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Un retour en arrière est toujours un aller puisqu’on évolue

Dans la vie, il nous arrive parfois de vivre des situations qui nous mettent à rude épreuve. Nous sommes confrontés à des problèmes apparemment inextricables qui déchaînent une véritable tempête dans notre esprit. Nous avons beau « tourner et retourner » l’ensemble des circonstances à l’origine de notre inconfort, mais sans succès nous pensons alors que nous sommes incapables de résoudre ce problème. Lorsque le doute s’installe dans notre esprit et que la confusion prédomine dans nos réflexions, parfois nous faisons preuve d’opiniâtreté. Persuadés que la solution à nos problèmes est tangible, nous serrons les dents, dans une débauche d’énergie pour finalement échouer.

Cette attitude alimente le découragement ou la culpabilité dans notre esprit et nous fait penser que nous sommes dans une impasse. Pourtant la seule issue dans l’immédiat, est de cesser toute réflexion et de prendre un peu de distance par rapport aux événements. Tout comme le sable en suspension dans une eau agitée nous semble opaque, une fois que celle-ci se calme, le sable se déposant au fond, fait que l’eau redevient limpide et claire. Il en va de même pour notre esprit, lorsque celui-ci se calme nous pouvons alors poser une nouvelle réflexion libérée de toute perturbation. Notre ignorance de la nature réelle, ou ultime, des phénomènes nous fait saisir la situation désagréable comme existant de manière intrinsèque. Or, cette situation n’est qu’une émanation dans le tissu de notre esprit, une hallucination.

Pour amener un peu de lisibilité dans les méandres de notre ignorance, nous pouvons alors être tenté de faire un retour en arrière, de tout reprendre par le commencement. Au prix de beaucoup de réticences devant ce qui est pour nous un échec, nous nous imaginons revenir au point de départ, là où tout a commencé. Un retour en arrière … ? Quelle horreur ! Pourtant ce retour en arrière n’est pas synonyme d’échec et sera même bénéfique. Comme entre temps nous avons également évolué, ce retour en arrière ressemblera plutôt à aller qui sera différent. Car nous avons changé et nous devons l’accepter avec humilité. Pour illustrer ce propos, prenons la lecture d’un livre dont le contenu est compliqué en première lecture. Notre compréhension s’améliorera dès la lecture suivante.

Ce processus de résilience passe par un questionnement qui pourrait être de la forme : « L’écheveau de cette intrigue est trop embrouillé, je n’y vois rien, reprenons depuis le commencement » ou encore « Qu’est-ce que cet obstacle m’enseigne ? Que dois-je comprendre à l’origine de cette expérience douloureuse ? Dans ce genre d’investigations il est souvent question du JE ou du MOI, que nous saisissons fortement. Nous appréhendons ce JE ou ce MOI comme existant de manière intrinsèque, comme existant de son propre côté en dehors de notre esprit. Grave erreur ! Cette préoccupation de soi est à l’origine de toute notre souffrance. À partir de cette anamnèse de notre esprit, grâce à la méditation, nous pouvons mettre en lumière les facteurs mentaux responsables.

Par ce processus, nous refaisons le chemin que nous croyons avoir déjà fait, mais avec un état d’esprit qui aura changé entre temps. Ce qui nous permet de mieux comprendre la présence de nos expériences difficiles passées et de les voir comme un enseignement. Un retour en arrière est toujours un aller puisqu’on évolue au fil de nos expériences.

Compilation de notes personnelles et de textes du dharma consultés lors de séances d’étude et de méditation durant ma pause sabbatique en 2018

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En finir avec la colère

Dans la plupart des situations, le mobile de la colère est l’échec de nos attentes. C’est parce que nos attentes ne sont pas satisfaites que la colère se développe dans notre esprit. Nous sommes souvent tellement obnubilés par la réalisation de nos attentes que la frustration engendrée par une telle situation parasite complètement notre esprit qui se laisse alors submerger par un état perturbé appelé colère. Et que ce soit pour nous- même ou pour les autres les effets de la colère sont tous sans exception négatifs et dommageables. Ainsi, chaque déception, chaque contrariété, chaque perte, chaque désappointement, chaque crève-cœur va engendrer une forme de colère dans notre esprit. Selon nos antécédents karmiques, nous serons plus ou moins familiers avec des états de colère.

