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Sans motivation … stagnation

Tout le monde possède une petite idée de ce qu’est la motivation. Mais au juste connaissons-nous précisément sa fonction, ce qui la caractérise ? Oui, le dictionnaire nous dit bien que : « La motivation est un ensemble de facteurs déterminant l’action et le comportement d’un individu pour atteindre un objectif ou réaliser une activité« , mais encore.  Ainsi, nous réalisons bon nombre de nos activités quotidiennes, bonnes ou mauvaises, avec une motivation nuancée selon l’action à entreprendre. Il y a des choses que nous aimons bien faire et d’autres pas, pourquoi ? Il y a des choses qui nous paraissent difficiles, voir insurmontables ou impossibles tandis que d’autres nous semblent faciles et gratifiantes, pourquoi ? Chacun pourra dresser une liste non exhaustive illustrant ce propos. Ne serait-ce qu’une question de motivation qui caractérise l’une ou l’autre de celles-ci ? Il vous est sûrement déjà arrivé de faire une tâche sans motivation, n’est-ce pas. En résultat, si ce n’est pas une catastrophe, l’aboutissement de cette activité s’en ressentira.

La motivation est à l’origine de toutes nos activités, qu’elles soient positives ou négatives. Dans notre vie ordinaire, le manque de motivation se traduit généralement par un comportement passif, une apathie, une nonchalance ou un manque de conviction dans la réalisation de nos actions et de nos entreprises. C’est aussi un obstacle à la réussite d’une activité ou d’un projet. Que ce soit dans la vie professionnelle ou la vie privée le manque de motivation peut conduire souvent à de cuisants échecs. Les conditions adverses qui semblent entraver l’accroissement de notre motivation, contrairement à ce que nous pensons, ne sont pas extérieures mais intérieures. Nos actions passées, même si nous n’en connaissons pas l’origine, ont créé les potentialités karmiques responsables des difficultés que nous rencontrons actuellement. Pourtant la motivation est une force que chacun peut activer expressément dans sa vie. Sitôt les raisons et les intérêts réunis, elle nous pousse dans notre action. La motivation qui se manifeste alors peut être à la base des succès les plus retentissants.

Puisque c’est « un outil merveilleux » pour notre vie ordinaire, en quoi cela peut-il l’être également dans notre vie spirituelle ? Dans son enseignement de « Comment intégrer toutes nos pratiques quotidiennes », Bouddha nous dit de pratiquer les cinq forces, dont la première de toutes est la motivation. C’est un grand désir de pratiquer le dharma. Et comment naît et s’entretient ce désir ? Par notre motivation. Celle-ci est parfois grande et parfois moins évidente. Tant que nous ne sommes pas des êtres réalisés, notre motivation fluctue en passant par des hauts et des bas et nos réalisations sont en rapport avec elle. Nous pouvons à chaque instant accroître notre motivation en contemplant ses bienfaits. Dans son livre « La Voie joyeuse », Vénérable G. K. Gyatso nous dit, je cite : « Il est sage d’accomplir des actions vertueuses avec la meilleure motivation possible. Si nous sommes motivés par la foi, toutes nos actions vertueuses deviennent très puissantes« .

Dans notre vie spirituelle, le manque de motivation favorise la paresse qui est un état mental attiré par ce qui est futile et non vertueux ; l’attirance pour la tranquillité mentale et physique ; le découragement qui nous fait perdre tout plaisir dans notre pratique. Il y a une relation dépendante entre une forte motivation et un effort puissant et continu qui nous permet d’atteindre ces réalisations. Cet effort n’est pas ordinaire, c’est une énergie spirituelle joyeuse. L’effort dans le bouddhisme c’est se délecter dans la vertu. Ainsi, cette joie de pratiquer, cette envie de pratiquer, cette énergie vient de notre motivation, de notre intention de le faire. Et cette intention vient de notre foi en les enseignements de Bouddha.

Il s’agit d’utiliser le dharma dans toutes nos expériences agréables et même désagréables pour remotiver notre esprit. Il y a rien de tel que le dharma, car franchement sans le dharma rien ne fonctionne. Sans motivation … c’est la stagnation dans le samsara.

Compilation de notes personnelles et textes du dharma consultées lors de séances d’étude et de méditation durant ma pause sabbatique en 2018

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Pourquoi pas, … ? Oui mais … !

Englués dans nos occupations ordinaires, nous ne cessons de remplir notre emploi du temps par une multitude de choses futiles laissant bien peu de place pour les choses importantes comme par exemple notre pratique spirituelle. Pourquoi cette obsession ? Parce que les préoccupations de ce monde ordinaire sont à nos yeux bien plus appréciables que les activités liées à notre pratique du dharma. Ces dernières se trouvent le plus souvent au bas notre liste des tâches à faire. Or cette attitude entretient l’insatisfaction dans notre quête du bonheur et n’engendre finalement que de la souffrance. Depuis des temps sans commencement, nos mauvaises habitudes, produites par nos perturbations mentales, induisent cet état d’esprit jour après jour. Pour remédier à cette situation, nous devons impérativement changer d’attitude, mais comment ?

