sous l’aspect d’une fumée noire.
  • Et qu’à chaque inspiration nous inspirons une lumière blanche qui remplit notre corps et notre esprit.
  • Silence (2 minutes)
  • En raison des empreintes d’ignorance accumulées depuis des temps sans commencement, nous saisissons avec la plus grande vivacité notre je.
  • Notre esprit saisit automatiquement ce je de cette manière parce que nous le considérons de la plus haute importance.
  • Que quelque chose vienne ternir ou mettre en doute cette importance et nous générons immédiatement la préoccupation du soi, l’attachement, la colère, la jalousie et ainsi de suite.
  • Derrière cette riposte se dissimule le plus souvent à des degrés divers et sous toutes ses formes une certaine méchanceté.
  • Or, dans « Comment comprendre l’esprit » Ghéshé la définit la méchanceté comme un facteur mental perturbé qui désire que d’autres êtres vivants souffrent.
  • Pourtant, qui n’a pas une fois fomenté des intentions de vengeance à la suite d’une dispute, d’un conflit où nous avons perdu notre superbe importance, en pensant : « Je vais le lui faire payer chèrement ! ».
  • La jalousie, si elle n’est pas désamorcée, peut conduire au crime passionnel.
  • L’attachement, hors de notre contrôle, devient une raison de commettre des actions dommageables envers les autres.
  • Cette méchanceté latente qui se cache derrière de tels comportements est pour les bouddhiste le principal objet à abandonner.
  • Et pour juguler le facteur mental méchanceté nous devons progressivement accroître notre compassion. Celle-ci est l’opposant direct à la méchanceté.
  • Alors, comment faire grandir notre compassion ?
  • Pour cela amenez votre attention au milieu de votre poitrine dans le chakra du cœur. Et de cet endroit contemplez ce que vous allez entendre maintenant.
  • À cause de notre jalousie, de notre colère, de notre attachement ou de notre ignorance nous sommes capables de faire souffrir quelqu’un, de lui souhaiter du mal.
  • Si nous voulons éradiquer la méchanceté de notre esprit, nous devons cesser immédiatement de faire souffrir les autres et générer en lieu et place la compassion universelle.
  • Cet esprit qui désire sincèrement libérer tous les êtres vivants de la souffrance.
  • Ce désir naît de la contemplation de la souffrance des êtres qui ont tous été nos mères.
  • À cause de leurs obstructions karmiques, certains sont actuellement des êtres de l’enfer et en tant que tels subissent continuellement d’atroces brûlures, se sentent torturés de toutes sortes de manières.
  • À cause d’une renaissance animale, certains doivent lutter chaque jour pour leur survie en craignant à chaque instant d’être dévoré vivant par d’autres animaux.
  • D’autres ont pris des renaissances dans le pays des esprits affamés. De ce fait, avec le ventre vide et la bouche desséchée, ils sont pourtant incapables de trouver la moindre nourriture ou boisson.
  • Plus proches de nous, des êtres humains se complaisent dans la non vertu en accomplissant des actions négatives innommables.
  • Non seulement ils agissent ainsi à cause de leurs perturbations mentales, mais créent également les causes de leur souffrance future.
  • Quelle que soit la situation de tous ces êtres sensibles, nous pouvons imaginer et contempler leur souffrance et souhaiter qu’elle cesse le plus rapidement possible.
  • Laissons donc naître en nous une forte compassion qui souhaite que plus aucun de ces êtres sensibles ne souffre et soit définitivement libéré de ce cycle insupportable du samsara.
  • Nous déterminons avec fermeté dans notre cœur, notre envie de libérer définitivement tous les êtres vivants de la souffrance, en pensant :
  • « Je ne peux pas supporter la souffrance de ces innombrables êtres mères qui se noient dans l’océan vaste et profond du samsara, le cycle des renaissances contaminées,
  • Ils sont ainsi obligés d’éprouver des souffrances physiques et des douleurs mentales insupportables, dans cette vie et dans les innombrables vies futures.
  • Je dois absolument libérer définitivement tous ces êtres vivants de leurs souffrances ».
  • Nous méditons en seul point sur cette affirmation pendant quelques instants.
  • Silence 5 minutes
  • Puis progressivement, nous sortons chacun à son rythme de cette méditation en conservant dans notre cœur le message de cet enseignement.