Pour en finir avec nos colères, nous devons en premier lieu les identifier. La colère est par définition un état d’esprit perturbé qui appréhende un objet animé ou inanimé, le ressent comme déplaisant, exagère ses défauts et désire lui nuire. Nous allons nous focaliser essentiellement sur les aspects négatifs de la situation qui nous irrite jusqu’à ce que nous ayons construit une image mentale défavorable qui existe de manière intrinsèque en dehors de notre esprit. Bouddha nous enseigne comment venir à bout de cette maladie mentale appelée colère, une des plus grandes sources de souffrance dans notre vie. En l’espace d’un court instant, tous les aspects désagréables et négatifs d’un objet ou d’une situation s’amplifient fortement au détriment des apparences agréables et positives.

Parfois, il nous semble normal et légitime de nous mettre en colère. Suivant les circonstances, nous trouvons des bienfaits à la colère. Mais ce n’est qu’une apparence trompeuse, car la colère dans tous les cas détruit notre paix intérieure et apporte la souffrance dans notre vie. Donc, pour en finir avec la colère, il est nécessaire d’analyser son origine, sa nature pour développer le moyen d’y remédier. Quelle que soit l’objet de notre expérience future, naturellement nous projetons une stratégie pour parvenir à atteindre notre objectif et inévitablement nous entretenons le désir de réussir. Notre ignorance alliée à notre fort attachement au résultat va conditionner toutes nos attentes. Et comme souvent celles-ci ne sont pas comblées, notre esprit est l’objet d’une grande déception.

Plus nos attentes seront assujetties à un esprit égoïste qui n’accepte pas un résultat contraire, plus notre colère se développera et plus nous souffrirons. Pour ne pas se laisser emporter par ce processus destructeur, nous devons assouplir notre esprit et qui peut accepter que les choses ne se déroulent pas forcément toujours comme prévu. Rappelons-nous que nous ne pouvons changer les conditions extérieures à notre avantage afin qu’elles soient conformes à nos attentes. Par contre, nous pouvons changer notre état d’esprit envers ces mêmes conditions extérieures, en reconnaissant la présence de la colère qui s’amorce, ne pas s’identifier à elle et accepter une alternative possible qui sauvegardera notre paix intérieure.

Si, dans le feu de l’action il nous est difficile d’appliquer une solution instantanément aux conditions adverses, nous pouvons à posteriori analyser une expérience vécue dans le passé et contempler quelles auraient été les alternatives possibles qui nous auraient évité une grande colère. Avec la méditation et l’entraînement à contempler nos expériences de colère, nous allons progressivement identifier les mécanismes de celle-ci. Par l’exercice, nous assouplirons peu à peu notre esprit afin d’avoir une vision plus large de nos attentes. Et pour conclure de rappeler que la plupart de nos attentes ne se réaliseront jamais comme nous le souhaiterions ou peut-être même ne s’accompliront pas du tout.

Inspiré d’un Atelier sur le thème « La colère » donné par Tania Médina au Centre Atisha de Lausanne en 2012

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Être satisfait de ce que l’on a

Cette attitude n’est pas forcément innée. Preuve en est que nous nous plaignons tout le temps de manquer de ceci, de vouloir cela ou de rêver à ce que nous pourrions bien obtenir encore. En conclusion, nous sommes plutôt malheureux à cause de tout ce que nous n’avons pas. Ainsi nous sommes sans cesse en quête du dernier objet tendance, de meilleures conditions de travail, de nouveaux amis et ainsi de suite. Ce processus se fonde sur le fait que nous recherchons à l’extérieur, dans le monde matériel ce qui pourrait enfin nous rendre heureux. Nous sommes persuadés que ce qu’il nous manque doit bien exister à quelque part dans le samsara. À peine nos achats de fin d’année terminés que déjà nous nous précipitons pour faire de nouveaux achats afin de profiter de cette période de soldes. Non content de notre dernière acquisition, nous sommes déjà à la recherche de quelque chose pour la remplacer.