Les perturbations mentales, telles que la colère, l’attachement, la préoccupation de soi, etc. sont le résultat du mûrissement de notre karma, dans ce cas négatif. Alors que de toutes les activités provenant de l’application du dharma engendrent un karma positif. Nous serions bien inspirés de pratiquer la patience, l’amour, la compassion et ainsi de suite pour créer un tel karma. Rappelons que karma en sanscrit signifie l’action. Celui-ci sera vertueux si nos actions sont positives et correctes et malheureux si nos actions sont négatives et incorrectes. Or, nos actions dépendent principalement de notre intention. Dans son livre « Comment comprendre l’Esprit », vénérable G. K. Gyatso précise la définition de l’intention, je cite : « L’intention est, par définition, un facteur mental dont la fonction est de centrer son esprit principal sur un objet ».

Ainsi, la nature de notre karma positif ou négatif dépend de notre intention à nous centrer sur les objets rencontrés dans nos activités quotidiennes. Selon l’orientation de notre intention, une action bénéfique ou malheureuse s’en suivra. Puisque notre intention est à la genèse de toutes nos actions, il est très important de mieux cibler nos intentions. Dans le flux incessant de nos pensées, celles qui nous sont bénéfiques sont « en compétition » avec celles, plus nombreuses, qui produisent notre malheur et notre souffrance. Le choix dépendra de notre état d’esprit basé soit sur notre sagesse intérieure, soit sur les suggestions trompeuses de notre préoccupation de soi. À ce propos, je lisais l’autre jour à l’entrée d’un restaurant, la célèbre citation d’Epicure « Hâtons-nous de succomber à la tentation, avant qu’elle ne s’éloigne », une manière de s’enfoncer encore plus dans le samsara.

Comme la tentation de céder aux objets samsariques nous est hélas très familière, nous devons opter pour une stratégie plus efficace pour ne pas la suivre. Alors comment faire ? Dans notre fonctionnement habituel, la question « Pourquoi pas … ? » nous sert de support pour développer l’intention. L’action subséquente est souvent subordonnée à un argument introduit par une phrase commençant par « Oui mais … « . Ainsi les tergiversations et les atermoiements de notre esprit peuvent nous conduire aussi bien dans des actions vertueuses que dans des actions non-vertueuses. « Pourquoi pas … » ouvre une possibilité d’action et pourra être annihilée par la considération subséquente « Oui mais … « . Ce canevas s’applique dans notre vie de tous les jours aussi bien pour des intentions vertueuses que pour celles qui ne le sont pas . Alors « Pourquoi pas redoubler de vigilance pour réduire notre karma négatif ? » ou bien encore « Pourquoi consacrer du temps à méditer ? à quoi vous répondrez peut-être « Oui mais … !

Compilé à partir de notes personnelles inspirées de mon parcours  et de mes expériences du dharma, ces années passées

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Bodhisattva le novice

C’est ce que nous sommes dès le moment où naît en nous le désir sincère d’être heureux en nous libérant des chaînes du samsara et d’aider les autres à en faire autant. Lorsque nous développons en nous ce souhait, nous devenons un bodhisattva novice. En fait, tous et toutes aménageons notre vie dans le seul but d’être heureux et de ne pas souffrir. Mais, face au bonheur nous ne sommes pas tous égaux, loin s’en faut. Il suffit d’observer le monde autour de nous. Le bonheur que la plupart d’entre nous recherchons est un bonheur mondain, un bonheur ordinaire qui n’est que temporaire. Aussi longtemps que nous avons cette préférence, cette option trompeuse tôt ou tard se transforme en de nouvelles souffrances et nous engluent davantage dans le samsara.

Lorsque dans notre entourage nous côtoyons des êtres qui souffrent, naturellement nous voulons faire quelque chose pour eux. Bien que notre aide soit très limitée, elle ne pourra leur apporter qu’un peu de réconfort, un peu de chaleur humaine sans plus. Il faut bien convenir que notre capacité à être heureux et à rendre les autres heureux est bien peu de chose en comparaison de ce que nous dit Bouddha dans ses enseignements à propos du vrai bonheur de la bouddhéité. Devenir un bodhisattva, puis un bouddha est le seul moyen d’atteindre ce bonheur pur et surtout de pouvoir conduire les autres vers ce même bonheur.

Mais qu’est-ce qu’un bodhisattva ? Un bodhisattva est, homme ou femme, celui dont le plus profond désir est d’atteindre l’illumination, de devenir un bouddha dans le seul but de venir en aide à tous les êtres vivants. Et ce qui nous fera devenir un bouddha, c’est la pratique de la compassion. C’est la compassion qui donne naissance la bouddhéité. C’est grâce à la compassion que nous atteindrons la bouddhéité. Dans « L’entraînement de l’esprit en sept points », Guéshé Tchékawa nous dit que nous devons toujours avoir comme pratique principale la compassion si nous aspirons devenir un bouddha ou un bodhisattva.

Alors, en quoi consiste la pratique de la compassion ? Etymologiquement, compassion vient du mot « compassio » qui veut dire souffrir ensemble. C’est un sentiment de sympathie envers la souffrance, les difficultés d’une autre personne et plus généralement d’un être sensible. Ce sentiment est très souvent mal compris, car nombreux sont ceux qui pensent qu’il s’agit de prendre expressément sur soi la souffrance ou le malheur d’autrui. C’est justement une mauvaise compréhension de ce sentiment qui induit chez certains une attitude négative à l’opposé de la compassion. Souffrir ensemble veut dire imaginer se mettre à la place de l’autre pour mieux comprendre sa souffrance ou son mal-être et non pas de faire physiquement son expérience.