Méditation inspirée du Programme Fondamental « Comment Comprendre l’Esprit » de G.K. Gyatso, au Centre Atisha de Genève en 2016

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Devoir rencontrer ce que nous n’aimons pas

Notre existence est loin d’être un fleuve tranquille où tout se déroule de façon harmonieuse et sans problèmes. Nous pouvons dire que chaque jour a son lot de contrariétés, de vicissitudes et de frustrations. N’avez-vous pas remarqué que certains jours sont pires que d’autres et là vraiment vous souffrez. Alors, comme pour nous justifier et trouver un apaisement temporaire avant qu’une autre expérience difficile nous affecte, nous cherchons des excuses et surtout un responsable de toutes nos infortunes et de tous nos Rencontre_pas-01tourments. Et dans notre grande ignorance, nous recherchons à l’extérieur la cause de notre inconfortable situation en pensant : « Il doit bien avoir un élément, une personne, un objet que je dois pouvoir considérer comme coupable de ce qui m’arrive. Pourquoi ? ».

Pourquoi, rencontrons-nous tant de choses que nous n’aimons pas ? La réponse nous est donnée dans les enseignements de Bouddha. Nous rencontrons ce que nous n’aimons pas parce que les situations, les personnes et les objets à l’origine de notre état malheureux ne se présentent pas de manière à nous satisfaire et nous rendre heureux. En d’autres termes, nous sommes contrariés, agacés parce que les situations, les personnes et les objets ne répondent pas à nos attentes. Nous attachons beaucoup d’importance à nos critères de bien-être pour être contents. Malheureusement pour nous, plus nous avons de l’attachement et plus nous avons des problèmes, parce que les choses rarement ne correspondent entièrement à nos désirs, même pour un court instant.

Rencontre_pas-02Ainsi, dans certaines phases de notre vie, nous sommes alors continuellement dans une situation de frustration. Plus nous voulons que les choses se passent selon nos désirs, plus grande sera notre frustration. Si nous regardons notre vie, nous ne manquerons pas d’exemples qui le démontrent. Parmi le florilège de situations quotidiennes, voici quelques exemples concrets : « Mon chef doit agir de cette façon », « Le bus a de nouveau du retard ce matin, je vais manquer mon rendez-vous », « Son attitude m’agace, pourquoi ne change-t-il pas ? » et tant d’autres. Alors, si nous avons l’impression d’avoir beaucoup de frustration dans notre vie, il est peut-être temps de se questionner pour supprimer ou atténuer ses effets dévastateurs.

La frustration engendrée est la création de notre propre esprit. Celui-ci impute ou attribue à une situation donnée des aspects et des caractéristiques en conformité avec nos propres critères de satisfaction. Et lorsque ces mêmes critères ne sont pas remplis nous éprouvons pour le moins de la contrariété ou plus une noire colère et nous souffrons. La situation donnée nous semble exister en dehors de nous. Pourtant elle n’existe pas de manière intrinsèque, indépendamment de notre esprit. Oui, bien sûr les choses existent de manière conventionnelle, c’est-à-dire en dépendance de la manière que nous les percevons. Et dans ce sens, il y a autant de manières conventionnelles d’exister pour une chose qu’il y a d’êtres en ce monde.

Rencontre_pas-03Si nous projetons que les choses doivent être d’une certaine manière, ce que nous faisons habituellement, tout devient un obstacle à nos attentes. Plus nous projetons que les choses doivent obligatoirement être d’une certaine manière, toutes les autres alternatives qui vont à l’encontre de cette projection deviennent impossibles et seront un motif de frustration. La raison de rencontrer ce que nous n’aimons pas est due à notre fort attachement à cette manière de percevoir. La solution consiste donc à accepter les choses et les situations comme elles se manifestent à notre esprit sans vouloir à tout prix les rendre en accord avec ce que nous voudrions qu’elles soient. Si nous plaçons avec sagesse le niveau de nos attentes dans notre vie à une valeur raisonnable et possible, nous serons de moins en moins frustrés et malheureux lorsque nous rencontrons ce que nous n’aimons pas.

