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Un retour en arrière est toujours un aller puisqu’on évolue

Dans la vie, il nous arrive parfois de vivre des situations qui nous mettent à rude épreuve. Nous sommes confrontés à des problèmes apparemment inextricables qui déchaînent une véritable tempête dans notre esprit. Nous avons beau « tourner et retourner » l’ensemble des circonstances à l’origine de notre inconfort, mais sans succès nous pensons alors que nous sommes incapables de résoudre ce problème. Lorsque le doute s’installe dans notre esprit et que la confusion prédomine dans nos réflexions, parfois nous faisons preuve d’opiniâtreté. Persuadés que la solution à nos problèmes est tangible, nous serrons les dents, dans une débauche d’énergie pour finalement échouer.

Cette attitude alimente le découragement ou la culpabilité dans notre esprit et nous fait penser que nous sommes dans une impasse. Pourtant la seule issue dans l’immédiat, est de cesser toute réflexion et de prendre un peu de distance par rapport aux événements. Tout comme le sable en suspension dans une eau agitée nous semble opaque, une fois que celle-ci se calme, le sable se déposant au fond, fait que l’eau redevient limpide et claire. Il en va de même pour notre esprit, lorsque celui-ci se calme nous pouvons alors poser une nouvelle réflexion libérée de toute perturbation. Notre ignorance de la nature réelle, ou ultime, des phénomènes nous fait saisir la situation désagréable comme existant de manière intrinsèque. Or, cette situation n’est qu’une émanation dans le tissu de notre esprit, une hallucination.

Pour amener un peu de lisibilité dans les méandres de notre ignorance, nous pouvons alors être tenté de faire un retour en arrière, de tout reprendre par le commencement. Au prix de beaucoup de réticences devant ce qui est pour nous un échec, nous nous imaginons revenir au point de départ, là où tout a commencé. Un retour en arrière … ? Quelle horreur ! Pourtant ce retour en arrière n’est pas synonyme d’échec et sera même bénéfique. Comme entre temps nous avons également évolué, ce retour en arrière ressemblera plutôt à aller qui sera différent. Car nous avons changé et nous devons l’accepter avec humilité. Pour illustrer ce propos, prenons la lecture d’un livre dont le contenu est compliqué en première lecture. Notre compréhension s’améliorera dès la lecture suivante.

Ce processus de résilience passe par un questionnement qui pourrait être de la forme : « L’écheveau de cette intrigue est trop embrouillé, je n’y vois rien, reprenons depuis le commencement » ou encore « Qu’est-ce que cet obstacle m’enseigne ? Que dois-je comprendre à l’origine de cette expérience douloureuse ? Dans ce genre d’investigations il est souvent question du JE ou du MOI, que nous saisissons fortement. Nous appréhendons ce JE ou ce MOI comme existant de manière intrinsèque, comme existant de son propre côté en dehors de notre esprit. Grave erreur ! Cette préoccupation de soi est à l’origine de toute notre souffrance. À partir de cette anamnèse de notre esprit, grâce à la méditation, nous pouvons mettre en lumière les facteurs mentaux responsables.

Par ce processus, nous refaisons le chemin que nous croyons avoir déjà fait, mais avec un état d’esprit qui aura changé entre temps. Ce qui nous permet de mieux comprendre la présence de nos expériences difficiles passées et de les voir comme un enseignement. Un retour en arrière est toujours un aller puisqu’on évolue au fil de nos expériences.

Compilation de notes personnelles et de textes du dharma consultés lors de séances d’étude et de méditation durant ma pause sabbatique en 2018

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Jeu de miroirs … jeux de dupes

Si vous observez un chien qui se trouve soudainement face à un miroir, que se passe-t-il ? Le chien, voyant un congénère dans le miroir prend peur et se met à grogner. Ne comprenant pas qu’il s’agit de son reflet, sous l’emprise de son ignorance, il est persuadé qu’en face de lui se trouve un autre chien qui semble avoir aussi peur que lui car il grogne également en guise de réponse. Dans l’esprit du chien, son ignorance de saisie d’un soi induit la présence d’un véritable chien qui lui fait face. Vu de notre point de vue extérieur, il nous est facile de comprendre la supercherie dont le chien est victime.