Or, tellement conditionné par la préoccupation de soi et l’attachement au bien-être, nous sommes peu enclins à avoir de la bonté et de la bienveillance envers nos semblables. Nous pensons que notre confort est bien plus important. Nous pensons que nous avons assez de difficultés et de problèmes dans notre vie sans encore s’occuper de celles et ceux de nos voisins. Cette attitude égoïste nous ferme irrémédiablement la porte de la pratique de la compassion. Certes, il n’est pas toujours facile d’offrir une aide pratique aux autres, mais nous pouvons néanmoins maintenir constamment l’intention de les aider. Nous devons utiliser nos propres expériences de douleur et d’insatisfaction pour mieux comprendre la souffrance d’autrui et faire naître en nous la compassion pour tous les êtres sensibles.

Réflexions sur l’enseignement de la Compassion universelle dans le cadre du programme fondamental donné au Centre de méditation Kadampa à Genève, automne 2017

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Vous avez dit procrastination ?

Il se peut que vous lisez ou entendez ce mot pour la première fois. Mais tous pourtant le connaissons d’une manière ou d’une autre et à des degrés différents. La procrastination nous est même tellement familière que nous ne nous en rendons même plus compte. Commençons d’abord par sa définition qui explique que : « La procrastination est une tendance à différer, à remettre l’action au lendemain » . Si vous ne vous sentez toujours pas concerné, voici quelques exemples qui devraient vous parler. « Ce n’est pas si important, je le ferai demain », « Je devrais m’occuper de cette lettre, mais … une autre fois », « Cette fois, je cesse de boire … et finalement vous continuez. Avec un minimum d’imagination chacun trouvera quantité de situations faisant intervenir la procrastination dans son quotidien.

Le moment d’approfondir le sujet vient à propos, puisque l’an nouveau approche et que traditionnellement, nous prenons des nouvelles résolutions. En connaissant les effets pervers de la procrastination, nous comprenons mieux les raisons de l’échec de celles faites l’année qui se termine. Cette tendance s’immisce aussi bien dans notre vie ordinaire que dans notre vie spirituelle. Si dans le premier cas elle aura des implications et des conséquences ordinaires, dans le deuxième cas elle va fortement porter préjudice à notre capital karmique avec toutes ses répercussions.  Bien que de prime abord elle nous fait penser à un soulagement libérateur elle nous enferme dans un cercle vicieux, elle peut aussi dans le pire des cas nous pousser au burnout. Elle nous fait penser tout le temps à ce que nous devrions faire sans s’y résoudre à le faire.

Pourquoi cela ? Chaque fois que nous avons l’intention de faire une action et que nous repoussons l’échéance, c’est pour céder sa place à quelque chose de plus attractif, de plus distrayant. Ce faisant, l’aspect rébarbatif de la tâche est momentanément remplacé par autre chose de plus agréable. Procédant ainsi répétitivement, l’intérêt premier de la tâche à faire perd de son actualité pour finalement tomber dans l’oubli. Pour illustrer cela, prenons un exemple. Vous avez une chose importante à faire, mais à cet instant vous pensez, par paresse ou autre prétexte, ne pas avoir l’inspiration appropriée. Pour ne pas rester sans rien faire, il vous est très facile de trouver une tâche plus ludique et attractive de ce qui devrait être fait. En conséquence, ce qui devrait être fait passe au second plan, puis plus tard au troisième plan pour se retrouver très loin de vos préoccupations.

Ce que vous venez de lire ne vaut pas seulement pour la vie ordinaire mais également valable pour la vie spirituelle. N’oublions pas que tout est création de l’esprit que ce soit des choses ordinaires de tous les jours ou que ce soit tout ce qui concerne notre vie spirituelle. Il en va ainsi pour nous engager dans une pratique de méditation et ne pas tomber dans le piège comme par exemple : « Cette semaine je n’ai guère le temps de méditer, mais c’est promis je m’y mets la semaine prochaine ». Alors au moment de prendre de bonnes résolutions pour l’année à venir, mettons aussi celle de ne pas céder à la procrastination sans vouloir faire de l’excès de zèle, comme Léo Campion, je cite :  » Il ne faut jamais remettre au lendemain ce qu’on peut faire le surlendemain ; sinon on serait un jour en avance ».

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Ne pas réussir à satisfaire nos désirs

Dans le livre « La Voie Joyeuse » de G.K. Gyatso, une courte histoire à la page 152 illustre cet article en introduction, je cite : « Un jour Aryadéva et Ashvagossa s’apprêtaient à débattre. Ashvagossa était sur le pas de la porte, un pied à l’intérieur et l’autre à l’extérieur. Pour tester la sagesse d’Aryadéva, il lui demanda : « Est-ce que je sors ou est-ce que j’entre ? » Aryadéva lui répondit : « Cela dépend de ton intention. Si tu veux sortir, tu sortiras. Si tu veux entrer, tu entreras » … ». L’intention est en quelque sorte le mécanisme qui oriente nos actions afin de satisfaire nos désirs. L’intention est par définition un facteur mental dont la fonction est de centrer son esprit principal sur un objet.

De cette manière, nous recherchons la satisfaction de tous nos désirs dans les objets samsariques qui sont par nature trompeurs. Simultanément, l’attachement désirant nous incite constamment à nous approprier ces objets, prétextant que ceux-ci nous rendront heureux en satisfaisant tous nos désirs. Ainsi, en succombant à la tentation de manger du chocolat, nous pensons que cela va juguler notre envie de chocolat. Le désir de chocolat disparaîtra effectivement mais juste momentanément, jusqu’à la prochaine crise d’envie de chocolat. C’est en fait comme boire de l’eau salée pour tenter d’étancher notre soif. Plus nous en buvons et plus nous avons soif !