Rédigé et inspiré d’un enseignement sur « La méditation sur les vraies souffrances » du livre « La Voie Joyeuse » de G. K. Gyatso aux Ed. Tharpa

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Nomophobie, cette nouvelle dépendance

Récemment dans les médias, parmi les nouveautés du Petit Robert j’ai découvert le terme nomophobie qui définit l’addiction au téléphone portable. Cette dépendance est en train de changer totalement le comportement de l’individu. Il suffit de voir le nombre d’utilisateurs de tous les milieux socio-culturels et de tout âge. Et bientôt, il sera ringard de ne pas en posséder un. Partant d’un principe positif et louable, ce qui devait être simplement un téléphone, le portable devient un accessoire qui prend de plus en plus de place dans la vie de chacun. Inconsciemment il s’infiltre dans toutes nos activités tel un envahisseur. Suite à un article concernant l’addiction au téléphone portable dans notre société contemporaine, j’ai porté ma réflexion sur ce phénomène actuel avec un regard différent. Comment interpréter ces expériences du point de vue d’un pratiquant bouddhiste ?

nomophobe-01 Je me déplace souvent avec les transports publics et à maintes reprises j’ai pu contempler des gens de tout âge, à peine assis, les mains jointes sur leur téléphone portable, les yeux focalisés sur l’écran se plongent dans un univers virtuel et restent complètement absorbés. Autre constat. Je suis époustouflé de voir le nombre de personnes qui tiennent leur portable dans la main de façon permanente, quelles sont les raisons d’un tel comportement ? Tout porte à croire que c’est pour ne pas perdre un seul instant de la vie qui se passe à travers l’écran de leur téléphone. Convaincus qu’il ne faut pas manquer un seul appel d’un être cher, toute leur attention est focalisée sur le moindre signe de communication. Persuadés de leur importance dans le réseau social auquel ils appartiennent, la supervision de celui-ci leur est primordiale pour savoir qui parle avec qui et de qui ils parlent et surtout quelles sont celles et ceux qui m’ont envoyé un message, une photo, un vidéo ou autre.

nomophobe-02L’autre jour, sur une terrasse d’un café, quatre jeunes arrivent et s’assoient à une table. Après avoir passé la commande de leur consommation, chacun, les yeux rivés sur son smartphone, s’adonne à de multiples manipulations avec grande dextérité.  Cette scène dura une bonne demi-heure sans qu’aucun n’adresse la parole à son voisin pourtant assis à la même table ! ils sont repartis sans échanger la moindre parole. Un moment de convivialité et de partage ? N’avaient-ils rien à se dire ? Ou encore une autre situation courante dans le domaine relationnel, celui du couple qui hors de leur maison, de leur foyer sont constamment en communication l’un avec l’autre et ce parfois au détriment de leur efficacité au travail. Une fois ensemble à la fin de la journée, ils n’ont plus rien à se dire ! Plus terrible encore, dans un spot de la prévention des accidents le BPA, a diffusé en 1915 un petit film choc sur ce que peut entraîner la nomophobie chez un jeune accro à la musique rap et au chat avec les copains. Voir la vidéo ici : Anastase : Le tour de magie.

Comment décoder les expériences décrites au regard des enseignements de Bouddha ? Avec ou sans téléphone portable, le monde qui nous apparaît ne reste qu’une illusion. Le smartphone ou le IPhone n’est qu’un artifice de plus du samsara qui nous fait miroiter un bonheur qui n’existe pas en dehors de notre esprit. Il renforce une attitude égocentrique et égoïste qui accentue notre attachement désirant envers cet objet. Bien sûr, le smartphone ou le IPhone nous rend atteignable dans toute circonstance. Mais sans sagesse il devient aussi un moyen de nous rendre très vulnérables aux personnes malveillantes et sans scrupules qui exploitent jusqu’à nos données privées. Paradoxalement, à travers les réseaux sociaux via Internet, il est possible de se faire un réseau d’amis dans le monde entier et que nous ne verrons probablement jamais.