Mais au fait, en quoi cette situation peut-elle révéler notre propre fonctionnement ?

Contrairement à notre observation extérieure du chien ci-dessus, où nous pouvons prouver la non-existence du chien dans le miroir, nous ne pouvons le faire dans notre cas. Tout ce que nous percevons est bel et bien une image projetée dans notre esprit, comme dans un miroir. Et comme le chien qui perçoit son image dans le miroir, nous percevons tout ce qui est extérieur à notre esprit comme ayant une existence de son propre côté. Où que nous posions notre regard, quelque chose se trouve bien devant nous à l’extérieur. Comme le chien nous sommes persuadés de cette présence qui suscite en nous attirance, répulsion ou indifférence.

Dans ce sens, nous avons le même comportement que notre chien décrit ci-dessus. En effet, nous avons la certitude que tout ce qui apparaît à notre esprit a bien une existence réelle, intrinsèque. Ne pouvant être à la fois acteur et observateur de notre propre situation, nous ne pouvons vérifier si oui ou non quelque chose existe « derrière le miroir ». En conclusion, nous sommes également victime d’une semblable tromperie, car aucun objet ou phénomène que nous percevons, que nous voyons n’existe de la manière dont il nous apparaît,  pas plus que le chien dans le miroir.

À méditer …

Réflexion sur un passage d’un enseignement lors de la transmission de Mandjoushri donné par Kelsang Jikgyob au Novotel de Genève le mois passé.

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Verre à moitié plein, verre à moitié vide

Imaginons que Vincent et Pierre observent deux verres posés sur la table devant eux et soyons attentifs à leurs propos. Des deux verres observés, quel est celui qui est à moitié plein et quel est celui qui est à moitié vide ? Vincent dira : « C’est celui de gauche qui est à moitié plein et celui de droite qui est à moitié vide ! » Non, rétorquera Pierre : « C’est le verre de gauche qui est à moitié vide et celui de droite qui est à moitié plein ! » Qui de Vincent ou de Pierre a raison?

D’un certain point de vue les deux ont raison. Pourtant, d’un autre point de vue les deux verres, de par leur aspect ils sont identiques. Alors, par exemple, qu’est-ce qui fait dire à Vincent que c’est le verre de gauche qui est celui à moitié plein? Il doit bien y avoir une caractéristique du côté de l’objet qui atteste cela. Mais si tel était le cas, cette caractéristique serait contestée par Pierre qui dit exactement le contraire. Cette contradiction nous amène logiquement à la conclusion que les caractéristiques intrinsèques « à moitié plein »  et « à moitié vide » ne peuvent coexister simultanément du côté du verre. De la même manière qu’un objet ne peut être à la fois noir et blanc. En d’autres termes, le verre ne possède pas de telles caractéristiques puisqu’elles s’excluent l’une l’autre.

Verre-moitié-moitié-02Pourtant, Vincent et Pierre sont de bonne foi dans leur affirmation. Alors comment comprendre cela? Chacun a la conviction d’avoir raison, pourquoi? Parce que leur état d’esprit est différent, et selon l’état d’esprit du moment, l’un voit le verre à moitié plein et l’autre à moitié vide. Chacun désigne l’objet qu’il voit soit avec l’étiquette « verre à moitié plein » soit avec l’étiquette « verre à moitié vide ». Cette étiquette, cette désignation ou encore cette imputation est créée par l’esprit en relation dépendante de l’objet perçu. Cette caractéristique du verre est un attribut ou une qualité affectée par l’esprit qui le perçoit. En fait, nous attribuons des noms, des caractéristiques et des états à tout ce que nous percevons. Et au cours de toute notre vie, nous avons appris à désigner et nommer les choses perçues.