Naturellement, pensant qu’assouvir notre envie de chocolat va faire disparaître notre désir de chocolat, en réalité ce sera juste le contraire. Car plus nous succombons à nos désirs et plus ceux-ci augmentent jusqu’à devenir parfois une obsession. Mais pourquoi fonctionnons-nous ainsi ? Le désir naît du moment que nous ressentons une sensation de manque résultant d’un état d’esprit perturbé par diverses pensées négatives de tristesse, d’insécurité, d’ennui ou bien d’autres encore. Notre ignorance de saisie d’un soi nous fait croire que les objets que nous percevons à l’extérieur de notre esprit sont susceptibles de satisfaire nos désirs et nous rendre heureux.

Si, après avoir obtenu l’objet de notre désir sans traiter notre état d’esprit de manque, ce dernier va automatiquement générer un besoin du même objet désiré ou d’un autre différent du premier. Combler un désir ne sert strictement à rien aussi longtemps que nous ne traitons pas la cause de notre insatisfaction. Ceci même si momentanément nous pensons posséder tous les objets de désirs de notre esprit perturbé. Pour illustrer cela, prenons l’exemple d’un homme très riche. Grâce à son argent, cet homme peut obtenir tous les objets de désir imaginables. Toujours insatisfait, il continue encore sa quête de nouveaux objets.

Logiquement, si nous sommes satisfaits d’un certain objet de désir, nous ne devrions plus avoir de désir pour ce même objet. En réalité, soit notre satisfaction s’étiole, soit l’objet ne répond plus à notre manque, mais dans tous les cas la situation est impermanente. Aussi longtemps que nous sommes l’otage de notre esprit de manque, même en possédant actuellement tous les objets désirés, il s’en trouvera de nouveaux pour réveiller le démon du désir dans notre esprit et nous ne serons jamais satisfaits. Pour remédier à cette souffrance récurrente nous devons pratiquer un total esprit de contentement.

Inspiré d’un enseignement tiré du livre « La Voie Joyeuse » reçu au Centre Atisha de Genève en 2005 ainsi que de mes notes personnelles.

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Larguer les amarres

Ne vous est-il jamais arrivé d’avoir l’intention d’entreprendre quelque chose et d’éprouver le sentiment que quoi que vous fassiez tout se met en travers de votre chemin pour aboutir à la réalisation de la chose en question. Alors, contrarié et frustré, vous cherchez toutes sortes d’arguments qui justifient cet échec et vous en souffrez. Habituellement, nous attribuons les circonstances causales de nos expériences à des éléments extérieurs tels que les gens, le ou la partenaire, le milieu du travail, la société et ainsi de suite. Ces investigations sont le résultat d’un esprit perturbé par la préoccupation du soi et l’ignorance.

Bouddha nous enseigne que chaque intention manifestée dans notre esprit se traduit dans une action. Selon la nature de notre intention, l’action subséquente va laisser une empreinte karmique sur notre esprit qui sera bénéfique ou malheureuse. De cette empreinte karmique, un ou plusieurs effets mûriront à l’avenir sur notre continuum mental. L’instinct créateur de notre esprit est à l’origine de toutes nos pensées et donc naturellement de chacune de nos intentions. Ainsi, à un moment donné, notre intention de faire une action bien précise rencontrera dans notre esprit un contexte karmique qui lui sera favorable ou défavorable.

Plus précisément, lorsque notre intention première n’aboutit pas, que se passe-t-il dans notre esprit ? Tout dépendra de notre état d’esprit plein d’embuches. Il se peut qu’à ce moment précis les effets karmiques qui mûrissent sont un obstacle à la réalisation de notre intention. Des intentions contraires prédominent et sabotent notre bon vouloir. En méditant sur la situation, nous pouvons alors nous poser par exemple la question : « Qu’est-ce qui m’empêche de concrétiser mon intention ? » ou encore : « Qu’est-ce que dois-je faire au préalable pour avancer vers l’objectif de mon intention ? »

Cette réflexion nous amènera à comprendre ce qui est à entreprendre pour que notre intention de départ se concrétise dans l’action souhaitée. Les vraies raisons alors dissimulées dans le tissu de notre esprit apparaîtront. Puis avec patience et détermination, il suffira de focaliser notre esprit sur tout ce qui contrarie la réalisation de notre intention et d’entreprendre ce qui est nécessaire pour larguer les amarres de tout ce qui nous attache en ce moment à notre situation même inconfortable.

Inspiré d’un enseignement du Programme fondamental reçu au Centre Atisha à Genéve en2014

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Prendre, une réflexion qui peut surprendre

D’après la définition du Larousse prendre vient du latin prendere qui veut dire saisir. Le souhait primordial de tout être vivant est d’être heureux et de ne pas souffrir. Persuadés que ce bonheur se trouve dans notre monde ordinaire, nous saisissons chaque chose, chaque situation pensant qu’elles vont nous rendre heureux. Or cette attitude est essentiellement centrée sur nous-mêmes et nourrit constamment notre préoccupation de soi, un état d’esprit qui pense que nous sommes très importants. Nos paroles et nos pensées traduisent de manière évidente ce comportement égoïste. Ainsi dirons-nous : « Je prends des vacances », « Je prends une barre de chocolat », « Je prends une douche ». D’une manière générale nous prenons quelque chose qui semble bon pour nous. Mais ce raisonnement est également valable pour certaines choses que nous n’aimons pas, comme par exemple : « J’ai pris froid et je suis malade », « Hier, j’ai pris une contravention », « J’ai pris très mal sa remarque ». Bien que de telles situations suscitent de l’aversion, elles nous concernent toujours personnellement.