Alors que dans notre entourage des gens se sentent délaissés et ont besoin de notre aide et de notre compassion. Développer notre bodhitchitta est véritablement possible qu’avec les gens qui nous entourent directement et non virtuellement. Lorsque nous sommes en peine, la main d’un ami qui se pose sur notre épaule n’a pas d’égal dans le monde virtuel.  La peur de ne pas exister, de ne pas avoir de nomophobe-03valeur renforce notre attachement désirant. Comme tout objet samsarique, il est dans la nature de la souffrance et ne nous procure aucun bonheur durable. La présence du téléphone portable dans notre vie est ambivalente. Autant il peut nous engluer davantage encore dans le samsara comme il peut dans certaines circonstances nous être bénéfique. À nous de développer la sagesse qui fait la part des choses en nous évitant de devenir tous des nomophobes.

 

Se défaire de l’attachement désirant

Dans le livre « Comment comprendre l’esprit » G.K. Gyatso nous donne la définition de l’attachement désirant, je cite : « l’attachement désirant est, par définition, un facteur mental perturbé qui observe son objet contaminé, le considère comme étant cause de bonheur, et le désire ». Notre attachement provient de notre préoccupation de soi, laquelle donne naissance à une sensation de besoin. Ce besoin nous mobilise à la recherche du bonheur que nous pensons trouver dans les objets à l’extérieur de notre esprit. Une focalisation inappropriée exagère ensuite le pouvoir de l’objet au point d’avoir la conviction que personne d’autre actuellement pourrait créer un objet plus parfait pour satisfaire notre désir. Cela peut être n’importe quoi, une personne, un objet matériel ou autre.

Defaire-Attache 01Lorsque cette sensation se développe, deux possibilités sont envisageables. Soit nous ne sommes pas en possession de notre objet d’attachement et à ce stade nous pensons que nous ne pouvons pas être heureux sans lui. Ne détenant pas notre objet d’attachement nous ne pouvons pas être heureux et nous souffrons, nous nous sentons misérables, nous ne sommes pas bien. Tout se passe comme si nous ressentions un vide, une absence et à cause de cela nous souffrons. L’autre possibilité est que nous disposons bien de cet objet d’attachement, mais malheureusement celui-ci n’accomplit pas ou plus toutes les attentes projetées. Dans ce cas de figure, notre besoin non plus n’est pas rempli comme nous le voudrions et il en résulte une insatisfaction.

Ce désir inassouvi engendre de la colère envers l’objet d’attachement puisque celui-ci nous déçoit. Et à la suite de cette déconvenue, nous projetons notre envie sur quelque chose d’autre qui va le remplacer, un nouvel objet d’attachement. Et nous recommençons le même processus. Nous pensons : « Cet objet ne peut satisfaire mon bonheur … mais cet autre objet, alors oui il peut certainement satisfaire mon besoin de bonheur ». Tant que nous alimentons cette focalisation inappropriée dans notre esprit, nous passerons d’un objet contaminé à un autre, car aucun objet n’est source de bonheur dans le samsara. Tel un enfant, ébloui par une multitude de jouets attirants, prend l’un pour le lâcher ensuite au profit d’un autre qui lui semble plus intéressant ou peut détruire celui qui ne le satisfait plus.

Defaire-Attache 02Il est intéressant de remarquer ce processus récurant car sa compréhension nous permet d’enrayer le fonctionnement de l’attachement désirant dans notre esprit. Et pour se défaire de cet attachement, nous devons contempler les conséquences de celui-ci dans notre esprit. La première constatation est immédiate : tant que nous ne possédons pas l’objet  pour lequel nous développons de l’attachement, nous souffrons d’une manière ou d’une autre. La deuxième constatation est que : bien qu’en possession de notre objet, celui-ci ne répons pas ou ne répond plus à nos attentes et à nouveau nous souffrons. La troisième conséquence est une conséquence karmique : l’attachement désirant crée les causes pour qu’à l’avenir nous serons séparé de notre objet d’attachement.