À ce propos, les enseignements de Bouddha sont sans équivoque. Tout est création de l’esprit. Rien n’existe de manière intrinsèque, de son propre côté en dehors de notre esprit. Oui bien sûr, ils existent d’une manière conventionnelle mais de manière ultime ce n’est pas le cas. C’est là que cela devient intéressant. Chaque fois que nous percevons un objet et que nous avons la conviction qu’il existe de la manière dont il nous apparaît, nous sommes sûrs de nous tromper. Chaque fois que nous avons l’évidence d’un objet qui existe en face de nous, nous sommes piégés par notre ignorance. Comprendre l’existence vraie d’un objet fera appel à notre esprit de sagesse qui, par une analyse méthodique, arrivera à la conclusion qu’un tel objet est vide d’existence inhérente. En conclusion, aussi bien « le verre à moitié vide » que « le verre à moitié plein » n’ont d’existence indépendamment de notre esprit.

Compilé d’après mes notes prises durant une période de retraite en 2015 d’après une transcription d’un cours au Centre Atisha de Genève

Réflexion sur la préoccupation de soi

Parce que nous saisissons notre propre soi comme existant de manière intrinsèque, nous saisissons le soi des autres de la même façon. Dans ces conditions nous sommes amenés à considérer nous-même (soi) et les autres comme différents. C’est à partir de cette discrimination que nous développons la préoccupation de soi qui se traduit par le fait que nous nous chérissons bien plus que quiconque et que nous nous considérons suprêmement important. Et pour défendre ce statut, nous développons des perturbations mentales telles que l’attachement désirant, l’orgueil, l’ignorance et Preoc-Soi 01toutes les autres perturbations mentales. Celles-ci nous contraignent à commettre des actions négatives responsables du corps et de l’esprit contaminés qui sont les nôtres. La préoccupation de soi est un esprit trompeur dont les agissements nous assujettissent à une souffrance continuelle. Dans la culture occidentale, nous avons souvent l’image d’un diable qui nous maintient en otage, nous promettant tout ce que nous désirons.

La préoccupation de soi est assimilable à un diable qui nous promet monts et merveilles pour accéder au bonheur, mais qui toujours nous trahis en nous infligeant malheurs et souffrances. D’une manière subversive, sous prétexte d’être un ami, nous sommes sous sa domination et nous nous en accommodons. Au lieu de lui opposer une réelle résistance, nous le mettons toujours au bénéfice du doute. Ainsi, plus nous lui donnons notre assentiment, plus la préoccupation de soi tel un envahisseur occupe de plus en plus notre esprit. Il y a dans le langage populaire une expression qui reflète bien cette situation : « Nous vendons notre âme au diable ». Du point de vue spirituel, inconditionnellement nous donnons suite à toutes ses suggestions et incitations. De la même manière, la préoccupation de soi, par ses intentions fallacieuses agit en imposteur qui ne tient jamais ses promesses.

Comment la préoccupation de soi se manifeste en nous?

  • Elle se traduit par un attachement à nos croyances. Autrement dit, nous pensons que nos idées sont totalement fiables et importantes. À nos yeux, nos opinions valent de toute façon certainement bien plus que ceux des autres. Elle est en état d’alerte en présence de quelqu’un qui ne partage pas les mêmes convictions que nous.
  • En présence de quelqu’un qui possède un système de croyances différent du notre, nous sommes sur la défensive et nous pouvons même devenir intolérants.
  • Elle se traduit aussi par l’orgueil, une certaine arrogance qui considère de manière exagérée nos propres qualités et possessions. Nous ne voudrions pas avoir le sentiment d’être inférieur ou moins bon que notre interlocuteur.