Prendre-01Or, la préoccupation de soi avec la saisie du soi sont les causes de toutes nos souffrances. G.K. dans « Huit étapes vers le bonheur » dit : « Toutes les souffrances que nous éprouvons sont le résultat de notre karma négatif, et la source de tout ce karma négatif est la préoccupation de soi« . C’est pourquoi, nous devons tout mettre en œuvre pour détruire ce poison de notre esprit. Bouddha nous enseigne une méthode très habile pour le faire qui plus est va non seulement détruire notre préoccupation de soi, mais également accroître notre amour et notre compassion. Il s’agit de la pratique de la prise et du don, grâce à laquelle nous pouvons développer ces qualités. Dans ce contexte, prendre signifie prendre sur nous la souffrance des autres par la méditation. Par l’imagination, nous prenons indirectement sur nous cette souffrance. Puisque nous avons tellement de familiarité avec le fait de prendre ou de saisir, nous allons dans ce cas l’utiliser cette fois-ci pour détruire notre préoccupation de soi.

Le fait de « prendre la souffrance » des autres suscite souvent une objection immédiate, du style : « Alors non! J’ai déjà suffisamment de souffrance moi-même, je ne vais certainement pas prendre encore celle des autres! ». Si effectivement nous avons l’intention d’enlever cette souffrance, cela ne veut pas dire que nous souffrons en lieu et place des êtres affectés par celle-ci. Du reste, à notre stade de développement spirituel, il n’y a aucun risque que cela se produise. Mais nous pouvons, par l’imagination nous mettre à la place de l’autre pour ressentir la souffrance que son expérience lui fait vivre. Et à partir de là générer le profond désir qu’il en soit libéré. Cette action empreinte d’altruisme va amoindrir la virulence de notre préoccupation de soi et progressivement l’anéantir. Lorsque par exemple nous pensons fortement à quelqu’un que nous aimons, il nous arrive de moins penser à nous-mêmes et à nos propres préoccupations.

Prendre-03En quoi consiste principalement cette pratique? Pour libérer les autres de leur souffrance, nous imaginons celle-ci assujettir la ou les personnes dans tout leur être sous la forme d’un nuage de fumée noire. Par amour et compassion, nous prenons sur nous ce nuage représentant leur souffrance en le dirigeant vers notre cœur. Ce faisant nous développerons le souhait de nous-même faire quelque chose. Nous pensons par exemple : « Comme j’aimerais que ces personnes n’aient plus à souffrir du conflit qui les a fait fuir de leur pays », ou encore : « Comme je voudrais que ces enfants puissent recevoir l’aide humanitaire vitale pour ne pas mourir de faim ». Et nous pensons : « Comme j’aimerais pouvoir faire quelque chose et je vais le faire ». Motivés par cette envie, nous imaginons que grâce à notre amour et à notre compassion nous enlevons la souffrance des autres et que celle-ci vient dissoudre notre propre préoccupation de soi. En faisant cela, non seulement nous libérons les autres de leur souffrance, nous détruisons également notre propre préoccupation de soi. Nous développons ainsi la croyance correcte que les autres sont libres de toute souffrance et que nous-mêmes sommes libérés de tout état d’esprit négatif.

Prendre-DonnerCette méditation consiste à imaginer que nous libérons les autres de la souffrance et que nous-mêmes en faisant cette pratique nous nous libérons de tous nos états d’esprit négatifs. Cette pratique, nous pouvons la faire soit en nous concentrant sur tous les êtres vivants, soit en nous focalisant sur un groupe limité de personnes, voire même sur une seule personne. Nous contemplons chaque souffrance éprouvée par chaque être vivant selon sa condition et nous développons une immense compassion envers eux. Et avec cette compassion, nous souhaitons nous-mêmes faire quelque chose. Cette pratique peut se faire aussi de manière furtive et discrète, lorsque par exemple nous sommes témoin d’une situation de détresse, d’accident ou de souffrance dans notre entourage immédiat. Nous nous focalisons alors sur la ou les personnes impliquées et nous agissons de cette manière pour le bien de tous. En pratiquant selon ces explications, prendre pourra vous surprendre par ses bienfaits.

Sur la base de notes personnelles et des enseignements tirés des livres « Huit étapes vers le bonheur » et « Un bouddhisme moderne » de G.K. Gyatso, aux Ed. Tharpa, entendus au Centre Atisha de Genève.

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Comment s’épanouir dans notre pratique du dharma

Lorsque notre pratique du dharma nous semble insatisfaisante, nous nous posons alors la question : « Comment puis-je m’épanouir dans ma pratique du dharma? ». D’aucuns trouvent leur pratique difficile et astreignante, d’autres ont l’impression de ne pas progresser et se découragent ou bien n’arrivent pas à concilier leur pratique du dharma avec leurs activités quotidiennes et pour d’autres raisons encore. La pratique du dharma est sensée nous épanouir, nous libérer et nous rendre heureux et progressivement déployer ses bienfaits dans tous les registres de notre vie. Tant que nous ne comprenons pas qu’il n’y pas de dichotomie entre notre vie de tous Epa-Dharma-01les jours et notre pratique, nous avons effectivement deux tâches distinctes à effectuer. Est-ce bien le cas pour nous? Pourquoi?