Satisfait-Content-02D’où vient ce manque de satisfaction? Lorsque nous saisissons par exemple un objet convoité, nous le faisons parce que l’objet « répond » à nos attentes, parce qu’il va nous plaire. Mais en fait, cette « envie de plaire » où se trouve-t-elle? Est-ce que c’est l’objet qui est plaisant ou est-ce que c’est nous qui avons envie que l’objet nous plaise? C’est là que nous tombons dans le piège. Pourquoi? Parce que si l’objet est plaisant de manière intrinsèque, il devrait l’être tout le temps. Or, nous savons par expérience que ce n’est pas le cas. Un objet nous plaît un certain temps puis nous lasse et nous souhaitons en changer. L’objet n’a aucun pouvoir de nous plaire de son côté. En toute honnêteté nous devons nous poser la question : « Est-ce que cet objet plaisant me donne envie de le posséder, ou bien est-ce moi qui ai envie de cet objet plaisant? ». Cette simple question met en évidence une des six perturbations mentales racines appelée attachement désirant.

Dans le premier cas, nous pouvons ne pas donner suite « à l’appel » de l’objet plaisant. Et dans le second nous activons déjà l’intention de posséder l’objet. Cette intention est le produit de notre attachement désirant. Dans son livre « Comment comprendre l’esprit », G.K. Gyatso nous donne la définition de l’attachement désirant, je cite « L’attachement désirant est, par définition, un facteur mental perturbé qui observe son objet contaminé, le considère comme étant cause de bonheur, et le désire ». C’est pour cette raison, qu’en accord avec cette définition nous sommes constamment sollicités par des objets de désir que nous ne possédons pas et qui de ce fait nous rendent malheureux. Notre souffrance provient de notre ignorance, persuadés que nous sommes en croyant que les objets extérieurs à notre esprit ont le pouvoir de nous faire succomber à la tentation.

Satisfait-Content-01Si nous contemplons nos désirs, nous constaterons qu’ils sont excessifs. Pour être satisfaits nous voulons posséder toutes les meilleures choses, que ce soit le travail, le partenaire, la voiture, le téléphone portable et ainsi de suite. Si nous ne possédons pas les meilleures choses dans quelque domaine que ce soit, nous éprouvons un sentiment de déception. Contrairement à l’idée reçue, nous ne sommes pas obligés de changer de téléphone portable chaque année pour profiter de l’offre exceptionnelle de notre fournisseur. Malgré les offres alléchantes des médias, nous ne sommes pas astreints d’acquérir toutes ces choses qui captivent nos désirs sans fin. Si l’obsolescence appliquée aux biens de consommation s’impose à notre insu, nul n’est besoin d’en accélérer l’échéance par de nouvelles acquisitions compulsives. Alors comment faire pour ne pas tomber dans cet engrenage qu’est le samsara?

Les enseignements du dharma nous donnent la solution pour ne pas suivre les perfidies du samsara. En contemplant ses défauts, nous serons rapidement persuadés que la nature du samsara est de nous maintenir dans la souffrance. Pour nous tirer d’affaire, nous devons remplacer notre attachement aux choses par un état d’esprit opposé, le renoncement. Ce qui ne veut pas dire que nous devons nous priver et abandonner ce que nous possédons. Nous devons empêcher l’attachement désirant de se manifester dans notre esprit. L’attractivité de l’objet quel qu’il soit n’est pas une caractéristique intrinsèque de celui-ci mais le résultat de notre ignorance. En comprenant ceci, notre sagesse naturellement nous dira : « Mieux être heureux avec ce que l’on a que d’être malheureux en nous focalisant sur ce que nous n’avons pas ».

Rédigé à partir de mes notes personnelles d’un enseignement du Programme Fondamental basé sur le livre « La Voie Joyeuse » de G.K. Gyatso reçu au Centre Atisha de Genève

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Aimer l’effort, pourquoi pas

Lorsque nous entendons autours de nous certaines personnes parler d’effort, c’est généralement pour faire état d’une expérience difficile ou pénible. Dans ce sens l’effort a une connotation négative et c’est quelque chose à éviter. Nous voulons tout faire sans effort. Et lorsque celui-ci nous paraît trop important, nous nous décourageons et abandonnons. Il suffit d’observer notre monde moderne, tout est mis en œuvre pour nous éviter de faire un effort. L’homme s’ingénie à créer les moyens parfois astucieux pour rendre sa vie facile et sans difficultés. Parfois, le manque d’effort peut conduire à l’échec. Ainsi au lycéen non promu, ses parents lui diront : « Quand même, tu aurais pu faire un effort pour réussir! ». Ou bien encore : « Ses efforts Effort-pourquoi-01auront été inutiles ». D’après le dictionnaire, l’effort se défini comme une mobilisation volontaire de forces physiques, intellectuelles en vue d’obtenir quelque chose de convoité.

