Récemment dans les médias, parmi les nouveautés du Petit Robert j’ai découvert le terme nomophobie qui définit l’addiction au téléphone portable. Cette dépendance est en train de changer totalement le comportement de l’individu. Il suffit de voir le nombre d’utilisateurs de tous les milieux socio-culturels et de tout âge. Et bientôt, il sera ringard de ne pas en posséder un. Partant d’un principe positif et louable, ce qui devait être simplement un téléphone, le portable devient un accessoire qui prend de plus en plus de place dans la vie de chacun. Inconsciemment il s’infiltre dans toutes nos activités tel un envahisseur. Suite à un article concernant l’addiction au téléphone portable dans notre société contemporaine, j’ai porté ma réflexion sur ce phénomène actuel avec un regard différent. Comment interpréter ces expériences du point de vue d’un pratiquant bouddhiste ?
Je me déplace souvent avec les transports publics et à maintes reprises j’ai pu contempler des gens de tout âge, à peine assis, les mains jointes sur leur téléphone portable, les yeux focalisés sur l’écran se plongent dans un univers virtuel et restent complètement absorbés. Autre constat. Je suis époustouflé de voir le nombre de personnes qui tiennent leur portable dans la main de façon permanente, quelles sont les raisons d’un tel comportement ? Tout porte à croire que c’est pour ne pas perdre un seul instant de la vie qui se passe à travers l’écran de leur téléphone. Convaincus qu’il ne faut pas manquer un seul appel d’un être cher, toute leur attention est focalisée sur le moindre signe de communication. Persuadés de leur importance dans le réseau social auquel ils appartiennent, la supervision de celui-ci leur est primordiale pour savoir qui parle avec qui et de qui ils parlent et surtout quelles sont celles et ceux qui m’ont envoyé un message, une photo, un vidéo ou autre.
L’autre jour, sur une terrasse d’un café, quatre jeunes arrivent et s’assoient à une table. Après avoir passé la commande de leur consommation, chacun, les yeux rivés sur son smartphone, s’adonne à de multiples manipulations avec grande dextérité. Cette scène dura une bonne demi-heure sans qu’aucun n’adresse la parole à son voisin pourtant assis à la même table ! ils sont repartis sans échanger la moindre parole. Un moment de convivialité et de partage ? N’avaient-ils rien à se dire ? Ou encore une autre situation courante dans le domaine relationnel, celui du couple qui hors de leur maison, de leur foyer sont constamment en communication l’un avec l’autre et ce parfois au détriment de leur efficacité au travail. Une fois ensemble à la fin de la journée, ils n’ont plus rien à se dire ! Plus terrible encore, dans un spot de la prévention des accidents le BPA, a diffusé en 1915 un petit film choc sur ce que peut entraîner la nomophobie chez un jeune accro à la musique rap et au chat avec les copains. Voir la vidéo ici : Anastase : Le tour de magie.
Comment décoder les expériences décrites au regard des enseignements de Bouddha ? Avec ou sans téléphone portable, le monde qui nous apparaît ne reste qu’une illusion. Le smartphone ou le IPhone n’est qu’un artifice de plus du samsara qui nous fait miroiter un bonheur qui n’existe pas en dehors de notre esprit. Il renforce une attitude égocentrique et égoïste qui accentue notre attachement désirant envers cet objet. Bien sûr, le smartphone ou le IPhone nous rend atteignable dans toute circonstance. Mais sans sagesse il devient aussi un moyen de nous rendre très vulnérables aux personnes malveillantes et sans scrupules qui exploitent jusqu’à nos données privées. Paradoxalement, à travers les réseaux sociaux via Internet, il est possible de se faire un réseau d’amis dans le monde entier et que nous ne verrons probablement jamais.
Alors que dans notre entourage des gens se sentent délaissés et ont besoin de notre aide et de notre compassion. Développer notre bodhitchitta est véritablement possible qu’avec les gens qui nous entourent directement et non virtuellement. Lorsque nous sommes en peine, la main d’un ami qui se pose sur notre épaule n’a pas d’égal dans le monde virtuel. La peur de ne pas exister, de ne pas avoir de valeur renforce notre attachement désirant. Comme tout objet samsarique, il est dans la nature de la souffrance et ne nous procure aucun bonheur durable. La présence du téléphone portable dans notre vie est ambivalente. Autant il peut nous engluer davantage encore dans le samsara comme il peut dans certaines circonstances nous être bénéfique. À nous de développer la sagesse qui fait la part des choses en nous évitant de devenir tous des nomophobes.
Très bel article !
Et qui résonne à juste titre …merci !