Lorsque nous seront capables de nous épanouir dans notre pratique du dharma et de la faire fleurir, il en sera de même dans notre vie. Les acquis de la pratique du dharma induisent des apprentissages intérieurs qui vont peu à peu transformer nos expériences quotidiennes. La fonction du dharma est de nous conduire vers l’harmonie et la paix intérieure. La raison pour laquelle nous ne nous épanouissons pas dans notre pratique est en fait très simple. Chacun possède un potentiel de pureté, une nature de bouddha dans son esprit depuis des temps sans commencement. C’est notre nature la plus subtile ou notre claire lumière de félicité ou plus simplement notre vrai Soi. Malheureusement, nous sommes totalement absorbés par ce qui semble se passer à l’extérieur et oublions la présence de ce potentiel capable de nous aider.

Ne réalisant pas que tout ce que nous croyons exister à l’extérieur est en fait la création de notre esprit perturbé, nous attribuons à nos hallucinations le pouvoir de nous épanouir. Provenant d’un tel esprit nous ne pouvons qu’être déçus! Nous recherchons les causes d’épanouissement à la mauvaise place, au mauvais endroit. Tandis que si nous tournons notre attention vers l’intérieur, au niveau de notre cœur où se trouve notre graine de bouddha, nous mélangeons notre esprit avec ce potentiel de pureté. Nous mélangeons notre esprit avec notre nature de bouddha, notre vrai Soi, là d’où viennent toutes les réponses à nos problèmes. En faisant ce voyage intérieur, nous recevrons les nombreuses bénédictions nous permettant de nous épanouir davantage. Mais pour faire ce voyage intérieur, nous devons développer la bonne attitude qui consiste à développer Epa-Dharma-02notre sagesse, notre habileté, notre patience. Alors nous donnons plus d’ampleur et de pertinence à notre pratique du dharma nous aidant ainsi à résoudre nos problèmes quotidiens.

La principale difficulté que nous rencontrons au cours de ce voyage se résume à notre paresse. Dans son livre « Comment comprendre l’esprit », Ghéshé Kelsang Gyatso défini la paresse, je cite : « la paresse est un facteur mental perturbé qui, motivé par l’attachement aux plaisirs ou aux activités de ce monde, n’aime pas les activités vertueuses ». Ce manque d’intérêt pour la pratique du dharma est appelée paresse de l’attachement. Tant que nous entretenons cette paresse dans notre esprit, nous continuerons à éprouver malheurs et souffrances et nous rencontrerons sans cesse des problèmes. À chaque instant de notre vie, nous avons le choix en donnant la priorité à notre pratique du dharma plutôt que de nous complaire dans des activités futiles du samsara.

Pour vaincre cette paresse de l’attachement, nous devons identifier les perturbations mentales qui font obstacle à notre pratique et apprendre à nous en libérer. Principalement nous devons éliminer de notre continuum mental les perturbations que sont l’attachement désirant aux objets samsariques, la colère ou aversion et l’ignorance. Tant que ces poisons interfèrent avec notre pratique, celle-ci sera forcément moins profonde, moins stable et moins gratifiante. Cette paresse de l’attachement est une conséquence de notre préoccupation de soi sitôt que nous pensons à notre propre corps ou à notre propre esprit. Cette préoccupation de soi fait naître en nous l’attachement désirant chaque fois que nous pensons à un objet que nous estimons plus important que notre pratique du dharma.

Un autre obstacle rencontré dans notre pratique qui nous empêche de nous épanouir est la non-acceptation de là où nous sommes qui peut se traduire de deux manières différentes. Soit nous avons une vue exaltée de nous même en fixant la barre de nos exigences trop haut ou bien nous avons une attitude désenchantée pensant que nous sommes nuls ou que nous n’y arriverons jamais. Bien sûr nous voudrions déjà être capables de méditer longuement sur des sujets profonds comme le calme stable ou la vacuité et trouver une solution instinctive à tous nos problèmes. Nous devrions concevoir Epa-Dharma-03de tels objets comme des objectifs à long terme et non comme un impératif immédiat. Nous devrions tenir compte des causes karmiques qui entravent notre progression.

Nous pouvons alors adopter une attitude confortable qui consiste à se dire : « Bien que j’ai en moi cette nature de bouddha, je ne l’ai pas encore pleinement réalisée mais aujourd’hui je maintient l’intention de le faire en acceptant où je suis avec toutes mes imperfections ». Cette acceptation va nous libérer de tout jugement et d’un sentiment de culpabilité pour progresser vers un véritable épanouissement dans le dharma.