Dans notre démarche spirituelle nous devons faire preuve de pragmatisme. C’est-à-dire de nous baser sur des critères de vérité pour choisir ce qui fonctionne pour nous de manière bénéfique. Or, depuis des temps sans commencement nous avons suivi les « bons conseils » de notre préoccupation de soi. Force est de constater que le fruit de ses propositions est inexistant, en fait rien, juste que des problèmes et des souffrances. Les dysfonctionnements de notre préoccupation de soi, qui ne sont pas bénéfiques, devraient ainsi nous inciter et nous convaincre de changer notre façon d’agir. Notre situation actuelle n’est pas irréversible et à chaque instant nous pouvons la transformer. Pour cela, nous devons orienter toutes nos intentions, toutes nos actions sur leur caractère bénéfique. En analysant notre attitude, nous arriverons naturellement à la conclusion de ne plus suivre notre préoccupation de soi.

Ayant réalisé le comportement perfide et fallacieux de la préoccupation de soi, à tous les instants nous avons le choix de changer d’attitude. Lorsque nous comprenons qu’elle nous rend esclave de nos perturbations mentales, naturellement nous allons développer le désir de nous en libérer. Au lieu de ne considérer uniquement que notre propre intérêt et notre propre point de vue, nous élargissons notre attention également aux autres. Au lieu de Preoc-Soi 02chérir soi-même, notre esprit de préoccupation de soi, nous pouvons chérir les autres. Si mentalement nous faisons une action avec une attitude égoïste ou altruiste, elles deviennent le principal critère de décision de tout ce que nous entreprenons dans notre vie. Quand bien même l’action reste la même, l’attitude mentale avec laquelle nous la faisons change entièrement la signification que nous lui attribuons. La vraie liberté se trouve précisément là. Dans toute situation, posons-nous la question : « Pourquoi, pour qui je fais cela? » Entre faire quelque chose pour soi ou pour les autres, nous choisirons de le faire pour le bien des autres.

Toutes nos tâches, même les plus ordinaires, si elles sont faites en pensant qu’elles sont bénéfiques aux autres les transforment en actes vertueux. Si nous cessons de penser exclusivement à notre bien-être, nous transformons nos attitudes égoïstes en attitudes Preoc-Soi 03altruistes et désintéressées. Cette manière d’agir ne se réalise pas sans effort, du jour au lendemain, mais vient progressivement avec l’entraînement. Nous devons convaincre notre esprit des désavantages de la préoccupation de soi et des avantages de chérir les autres. Chaque fois que nous sommes dans la confusion de l’attachement à notre ego, après avoir identifié que l’origine de notre mal-être est la préoccupation de soi, nous nous mettons au service des autres en les chérissant. Toutes nos relations vont ainsi s’améliorer si nous mettons la préférence sur l’accomplissement d’aider les autres à réaliser leurs buts plutôt que de nous limiter à nos seuls intérêts.

Inspiré d’un enseignement du Programme fondamental : La Voie Joyeuse, Session donnée par Kadam Ryan en 2006 au Centre Atisha de Genève.

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Ce qu’il nous faut atteindre

Nous pouvons considérer l’enseignement des quatre nobles vérités comme notre feuille de route pour atteindre la libération et l’illumination. Cette feuille de route est un itinéraire intérieur à notre esprit. Elle se résume en une description de notre situation actuelle, de l’origine de toutes nos difficultés et l’explication de comment nous pouvons atteindre pratiquement cet objectif. Dans notre situation actuelle nous devons identifier les vraies sources de nos problèmes, sachant que celles-ci se localisent à l’intérieur de notre esprit et non à l’extérieur. Tous nos problèmes proviennent de nos perturbations mentales dont la racine est notre ignorance de saisie d’un soi. Nous devons suivre cette piste en faisant appel à notre sagesse pour réaliser l’enchaînement de cause à effet qui se produit continuellement.