Alors pourquoi tant de sentiments négatifs concernant l’effort? Tous les êtres sensibles, dont nous faisons également partie, n’ont pour principal objectif dans la vie, que celui d’être heureux et de se libérer de la souffrance. Dans cette perspective, nous faisons d’innombrables efforts pour y arriver. Ainsi par convoitise, nos efforts sont dirigés vers les choses ordinaires de ce monde qui, nous le savons pourtant ne durent pas. À peine sommes-nous satisfaits de nos acquis que déjà nous nous orientons vers autre chose qui attise nos désirs. En d’autres termes, cela même qui nous procure un certain bonheur contient déjà la graine de ce qui va bientôt nous faire souffrir. Si nos efforts n’ont pas été à la hauteur de nos attentes, nous sommes déçus, découragés et nous pensons : « Tous ces efforts pour rien! On ne m’y reprendra plus! ». Nous avons œuvré avec tant d’acharnement pour posséder l’objet de nos rêves et celui-ci est malencontreusement détruit.

Heureusement pour nous, il y a une autre perspective bien meilleure. Dans son livre « Comment comprendre l’esprit », G. K. Gyatso donne une définition de l’effort, je cite : « L’effort est, par définition, un facteur mental grâce auquel son esprit principal prend grand plaisir à la vertu ». Et il nous dit également que : « L’effort a pour fonction de rendre notre esprit heureux ». Il doit contribuer à la croissance de qualités vertueuses et mener à bien les pratiques vertueuses. Ainsi, contrairement aux idées reçues telles que : « Je dois travailler dur », « Je dois faire quelque chose que je n’ai pas envie de faire » et ainsi de suite, l’effort selon les enseignements de Bouddha est à l’opposé de cette vue. L’effort doit avoir un caractère ludique, être joyeux en nous engageant dans l’action. Ainsi, nous faisons un effort qui n’est pas pénible du moment où nous créons de bonnes causes pour le bien de notre esprit dans le futur. Notre effort correspond dans ce cas au degré de plaisir que nous avons de nous engager dans des actions vertueuses.

Effort-pourquoi-02Sincèrement, est-ce qu’il y a quelque chose d’autre que nous préférerions faire avec notre temps libre que d’entraîner notre esprit. Honnêtement nous connaissons la réponse, car toutes les suggestions proviennent de l’esprit. Ainsi, nous trouvons toujours le temps pour des activités de loisirs, ou d’être attiré par ce qui est futile et non-vertueux. Or, nous devons utiliser notre temps à bon escient et nous l’utiliseront naturellement sans effort si c’est pour créer de bonnes causes pour nos vies futures. Même si ceux-ci sont faibles, nous ne devons pas les mésestimer en acceptant juste le point où nous sommes sur notre voie spirituelle en bannissant tout sentiment d’obligation sur notre esprit. Mieux vaut faire moins avec un effort joyeux que davantage avec un sentiment de culpabilité. Si notre motivation est perturbée par la culpabilité et ou un  caractère obligatoire, elle ne peut durer très longtemps.

Même si sur le court terme nous faisons peu ou pas beaucoup mais avec joie, sur le long terme nous seront capables de bien plus. Il est dit dans les enseignements que la voie spirituelle est longue et demande de la persévérance et de la patience. Stratégiquement, il nous sera bien plus bénéfique de rester dans l’effort joyeux quoi qu’il advienne. Alors, pourquoi ne pas aimer faire cet effort?