Inspiré et compilé d’après un atelier du même nom donné par Timothy Leighton au Centre Atisha de Genève en 2009

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Réflexion sur la préoccupation de soi

Parce que nous saisissons notre propre soi comme existant de manière intrinsèque, nous saisissons le soi des autres de la même façon. Dans ces conditions nous sommes amenés à considérer nous-même (soi) et les autres comme différents. C’est à partir de cette discrimination que nous développons la préoccupation de soi qui se traduit par le fait que nous nous chérissons bien plus que quiconque et que nous nous considérons suprêmement important. Et pour défendre ce statut, nous développons des perturbations mentales telles que l’attachement désirant, l’orgueil, l’ignorance et Preoc-Soi 01toutes les autres perturbations mentales. Celles-ci nous contraignent à commettre des actions négatives responsables du corps et de l’esprit contaminés qui sont les nôtres. La préoccupation de soi est un esprit trompeur dont les agissements nous assujettissent à une souffrance continuelle. Dans la culture occidentale, nous avons souvent l’image d’un diable qui nous maintient en otage, nous promettant tout ce que nous désirons.

La préoccupation de soi est assimilable à un diable qui nous promet monts et merveilles pour accéder au bonheur, mais qui toujours nous trahis en nous infligeant malheurs et souffrances. D’une manière subversive, sous prétexte d’être un ami, nous sommes sous sa domination et nous nous en accommodons. Au lieu de lui opposer une réelle résistance, nous le mettons toujours au bénéfice du doute. Ainsi, plus nous lui donnons notre assentiment, plus la préoccupation de soi tel un envahisseur occupe de plus en plus notre esprit. Il y a dans le langage populaire une expression qui reflète bien cette situation : « Nous vendons notre âme au diable ». Du point de vue spirituel, inconditionnellement nous donnons suite à toutes ses suggestions et incitations. De la même manière, la préoccupation de soi, par ses intentions fallacieuses agit en imposteur qui ne tient jamais ses promesses.

Comment la préoccupation de soi se manifeste en nous?

  • Elle se traduit par un attachement à nos croyances. Autrement dit, nous pensons que nos idées sont totalement fiables et importantes. À nos yeux, nos opinions valent de toute façon certainement bien plus que ceux des autres. Elle est en état d’alerte en présence de quelqu’un qui ne partage pas les mêmes convictions que nous.
  • En présence de quelqu’un qui possède un système de croyances différent du notre, nous sommes sur la défensive et nous pouvons même devenir intolérants.
  • Elle se traduit aussi par l’orgueil, une certaine arrogance qui considère de manière exagérée nos propres qualités et possessions. Nous ne voudrions pas avoir le sentiment d’être inférieur ou moins bon que notre interlocuteur.

Dans notre démarche spirituelle nous devons faire preuve de pragmatisme. C’est-à-dire de nous baser sur des critères de vérité pour choisir ce qui fonctionne pour nous de manière bénéfique. Or, depuis des temps sans commencement nous avons suivi les « bons conseils » de notre préoccupation de soi. Force est de constater que le fruit de ses propositions est inexistant, en fait rien, juste que des problèmes et des souffrances. Les dysfonctionnements de notre préoccupation de soi, qui ne sont pas bénéfiques, devraient ainsi nous inciter et nous convaincre de changer notre façon d’agir. Notre situation actuelle n’est pas irréversible et à chaque instant nous pouvons la transformer. Pour cela, nous devons orienter toutes nos intentions, toutes nos actions sur leur caractère bénéfique. En analysant notre attitude, nous arriverons naturellement à la conclusion de ne plus suivre notre préoccupation de soi.

Ayant réalisé le comportement perfide et fallacieux de la préoccupation de soi, à tous les instants nous avons le choix de changer d’attitude. Lorsque nous comprenons qu’elle nous rend esclave de nos perturbations mentales, naturellement nous allons développer le désir de nous en libérer. Au lieu de ne considérer uniquement que notre propre intérêt et notre propre point de vue, nous élargissons notre attention également aux autres. Au lieu de Preoc-Soi 02chérir soi-même, notre esprit de préoccupation de soi, nous pouvons chérir les autres. Si mentalement nous faisons une action avec une attitude égoïste ou altruiste, elles deviennent le principal critère de décision de tout ce que nous entreprenons dans notre vie. Quand bien même l’action reste la même, l’attitude mentale avec laquelle nous la faisons change entièrement la signification que nous lui attribuons. La vraie liberté se trouve précisément là. Dans toute situation, posons-nous la question : « Pourquoi, pour qui je fais cela? » Entre faire quelque chose pour soi ou pour les autres, nous choisirons de le faire pour le bien des autres.

Toutes nos tâches, même les plus ordinaires, si elles sont faites en pensant qu’elles sont bénéfiques aux autres les transforment en actes vertueux. Si nous cessons de penser exclusivement à notre bien-être, nous transformons nos attitudes égoïstes en attitudes Preoc-Soi 03altruistes et désintéressées. Cette manière d’agir ne se réalise pas sans effort, du jour au lendemain, mais vient progressivement avec l’entraînement. Nous devons convaincre notre esprit des désavantages de la préoccupation de soi et des avantages de chérir les autres. Chaque fois que nous sommes dans la confusion de l’attachement à notre ego, après avoir identifié que l’origine de notre mal-être est la préoccupation de soi, nous nous mettons au service des autres en les chérissant. Toutes nos relations vont ainsi s’améliorer si nous mettons la préférence sur l’accomplissement d’aider les autres à réaliser leurs buts plutôt que de nous limiter à nos seuls intérêts.

Inspiré d’un enseignement du Programme fondamental : La Voie Joyeuse, Session donnée par Kadam Ryan en 2006 au Centre Atisha de Genève.