Defaire-Attache 03L’attachement désirant est assimilable à une tempête sur l’océan de notre esprit que le vent de notre focalisation inappropriée manifeste sitôt que les causes et les conditions karmiques sont réunies. Tentant compte de tout cela, d’une manière générale, pour couper le pouvoir trompeur de l’attachement désirant nous devons identifier la déception qu’il nous procure. À tort nous sommes convaincus que les objets de notre attachement désirant sont une cause de bonheur et ce n’est pas le cas. Quand nous possédons enfin notre objet de bonheur, rapidement celui-ci cesse de nous procurer ce bonheur et nous sommes toujours malheureux. Nous succombons à la logique de l’attachement et en lui donnant notre assentiment nous sommes piégés et souffrons de ses conséquences.

Sur la base de notes personnelles et des enseignements tirés des livres « La Voie Joyeuse » et  « Comment Comprendre l’Esprit » de G.K. Gyatso, aux Ed. Tharpa, entendus au Centre Atisha de Genève.

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Être satisfait de ce que l’on a

Cette attitude n’est pas forcément innée. Preuve en est que nous nous plaignons tout le temps de manquer de ceci, de vouloir cela ou de rêver à ce que nous pourrions bien obtenir encore. En conclusion, nous sommes plutôt malheureux à cause de tout ce que nous n’avons pas. Ainsi nous sommes sans cesse en quête du dernier objet tendance, de meilleures conditions de travail, de nouveaux amis et ainsi de suite. Ce processus se fonde sur le fait que nous recherchons à l’extérieur, dans le monde matériel ce qui pourrait enfin nous rendre heureux. Nous sommes persuadés que ce qu’il nous manque doit bien exister à quelque part dans le samsara. À peine nos achats de fin d’année terminés que déjà nous nous précipitons pour faire de nouveaux achats afin de profiter de cette période de soldes. Non content de notre dernière acquisition, nous sommes déjà à la recherche de quelque chose pour la remplacer.

Satisfait-Content-02D’où vient ce manque de satisfaction? Lorsque nous saisissons par exemple un objet convoité, nous le faisons parce que l’objet « répond » à nos attentes, parce qu’il va nous plaire. Mais en fait, cette « envie de plaire » où se trouve-t-elle? Est-ce que c’est l’objet qui est plaisant ou est-ce que c’est nous qui avons envie que l’objet nous plaise? C’est là que nous tombons dans le piège. Pourquoi? Parce que si l’objet est plaisant de manière intrinsèque, il devrait l’être tout le temps. Or, nous savons par expérience que ce n’est pas le cas. Un objet nous plaît un certain temps puis nous lasse et nous souhaitons en changer. L’objet n’a aucun pouvoir de nous plaire de son côté. En toute honnêteté nous devons nous poser la question : « Est-ce que cet objet plaisant me donne envie de le posséder, ou bien est-ce moi qui ai envie de cet objet plaisant? ». Cette simple question met en évidence une des six perturbations mentales racines appelée attachement désirant.

Dans le premier cas, nous pouvons ne pas donner suite « à l’appel » de l’objet plaisant. Et dans le second nous activons déjà l’intention de posséder l’objet. Cette intention est le produit de notre attachement désirant. Dans son livre « Comment comprendre l’esprit », G.K. Gyatso nous donne la définition de l’attachement désirant, je cite « L’attachement désirant est, par définition, un facteur mental perturbé qui observe son objet contaminé, le considère comme étant cause de bonheur, et le désire ». C’est pour cette raison, qu’en accord avec cette définition nous sommes constamment sollicités par des objets de désir que nous ne possédons pas et qui de ce fait nous rendent malheureux. Notre souffrance provient de notre ignorance, persuadés que nous sommes en croyant que les objets extérieurs à notre esprit ont le pouvoir de nous faire succomber à la tentation.