La quatrième noble vérité « Les vraies voies » nous incite à atteindre la cessation définitive de la souffrance et de sa racine en pratiquant les vraies voies intérieures. Bouddha nous encourage, sachant que nous avons potentiellement la capacité de le faire et que nous sommes à même nous libérer du samsara et atteindre l’illumination. Alors que dans notre vie quotidienne actuellement nous nous contentons d’une paix temporaire, nous pouvons prétendre à une paix éternelle, le nirvana. Piégés dans le cycle de renaissances incontrôlées, nous pouvons si nous le décidons mettre fin à ce cauchemar. Par notre décision, nous développons une puissante détermination de ne plus jamais fonctionner ainsi et ne plus avoir à souffrir de la maladie, du vieillissement et de la mort.

Atteindre-01Si nous voulons nous libérer définitivement de la souffrance, nous devons éradiquer les vraies origines de la souffrance. Alors seulement nous pourrons atteindre l’illumination et venir en aide à tous les êtres vivants. Tant que nous sommes sous le contrôle de l’ignorance et de sa constellation de perturbations, nous continuerons à souffrir. C’est pourquoi nous devons renoncer aux attraits perfides du samsara. Le renoncement ne consiste pas à abandonner nos biens, nos amis,  nos activités et ainsi de suite, mais de renoncer à nos perturbations mentales issues de notre ignorance. Progressivement nous pouvons envisager utiliser différemment notre vie et toutes nos vies futures pour réaliser ce renoncement.

Le sens spirituel d’une activité dépend principalement de ce que nous en faisons intérieurement avec notre esprit. Selon la manière dont nous percevons un objet, celui-ci est soit un catalyseur pour une perturbation mentale donnée soit une incitation à faire quelque chose de vertueux. Les objets ne ne sont pas perturbants ou vertueux de manière intrinsèque, de leur propre côté. Mais c’est la relation que nous établissons avec ceux-ci qui le déterminent. Si nous considérons tous les objets et toutes les activités samsariques comme une finalité, comme une solution à tous nos problèmes, nous serons tôt ou tard déçus car nos attentes ne seront pas satisfaites. La nature du samsara est de nous tromper et de nous faire souffrir.

Atteindre-02Tant que nous serons assujettis à l’ignorance et à nos perturbations mentales, même si nous bénéficions d’excellentes conditions matérielles dans cette vie et que tout va bien, ces conditions ne sont que temporaires avant que nous fassions de nouvelles expériences de souffrance. Cela revient à couper les mauvaises herbes au moyen d’un sécateur au lieu d’extraire les racines de celles-ci. Ce ne sera qu’une question de temps avant que les mauvaises herbes repoussent. Si recherchons une solution extérieure sans rechercher au préalable une solution intérieure, ce que nous obtiendrons ne sont que des solutions temporaires.

Compilé d’après les enseignements « Programme Fondamental : La Voie joyeuse » en 2005 et « Programme d’Etude : Un Bouddhisme moderne » en 2013 reçus au Centre Atisha de Genève

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Que peut nous apprendre une faute.

Souvent dans nos relations avec les autres, nous passons une grande partie de notre temps à identifier et contempler leurs fautes. D’après les écrits bouddhistes les êtres samsariques tels que les humains vivent actuellement dans le règne du désir, (Nous vivons dans le règne du désir). Cet état nous conduit à développer un « esprit de compétition » les uns avec les autres. Nous sommes inconsciemment sans cesse à contrôler les états et les agissements des autres afin de savoir s’ils sont mieux ou moins bien que nous. Nous pouvons vérifier facilement cela en considérant les personnes qui nous sont proches dans notre vie. Nous constatons alors que la plupart de nos pensées les concernant focalisent notre attention sur leurs erreurs et leurs perturbations mentales. Comme si le fait de reconnaître les fautes chez les autres nous permettait de confirmer que nous ne les avons pas. Dans certaines situations nous le faisons jusqu’au point de ne voir que leurs fautes. À cause de notre attention inappropriée sur celles-ci, nous générons beaucoup de perturbations mentales et d’agitation dans nos relations avec les autres. En résultat cela détruit l’harmonie dans nos relations ainsi que notre propre bonheur. Notre attention inappropriée sur les fautes des autres détruit la paix intérieure dans notre propre esprit et casse l’harmonie avec nos proches.