Rédigé à partir de mes notes personnelles d’un enseignement du Programme Fondamental basé sur le livre « La Voie Joyeuse » de G.K. Gyatso reçu au Centre Atisha de Genève

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De bonnes raisons de chercher refuge

Rappelons-nous que notre mort est une certitude et le moment de notre mort totalement imprévisible. Sachant que notre état d’esprit à ce moment-là déterminera notre prochaine renaissance, notre pratique du dharma pourra nous aider au moment de la mort et après la mort. Nous avons tous une compréhension de ce problème pour lequel nous pouvons rechercher une solution. Mais tant que nous Refuge-Pr-01n’avons pas intériorisé celui-ci, étudier une solution restera sans résultat. Pas plus que d’accepter le problème sans savoir canaliser notre compréhension dans la bonne direction restera sans effet. Et cette bonne direction est celle que notre guide spirituel nous invite à prendre. Un passage de « L’offrande au guide spirituel » pose bien le décor de notre condition samsarique, je cite :

« Ballotté violemment par les vagues des perturbations mentales et du karma,
Et tourmenté par les monstres marins des trois souffrances,
Je cherche tes bénédictions afin de développer un puissant désir de libération
Du grand océan du samsara, effrayant et sans limites ».

Généralement nous rencontrons deux sortes de gens, ceux qui sont dans le déni total de leur situation samsarique et ceux qui acceptent leurs problèmes tout en étant complètement paniqués. Dans ce contexte, la mort et les dangers d’une renaissance dans les règnes inférieurs nous placent devant cette évidence. Dans les propos de mon enseignant, il nous a donné sa conclusion très intéressante : « Je vais cesser de me plaindre à mon guide spirituel de la taille et de la nature de mes problèmes mais je vais dorénavant démontrer à mes problèmes la taille et la force de mon guide spirituel« . Nous sommes continuellement en train de nous apitoyer sur notre sort dans le samsara. Nous serions bien inspirés de rechercher une solution fiable pour y remédier. La solution sera de prendre refuge en notre guide spirituel, la synthèse de tous les bouddhas, pour recevoir sa protection. Tout comme nous recherchons la protection et les bons conseils du médecin lorsque nous sommes malades ou que nous faisons appel à la police lorsque nous sommes en grand danger, nous pouvons faire appel aux bouddhas en cherchant refuge.

A l’échelle de notre continuum mental, alors que cette vie-ci nous paraît parfois interminable, elle ne dure qu’un instant. Dans cette perspective, cela nous donne une idée de la longueur de notre précieuse vie actuelle. Puisqu’elle nous permet de nous libérer du samsara, sachons aussi que cette opportunité est extrêmement courte. C’est la raison pour laquelle il serait ridicule et regrettable de la gaspiller dans des activités dénuées de sens. En fait, nous avons tellement « travaillé » dans nos vies passées pour obtenir cette précieuse vie que nous avons maintenant une opportunité fantastique de réaliser que nos vies futures sont bien plus importantes que cette vie-ci. Grâce à notre pratique de la discipline morale dans le passé nous jouissons d’une précieuse vie humaine. Dans ce sens, rompre notre discipline morale est bien plus dangereux que la mort, parce que si nous perdons notre discipline morale nous créerons les causes d’une renaissance dans les règnes inférieurs. Et une fois dans les règnes inférieurs, nous nous engagerons uniquement dans des actions négatives dont les effets seront des tendances à tomber encore et encore.

Refuge-Pr-02Ainsi, nous avons deux feuilles de route possible. Celle qui nous dirige vers un bonheur durable et sans souffrance en cherchant l’aide et les bénédictions du guide spirituel ou celle que suggèrent nos perturbations mentales. Or les conseils et suggestions de nos perturbations mentales sont trompeuses et nous serions bien inspirés de les abandonner. A cause d’elles nous sommes piégés dans l’océan du samsara, effrayant et sans limites pris en otage par les trois monstres que sont l’attachement, la colère et l’ignorance. En choisissant la feuille de route conseillée par notre guide spirituel, nous rechercherons ses bénédictions et son aide en cherchant refuge en lui. A ce stade, nous devons avoir l’humilité de reconnaître que nous n’avons pas la capacité de nous tirer d’affaire tout seul, raison pour laquelle nous cherchons refuge. Si nous sommes pris sous un violent orage, il ne suffit peut-être pas de simplement ouvrir son parapluie, nous devons en plus nous mettre à l’abri. C’est pourquoi nous cherchons refuge en Bouddha, le dharma et la sangha.

Spirituellement, nous sommes confrontés à quatre types de problèmes qui doivent nous inciter à chercher refuge.