Satisfait-Content-01Si nous contemplons nos désirs, nous constaterons qu’ils sont excessifs. Pour être satisfaits nous voulons posséder toutes les meilleures choses, que ce soit le travail, le partenaire, la voiture, le téléphone portable et ainsi de suite. Si nous ne possédons pas les meilleures choses dans quelque domaine que ce soit, nous éprouvons un sentiment de déception. Contrairement à l’idée reçue, nous ne sommes pas obligés de changer de téléphone portable chaque année pour profiter de l’offre exceptionnelle de notre fournisseur. Malgré les offres alléchantes des médias, nous ne sommes pas astreints d’acquérir toutes ces choses qui captivent nos désirs sans fin. Si l’obsolescence appliquée aux biens de consommation s’impose à notre insu, nul n’est besoin d’en accélérer l’échéance par de nouvelles acquisitions compulsives. Alors comment faire pour ne pas tomber dans cet engrenage qu’est le samsara?

Les enseignements du dharma nous donnent la solution pour ne pas suivre les perfidies du samsara. En contemplant ses défauts, nous serons rapidement persuadés que la nature du samsara est de nous maintenir dans la souffrance. Pour nous tirer d’affaire, nous devons remplacer notre attachement aux choses par un état d’esprit opposé, le renoncement. Ce qui ne veut pas dire que nous devons nous priver et abandonner ce que nous possédons. Nous devons empêcher l’attachement désirant de se manifester dans notre esprit. L’attractivité de l’objet quel qu’il soit n’est pas une caractéristique intrinsèque de celui-ci mais le résultat de notre ignorance. En comprenant ceci, notre sagesse naturellement nous dira : « Mieux être heureux avec ce que l’on a que d’être malheureux en nous focalisant sur ce que nous n’avons pas ».

Rédigé à partir de mes notes personnelles d’un enseignement du Programme Fondamental basé sur le livre « La Voie Joyeuse » de G.K. Gyatso reçu au Centre Atisha de Genève

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Les avantages de chérir les autres

L’esprit qui chérit les autres est simplement l’esprit qui considère que le bonheur des autres est quelque chose d’important. Il est sinon plus aussi important que notre propre bonheur. Nous pouvons alors penser : « Pour moi, cette personne est importante, son bien-être est important, ses désirs et son bonheur sont importants ». Ce qui veut dire que nous avons de la considération pour autrui, tout en faisant abstraction de notre préoccupation de soi, de notre ego. (Voir aussi Réflexion sur la préoccupation de soi). Dès cet instant, nous acceptons que les autres également puissent avoir les mêmes aspirations, les mêmes désirs d’être heureux que nous. Nous accordons une place au bonheur et à l’accomplissement des désirs des autres. Nous leur attribuons une valeur à nos yeux. Dans son livre « La Voie Joyeuse » Ghéshé Kelsang Gyatso cite Shantidéva qui disait que tout le bonheur de ce monde vient de l’esprit qui désire que les autres soient heureux.

avant-cher-01Comment mettre en application cet état d’esprit? Parmi les nombreuses situations de la vie de tous les jours, prenons par exemple une relation de couple. Conditionnés par la préoccupation de soi, généralement nous tentons par tous les stratagèmes de convaincre l’autre de mettre en œuvre tout ce qu’il sera capable de produire pour que nous soyons heureux. Ce mode de faire, tôt ou tard aboutira à une relation dysfonctionnelle. Alors que l’esprit qui chérit consiste pour nous à essayer d’aider notre partenaire à accomplir ses propres aspirations pour être heureux. Concrètement, c’est dire à l’autre : « Tu es quelqu’un d’important à mes yeux, que puis-je faire pour t’aider à réaliser ton bonheur? ». Avec la préoccupation de soi, nous essayons de contrôler l’autre personne pour l’amener à accomplir nos désirs égoïstes. Alors qu’un amour qui chérit est juste le contraire, c’est-à-dire un amour qui mettra tout en œuvre pour que l’autre réalise ses buts dans la vie.

Finalement, lorsque mutuellement les personnes appliquent cette démarche l’une envers l’autre, il en résulte que les deux sont satisfaites. Mais cette manière de faire doit être bien comprise sinon elle risque de prendre la forme d’une sorte de contrat inexprimé, soumis à conditions. Nous pourrions dans ce cas mettre une exigence du style : « Si tu m’aimes, je ferai tout ce que tu voudras! avant-cher-02Sous-entendu : Si tu ne m’aime pas, je te laisse te… « . Nous devons bien faire la différence entre l’esprit qui chérit les autres et l’attachement au bonheur des autres qui nous convient bien. Plus précisément, dans le premier cas, l’esprit qui considère que le bonheur de l’autre est important pour lui et dans le deuxième cas l’attachement au bonheur de l’autre qui pense que celui-ci passe au préalable par notre propre bonheur égoïste. Chérir les autres se traduirait par exemple par : « Ton bonheur est une chose importante pour moi, je souhaite t’aider à le réaliser ».