Appr-Faute-01Dans les conseils qui viennent du cœur d’Atisha, il est dit : « Ne cherchez pas à voir les défauts des autres, mais recherchez les vôtres et purgez-vous comme si c’était du sang mauvais. Ne contemplez pas vos propres qualités, mais contemplez celles des autres et respectez chacun comme le ferait un serviteur ».  Alors, nous avons le choix suivant : soit nous conservons notre propre point de vue ordinaire et continuons à voir les fautes des autres, soit nous adoptons le point de vue d’un Bouddha qui voit le potentiel pur dissimulé derrière celles-ci. Ce choix nous appartient. Mais si nous voulons jouir d’une paix et d’un bonheur réel, il serait sage d’adopter le second choix. En contemplant les désavantages de notre vue ordinaire et le conseil ci-dessus, nous allons générer en notre esprit l’intention de choisir personnellement d’abandonner nos propres défauts et de nous réjouir dans les qualités des autres.

Appr-Faute-02Comme nous avons une propension à débusquer les fautes chez les autres, nous pouvons facilement comprendre que les autres font de même avec nous. Tout comme nous cherchons à voir les fautes chez les autres, ceux-ci cherchent à voir nos propres fautes. De ce fait, nous sentant à découvert, nous allons chercher à nier nos propres fautes tout en exaltant celles des autres, en pensant : « Moi je ne suis pas comme telle ou telle personne, je n’ai pas ceci ou cela ». Par la même occasion, puisque nous portons essentiellement notre attention sur les fautes, que ce soit celles des autres ou nos propres fautes, nous oublions complètement que les autres et nous- mêmes avons également des qualités. Mais attention, il est très facile d’aller d’un extrême à l’autre en pensant que les autres n’ont que des défauts ou que nous n’avons que des qualités. Et si nous avons la patience d’approfondir notre compréhension des enseignements de Bouddha, le dharma, celle-ci nous amènera naturellement à mettre en place une stratégie vertueuse en toute circonstance. Cette stratégie se résume à faire la distinction entre les apparences ordinaires d’une faute et les conceptions ordinaires de cette même faute. Lorsqu’une faute nous apparaît, que ce soit celle des autres ou notre propre faute, notre esprit impur la perçoit comme une apparence fausse, parce que les objets ne nous apparaissent pas comme ils sont véritablement. Et sur la base de cette apparence ordinaire, notre esprit ordinaire, à cause de nos perturbations mentales, conçoit cette faute comme existante de manière intrinsèque. Aussi longtemps que nous sommes dans le samsara, nous voyons de cette façon les apparences d’une faute également chez les autres et chez nous-mêmes.

Appr-Faute-03Si nous observons les qualités de nous-mêmes et des autres de la même manière que nous observons les fautes, nous considérons ces qualités comme des apparences ordinaires que notre esprit conçoit de manière fausse également. En réalité, toutes les qualités, les nôtres et celles des autres sont dans la claire lumière de l’esprit. Toutes les qualités sont dans le Vrai Soi, le potentiel pur de l’esprit, la claire lumière du dharmakaya. Tandis que le Soi ordinaire, l’apparence ordinaire de nous- mêmes ou des autres est semblable à une prison qui obscurcit et empêche l’esprit du Vrai Soi de se manifester. Dans une certaine mesure nos qualités sont confondues avec notre potentiel pur, lui-même enfermé dans une sorte de pellicule plus ou moins opaque constituée des perturbations mentales. Selon l’épaisseur de cette pellicule notre potentiel pur et nos qualités sont peu ou pas perceptibles.