  • Les problèmes mondains. Les objets et les phénomènes externes à notre esprit dans notre vie sont un véritable problème pour nous.
  • Le risque de tomber dans les règnes inférieurs. Notre capital de karma négatif est si important que le risque que celui-ci mûrisse au moment de notre mort fait que nous renaîtrons probablement dans les règnes des animaux, des esprits affamés ou des êtres de l’enfer.
  • Le risque de prendre des renaissances incontrôlées. Comme nous avons un esprit incontrôlé, veut dire que nous n’aurons pas non plus le contrôle durant le processus de la mort. A cause de cela, nous allons prendre des renaissances incontrôlées dans des agrégats samsariques.
  • Les autres prendront des renaissances incontrôlées. Les autres êtres prennent ou prendront des renaissances incontrôlées dans des agrégats contaminés sans que nous puissions faire quoi que ce soit pour eux à cause de nos limitations actuelles. C’est par analogie comme une mère qui voit ses enfants se noyer mais qui ne peut les sauver car elle-même ne sait pas nager.

Refuge-Pr-03Si nous n’intégrons pas le fait que nous avons tous personnellement les problèmes spirituels ci-dessus, nous ne serons pas forcément motivés de chercher refuge et notre pratique restera intellectuelle. En prenant conscience que ces problèmes sont en nous, alors nous trouverons la motivation réelle de chercher refuge. Nous devons connecter le dharma à nos problèmes dans notre esprit. Notre tâche principale et incessante est d’accepter et d’identifier ceux-ci. « Oui j’ai ce problème spirituel! » et à partir de ce moment-là nous sommes prêts à chercher refuge en Bouddha, le dharma et la sangha.

 Compilé d’après ma transcription et mes notes du programme fondamental « La Voie joyeuse » donné par Kadam Ryan au Centre Atisha de Genève en 2004.

Un soir Milarepa regagnait sa grotte

Fantome-01Un soir, alors que Milarepa regagnait sa grotte après avoir fait provision de bois, il trouva celle-ci remplie d’êtres démoniaques. D’apparence hideuse, les yeux exorbités, poussant des cris, ils s’agitaient dans tous les sens. Certains étaient vautrés dans sa couche, d’autres feuilletaient ses livres, mangeaient sa nourriture. Ils avaient manifestement pris possession du lieu. Bien que connaissant l’ignorance de saisie d’un soi, et que ses locataires indésirables n’étaient qu’une projection de son propre esprit, Milarepa était néanmoins incapable de les expulser de son logis. Il tenta par tous les moyens pacifiques et vertueux de les inciter à quitter sa grotte mais sans succès. Même les enseignements tels que la compassion et la vacuité n’eurent d’effet sur eux. En dépit du bon sens, il perdit patience et entreprit de les chasser par la force, mais en vain. Alors, il s’assit parterre et leur adressa cet ultimatum : « Il est clair que je ne m’en irai pas et apparemment vous non plus. Alors nous allons vivre ensemble! » À ce moment précis, tous s’en allèrent sauf un. En s’approchant nez à nez de ce dernier démon particulièrement tenace, Milarepa lui dit : « Si ton intention est de m’anéantir, alors vas-y! Essaye toujours, c’est le moment! ». Ceci Fantome-02dit, le dernier démon disparu instantanément. Lorsque Milarepa s’adresse au démon récalcitrant, il ne conteste plus sa présence, ayant fait tout ce qu’il pouvait pour améliorer la situation, mais accepte patiemment sa défaite extérieure.

Dans ma réflexion, je suis en quelque sorte dans ma grotte, comme Milarepa. J’habite un appartement d’une pièce et je ne peux me soustraire à tout ce qui s’y trouve qui, pour la plupart sont des choses utiles à ma vie ordinaire. Dans le cadre de ma retraite, certaines choses prennent la fonction de me distraire et de troubler ma pratique. J’apparente donc les êtres démoniaques de Milarepa aux distractions qui viennent continuellement me sortir de ma pratique du dharma entre les séances de méditation. Mes portes sensorielles sont sans cesse sollicitées par des images perçues. Que ce soit sous forme visuelle ou auditive, de perception consciente de la position ou des mouvements des différentes parties de mon corps. Mon ignorance de saisie d’un soi leur donne une réalité à l’extérieur de mon esprit leur permettant de me distraire. La présence d’éléments de distraction dans mon esprit signifie que les effets d’actions négatives à l’origine de ceux-ci ont déjà mûri. À ce stade, il m’est impossible de les éviter. Dans cette situation, la seule chose à faire est de pratiquer la patience et d’accepter sereinement ma difficulté à ne pas me laisser distraire.