Les lois du karma sont incontournables. Ainsi toutes nos actions négatives ont pour origine notre préoccupation de soi, tandis que toutes nos actions positives proviennent de l’esprit qui chérit les autres. Toutes les bonnes choses qui se manifestent dans notre vie sont le fruit d’avoir chérit les autres dans le passé en nous engageant dans des actions vertueuses. D’avoir pratiqué alors  la discipline morale et le don, un être jouira d’une vie humaine. Si de plus celui-ci a développé un fort intérêt pour la voie spirituelle il profitera d’une précieuse vie humaine. Ce qui différencie une vie humaine d’une précieuse vie humaine est l’opportunité d’avoir la motivation pour s’engager dans la voie spirituelle. Elle est précieuse dans le sens qu’elle ne va pas de soi et ne dure pas forcément toute notre vie humaine ordinaire. Elle peut prendre fin à n’importe quel moment. De fait, ceux qui ont une précieuse vie humaine sont du reste nettement moins nombreux que ceux qui jouissent simplement d’une vie humaine.

Dans ce contexte, l’action de la discipline morale peut s’expliquer de la manière suivante. Étant donnée une situation, notre préoccupation de soi nous incite à répondre par une action non vertueuse, notre propre intérêt égoïste. Il se peut que nos avant-cher-03perturbations mentales nous encouragent à le faire. La discipline morale est alors cette attitude qui nous invite d’aller dans le sens contraire et de répondre par une action vertueuse, l’amour qui chérit les autres. Si actuellement nous avons la bonne fortune de jouir d’une précieuse vie humaine, c’est parce que dans nos vies passées nous n’avons pas donné suite aux incitations de notre préoccupation de soi à faire du mal aux autres en pensant qu’à nous-même. Motivés par un esprit qui chérit les autres, nous nous sommes alors engagés dans une discipline morale pure. C’est pourquoi nous pouvons aujourd’hui apprécier à sa juste valeur ce cadeau qui nous échoit, une précieuse vie humaine.

Inspiré d’un enseignement de « La Voie Joyeuse » donné par Kadam Ryan au Centre Atisha en 2006 à Genève.

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Réflexion sur la préoccupation de soi

Parce que nous saisissons notre propre soi comme existant de manière intrinsèque, nous saisissons le soi des autres de la même façon. Dans ces conditions nous sommes amenés à considérer nous-même (soi) et les autres comme différents. C’est à partir de cette discrimination que nous développons la préoccupation de soi qui se traduit par le fait que nous nous chérissons bien plus que quiconque et que nous nous considérons suprêmement important. Et pour défendre ce statut, nous développons des perturbations mentales telles que l’attachement désirant, l’orgueil, l’ignorance et Preoc-Soi 01toutes les autres perturbations mentales. Celles-ci nous contraignent à commettre des actions négatives responsables du corps et de l’esprit contaminés qui sont les nôtres. La préoccupation de soi est un esprit trompeur dont les agissements nous assujettissent à une souffrance continuelle. Dans la culture occidentale, nous avons souvent l’image d’un diable qui nous maintient en otage, nous promettant tout ce que nous désirons.

La préoccupation de soi est assimilable à un diable qui nous promet monts et merveilles pour accéder au bonheur, mais qui toujours nous trahis en nous infligeant malheurs et souffrances. D’une manière subversive, sous prétexte d’être un ami, nous sommes sous sa domination et nous nous en accommodons. Au lieu de lui opposer une réelle résistance, nous le mettons toujours au bénéfice du doute. Ainsi, plus nous lui donnons notre assentiment, plus la préoccupation de soi tel un envahisseur occupe de plus en plus notre esprit. Il y a dans le langage populaire une expression qui reflète bien cette situation : « Nous vendons notre âme au diable ». Du point de vue spirituel, inconditionnellement nous donnons suite à toutes ses suggestions et incitations. De la même manière, la préoccupation de soi, par ses intentions fallacieuses agit en imposteur qui ne tient jamais ses promesses.