Crédits Illustrations http://fr.123rf.com

Vision non ordinaire de mon expérience de la souffrance

Alors que j’étais en pleine retraite, dimanche il y a deux semaines, en début d’après-midi je fus soudain pris d’une douleur aigue au creux de l’estomac. Une douleur située dans la partie supérieure de l’estomac et qui me traversait de part en part de la poitrine jusque dans le dos. Je cherchais alors à comprendre la raison de cette douleur sans succès. Je pris le parti d’attendre, mais en vain. Tant et si bien qu’en début de soirée je demandais mon admission aux urgences de l’hôpital de ma région. Et c’est à partir de ce moment-là que j’ai eu une vision non-ordinaire de mon expérience qui ne faisait que de commencer. Cette vision est le fruit de nombreux conseils et enseignements instillés dans mon esprit par mon bienveillant enseignant Kadam Ryan durant les années passées ensemble au Centre Atisha de Genève.

Étant donné que mon esprit fonctionnait dans le contexte d’une pratique de retraite, Je vis alors le personnel à l’accueil non pas comme des êtres humains ordinaires mais comme des dakas et des dakinis qui m’accueillaient au pays pur en lapis-lazuli du Bouddha de la médecine. Je fus pris en charge par les médecins et infirmières qui me sont apparus comme étant des bodhisattvas entreprenant les investigations que mon cas exigeait. Je remarquai la fluidité de leurs actions dans le calme et le sourire. À ce moment-là ne pratiquaient-ils pas la prise et le don? Leur mission étant de faire cesser ma souffrance et de me donner le réconfort dont j’avais besoin et mon intention était de purifier rapidement le karma mûrissant qui m’avait conduit dans cette situation. Dès cet instant, quand bien même je ne connaissais ce qui m’affectait, je senti dans mon esprit une grande Santé-01paix et une confiance que tout allait bien se passer.

Quelques heures plus tard, après que l’on ait écarté tout problème cardiaque et poursuivi mon voyage en passant d’un service à l’autre et d’un médecin à l’autre, progressivement le diagnostic se resserrait sur une lithiase du canal hépato-cholédoque, dans un premier temps au moyen d’ultra-sons puis par séance de scanner. Les résultats du scanner confirmaient la présence de calculs biliaires et c’est à ce moment-là que mon hospitalisation commença. Celle-ci devait commencer par une séance d’IRM le lendemain. Ainsi d’interminables heures passèrent à attendre mon tour. Ce fut une magnifique occasion de méditer et de pratiquer la patience. Je pensais : « Hier soir en arrivant, j’étais bien content que l’on s’occupe de moi avec empressement. Actuellement peut-être d’autres personnes dans une situation analogue nécessitent un traitement prioritaire ». Pour le personnel soignant je suis un patient. Et d’après le dictionnaire patient définit une personne soumise à un examen ou a un traitement médical et son homonyme est un adjectif qui qualifie celui qui fait preuve de patience, de tolérance et de calme.

Vers la fin de l’après-midi, ce que certains considèreraient comme de la malchance ou pire une malédiction arriva. Une infirmière vint me dire que l’installation d’IRM était tombée en panne et que ma séance serait reportée au mardi matin, par la même occasion on m’informa que j’allais pouvoir manger une collation. Moi qui n’avais rien mangé depuis dimanche à midi j’étais ravi. Dans l’attente de celle-ci, je fis la connaissance de mes voisins de chambre. Très vite je compris que leur cas était bien plus sérieux que le mien. C’est alors que je me suis souvenu de la méditation du Lamrim, « La mise à égalité de soi et des autres », qui dit : « … comment puis-je chérir uniquement moi-même et négliger les autres? Mon bonheur et ma souffrance sont insignifiants comparés au bonheur et à la souffrance de tous les êtres vivants ». Je me laissais imprégner par cette contemplation. Celle-ci m’aida beaucoup à supporter une nouvelle longue attente à jeun jusque vers 17 heures le mardi. Dans la soirée, le médecin vint me dire que j’allais subir une endoscopie chirurgicale pour extraire les calculs biliaires à l’origine de ma souffrance. Finalement, le vendredi, vu l’absence de syndrome inflammatoire, on m’enleva cette vésicule qui contenait d’autres calculs potentiellement capables de me faire vivre la même situation lors d’une deuxième intervention par laparoscopie consistant à l’ablation de la vésicule biliaire afin d’éviter d’autres migrations de calculs ultérieurement.

Santé-02Me souvenant d’une phrase qui avait alors déjà marqué mon esprit, « le monde qui nous apparaît est celui auquel nous prêtons attention ». Nous sommes en fait libres de nous focaliser sur un objet ou sur un autre. L’esprit principal que j’ai expérimenté est la conscience du corps accompagné surtout par le facteur mental sensation. J’avais la sensation que quelque chose dans mon corps ne fonctionnait plus normalement alors que mon esprit l’observait. Ce quelque chose qui ne fonctionnait plus était une simple création de mon esprit et ma perception de la souffrance était liée d’une part à l’ignorance de saisie d’un soi et à la préoccupation de soi d’autre part qui rendaient l’expérience douloureuse. Ainsi, par cette expérience je réalise le chemin qui reste à faire pour me libérer totalement de la souffrance inhérente au samsara.

Puisse le mérite que j’ai accumulé tout au long de cette expérience de souffrance être profitable à tous ceux qui souffrent en ce moment de manière analogue afin que leur karma négatif responsable soit définitivement éradiqué.