Fantome-03Chaque fois que je suis dans une situation désagréable, en présence de distractions qui altèrent la qualité de ma pratique du dharma, je dois penser : « Cette situation est le résultat de mon karma négatif. Puisque l’effet a déjà mûri, il est trop tard pour le purifier. Il n’y a rien d’autre à faire sinon accepter patiemment la situation avec un esprit heureux. J’ai moi-même créé la cause de cette situation, c’est donc de ma responsabilité d’en accepter le résultat. Si je n’éprouve pas le résultat de mes actions négatives, qui d’autre le fera? » (*)

(*) Pensée tirée du livre de Vénérable Kelsang Gyatso « Huit Etapes vers le Bonheur » p. 183

La mort … mais pas seulement

Durant ma dernière retraite, sur  » La Concentration sur le thème de la mort », me sont venues de nombreuses réflexions dont certaines des plus pertinentes, parce que faciles à comprendre, se trouvent ci-après :

Impermanence-0La mort mais pas seulement la notre, celle de notre corps mais la mort de toute expérience. À ce propos, Bouddha nous a enseigné l’impermanence. Tout phénomène qui apparaît à notre esprit a un commencement, une durée et une fin. Il en est ainsi pour nos biens matériels, nos relations, nos expériences, nos émotions et ainsi de suite. Ce processus est par nature irréversible et s’applique à tout sans exception. Ce qui veut dire que par exemple nous ne pouvons pas refaire la même expérience, ni revivre la même situation.

Nous pouvons tout au plus faire une expérience similaire ou vivre une nouvelle situation semblable à la précédente. Par exemple, en retournant en vacances exactement au même endroit en pensant revivre les mêmes sensations, le plus souvent nous serons déçus. Ceci parce qu’entre-temps nous avons changé d’état d’esprit et que les choses extérieures paraissent avoir également changé.

Persuadés qu’ils sont une source de bonheur, nous consacrons beaucoup d’énergie à posséder les biens les plus précieux, à nous entourer de personnes qui nous sont chères. Notre attachement à ces biens et à ces personnes, tôt ou tard nous causera une souffrance. Les conceptions et les apparences ordinaires entretenues sur notre esprit par le murissement de notre karma génèrent le début, la durée et la fin de chacune de nos expériences. En comprenant que tout est la création de notre esprit et que rien n’existe de manière intrinsèque, Nous serons moins tributaires de celles-ci.

Impermanence-01De la même manière nous sommes fortement attachés à notre corps. l’idée de nous en séparer est pour la plupart d’entre nous tout simplement impensable. C’est la raison pour laquelle, par ignorance, nous craignons tant la mort.
Impermanence-02Pourtant, même dans cette vie, nous avons vécu « d’innombrables morts » sans nous en rendre compte parce que leur issue était d’une certaine manière prévisible et donc connue. Les temps de notre enfance, de notre adolescence et de notre jeunesse sont bel et bien irrémédiablement morts. Ce ne sont plus que des souvenirs. Par contre, notre mort nous confrontent à une situation unique et imprévisible qui. génère notre peur et notre anxiété.

Si nous ne nous sentons pas encore capables de relativiser notre mort, nous pouvons nous familiariser à celle-ci en comprenant le moyen d’y parvenir dans les situations de notre vie de tous les jours.

  • Impermanence-3Nous sommes résignés et souvent en colère lorsque nous perdons quelque chose. Notre souffrance est en rapport avec le degré de notre attachement à cette chose.
  • Nous profitons de la compagnie d’un être cher et nous sommes malheureux de le voir partir.
  • Nous tombons malade et ce fait devons renoncer à participer à un événement de grande importance.

D’une manière générale, la fin de quelque chose qui nous tient à cœur nous fait souffrir quand bien même nous ne pouvons changer le cours des choses. c’est juste souffrir davantage. Tandis qu’en acceptant la fin inopinée d’une expérience nous souffrons moins et développons une grande sagesse. La sagesse d’accepter l’impermanence des objets et des phénomènes.