Comment la préoccupation de soi se manifeste en nous?

  • Elle se traduit par un attachement à nos croyances. Autrement dit, nous pensons que nos idées sont totalement fiables et importantes. À nos yeux, nos opinions valent de toute façon certainement bien plus que ceux des autres. Elle est en état d’alerte en présence de quelqu’un qui ne partage pas les mêmes convictions que nous.
  • En présence de quelqu’un qui possède un système de croyances différent du notre, nous sommes sur la défensive et nous pouvons même devenir intolérants.
  • Elle se traduit aussi par l’orgueil, une certaine arrogance qui considère de manière exagérée nos propres qualités et possessions. Nous ne voudrions pas avoir le sentiment d’être inférieur ou moins bon que notre interlocuteur.

Dans notre démarche spirituelle nous devons faire preuve de pragmatisme. C’est-à-dire de nous baser sur des critères de vérité pour choisir ce qui fonctionne pour nous de manière bénéfique. Or, depuis des temps sans commencement nous avons suivi les « bons conseils » de notre préoccupation de soi. Force est de constater que le fruit de ses propositions est inexistant, en fait rien, juste que des problèmes et des souffrances. Les dysfonctionnements de notre préoccupation de soi, qui ne sont pas bénéfiques, devraient ainsi nous inciter et nous convaincre de changer notre façon d’agir. Notre situation actuelle n’est pas irréversible et à chaque instant nous pouvons la transformer. Pour cela, nous devons orienter toutes nos intentions, toutes nos actions sur leur caractère bénéfique. En analysant notre attitude, nous arriverons naturellement à la conclusion de ne plus suivre notre préoccupation de soi.

Ayant réalisé le comportement perfide et fallacieux de la préoccupation de soi, à tous les instants nous avons le choix de changer d’attitude. Lorsque nous comprenons qu’elle nous rend esclave de nos perturbations mentales, naturellement nous allons développer le désir de nous en libérer. Au lieu de ne considérer uniquement que notre propre intérêt et notre propre point de vue, nous élargissons notre attention également aux autres. Au lieu de Preoc-Soi 02chérir soi-même, notre esprit de préoccupation de soi, nous pouvons chérir les autres. Si mentalement nous faisons une action avec une attitude égoïste ou altruiste, elles deviennent le principal critère de décision de tout ce que nous entreprenons dans notre vie. Quand bien même l’action reste la même, l’attitude mentale avec laquelle nous la faisons change entièrement la signification que nous lui attribuons. La vraie liberté se trouve précisément là. Dans toute situation, posons-nous la question : « Pourquoi, pour qui je fais cela? » Entre faire quelque chose pour soi ou pour les autres, nous choisirons de le faire pour le bien des autres.

Toutes nos tâches, même les plus ordinaires, si elles sont faites en pensant qu’elles sont bénéfiques aux autres les transforment en actes vertueux. Si nous cessons de penser exclusivement à notre bien-être, nous transformons nos attitudes égoïstes en attitudes Preoc-Soi 03altruistes et désintéressées. Cette manière d’agir ne se réalise pas sans effort, du jour au lendemain, mais vient progressivement avec l’entraînement. Nous devons convaincre notre esprit des désavantages de la préoccupation de soi et des avantages de chérir les autres. Chaque fois que nous sommes dans la confusion de l’attachement à notre ego, après avoir identifié que l’origine de notre mal-être est la préoccupation de soi, nous nous mettons au service des autres en les chérissant. Toutes nos relations vont ainsi s’améliorer si nous mettons la préférence sur l’accomplissement d’aider les autres à réaliser leurs buts plutôt que de nous limiter à nos seuls intérêts.

Inspiré d’un enseignement du Programme fondamental : La Voie Joyeuse, Session donnée par Kadam Ryan en 2006 au Centre Atisha de Genève.

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