La pratique de la patience

D’après le dictionnaire Larousse, la patience est l’attitude à ne pas s’énerver des difficultés, à supporter les défaillances, les erreurs et ainsi de suite. La patience est l’une des six perfections enseignées par Bouddha qui nous permettent d’atteindre l’éveil de notre rêve samsarique. Dans le livre « Trésor de contemplation » (*) du VGL, Shantideva explique que la patience se rapporte à la manière dont nous réagissons aux êtres et aux choses qui nous nuisent. Nous devons réaliser qu’il n’y a pas moyen de vaincre tous nos ennemis extérieurs. …  (*) Editions Tharpa

La patience est un état d’esprit qui, motivé par une intention vertueuse, accepte avec joie les difficultés et les problèmes. Avec la patience nous pouvons facilement endurer nos difficultés et les contingences de notre vie quotidienne. Le manque de patience nous empêche de juger correctement une situation et nous pousse à agir d’une manière regrettable. Celui qui n’a aucune patience est irrité par le plus petit obstacle ou la plus légère critique.

Amener la patience à la perfection n’implique pas seulement de s’abstenir de riposter lorsque quelqu’un nous fait du mal. Cela dépend plutôt de la familiarité de notre esprit avec l’acceptation volontaire des peines et de l’inconfort de la souffrance. Cette pratique, comme les autres, est essentiellement mentale.

Les objets de notre patience sont principalement nos activités ordinaires de tous les jours. Le manque de patience aboutit le plus souvent à la colère qui est assurément l’obstacle majeur à notre paix intérieure. Nous sommes navrés de perdre le contrôle. Mais en réalité  cette perte de contrôle est due à nos perturbations mentales. Il y a des jours où nous sommes d’une patience inébranlable et des jours où une peccadille nous déstabilise totalement … pourquoi? Tout dépend de notre état d’esprit à ce moment-là.

 Il est très profitable de méditer sur nos actions lors desquelles nous avons perdu patience et de débusquer la perturbation mentale qui en est la cause.

Apprendre à accepter sans réserve les situations difficiles

Quelle que soit la situation difficile que nous avons à affronter, nous n’avons que deux possibilités. Soit nous pouvons faire quelque chose, soit nous ne pouvons rien faire. Si nous pouvons faire quelque chose, nous faisons l’effort de le faire sans pour autant être contrarié ou en colère. Et si nous ne pouvons rien faire, nous sentir triste ou nous mettre en colère ne fait que d’ajouter une frustration supplémentaire à la souffrance existante. Dans ce dernier cas, la solution est à rechercher dans l’acceptation patiente de la situation difficile. Par exemple, si vous souffrez d’un mal de tête, vous allez prendre un analgésique. Mais jusqu’à ce que celui-ci fasse effet, vous n’avez pas d’autre choix que d’attendre qu’il fasse effet et d’accepter momentanément la douleur.

La patience est un esprit capable d’accepter complètement la situation quelle qu’elle soit. C’est bien plus que de serrer les dents et de supporter celle-ci. Cela signifie accueillir sans réserve quoi qu’il arrive et abandonner l’idée que les choses devraient se passer autrement.

En changeant notre perception de ce qui nous paraît une circonstance désagréable, vision de notre esprit perturbé, en une circonstance agréable, vision dictée par notre sagesse qui nous renseigne sur l’inutilité de notre première impression, le désagrément causé par la situation disparaît et par la même occasion la frustration et la colère aussi.

Pour revenir à l’exemple du mal de tête cité ci-dessus, le fait de s’énerver parce que le médicament ne fait pas assez vite de l’effet ne fera que prolonger la souffrance inhérente au mal de tête. Tandis que si nous prenons patience, sachant que son effet est imminent, tout rentrera rapidement dans l’ordre.

Chaque situation est une occasion d’approfondir notre compréhension de la loi du karma.

 Lorsque des situations indésirables surviennent dans notre vie, elles sont la conséquence de la maturation de nos actions non-vertueuses passées. Nous les exploitons pour augmenter notre détermination d’abandonner toutes les actions non-vertueuses et de renforcer seulement ce qui est vertueux.

Nous utilisons aussi chaque situation pour augmenter notre motivation de purifier notre karma négatif.  Les potentialités de ce karma sont semblables à une bombe à retardement pendue dans  notre dos, et nous ne savons pas quand elle va exploser.