Si nous ne pouvons changer les apparences ordinaires de se manifester, nous pouvons changer les conceptions ordinaires que nous générons en tant que réponse à la manifestation de l’apparence d’une faute. Nous devons développer une relation bénéfique, saine et constructive avec les apparences des fautes. Notre interaction avec celles-ci doit nous procurer un bienfait et nous permettre d’avancer sur notre voie spirituelle. Par exemple, si nous observons une faute chez une personne, cette situation nous enseigne ce que nous ne devrions pas faire. Dans ce cas, il y a une apparence  d’une faute mais également une réaction positive, bénéfique et saine, en conséquence de quoi il n’y a aucun problème à fonctionner de cette manière. Par contre si nous observons une faute chez l’autre et que notre réaction est le jugement, la jalousie ou toute autre perturbation mentale notre esprit est dysfonctionnel. Ainsi l’objet à abandonner n’est pas l’apparence d’une faute, mais la perturbation mentale à l’origine de notre conception ordinaire de la faute observée. Ceci vaut également pour nos propres fautes.

 Rédigé d’après mes notes et une transcription d’une enseignement sur « Huit Etapes vers le Bonheur » du programme fondamental donné par Kadam Ryan en 2009 au Centre Atisha de Genève.

Rêve… Réveillé … Quelle différence ?

Si dans notre rêve nous observons les parties de notre propre corps, nous distinguons clairement par exemple notre jambe, notre bras, nos mains elles nous semblent bien réelles. C’est ce que nous pouvons appeler notre corps dans le rêve, dans notre monde du rêve. Ce corps est créé par notre esprit subtil. Si maintenant à l’état de veille nous faisons la même observation, ce corps est créé par notre Rêve-Eveil-01esprit grossier. Si ensuite, dans notre rêve nous faisons la rencontre de notre meilleur ami Jean, à la Place de la Gare, et que nous allons à sa rencontre en écartant les bras pour lui faire un grand hug, nous vivons cette rencontre avec toute son intensité. Nos bras se referment mutuellement dans une étreinte amicale chaleureuse. Le sentiment de retrouver un ami perdu de vue depuis longtemps nous habite complètement, nous entendons sa voix, nous scrutons son visage pour mieux le reconnaître. Si c’est à l’état de veille que nous rencontrons Jean au même endroit. Et que nous nous dirigeons vers lui pour le serrer dans nos bras, lui parler et écouter son propos, nous éprouvons exactement les mêmes sensations et éprouvons la même joie dans cette rencontre inattendue. Dans notre rêve, nous faisons cette rencontre dans un scénario créé par notre esprit du rêve, tandis qu’à l’état de veille notre rencontre est le produit de notre esprit grossier.

Nous sommes capables de vivre les deux aspects de l’expérience. Que ce soit celui de percevoir notre corps ou celui de rencontrer un ami sans trop nous poser trop de questions du moment que nous nous contentons de la manière conventionnelle dont les objets et les personnages apparaissent à notre esprit. Imaginons maintenant que, suite à l’enseignement reçu sur la vacuité, qui stipule que  » La vacuité est la manière dont les choses existent réellement. C’est la manière dont les choses existent par opposition à la manière dont elles apparaissent ». Nous entreprenons une recherche sur l’existence réelle de notre corps dans les deux cas. Nos investigations invariablement dans les deux cas aboutissent à la non-existence de celui-ci. À cet effet, nous appliquons exactement la même démarche qui aboutit à la conclusion : « Il n’y a pas de corps qui existe de son propre côté » aussi bien dans le monde du rêve que dans le monde réveillé. Nous observons la même chose mais de deux points de vue différents, celui de l’esprit du rêve et celui de l’état de veille. Dans les deux situations c’est la vacuité du corps qui se manifeste à notre esprit.

Rêve-Eveil-02En fait, nous nous faisons « un véritable cinéma »! En effet, au cinéma, nous sommes confortablement installés dans notre fauteuil et suivons avec attention ce qui se passe sur l’écran. Selon les scènes et les situations, nous éprouvons diverses sensations, diverses émotions et nous sommes par moment totalement immergés dans l’action qui se déroule devant nous sur l’écran. Ainsi, nous pouvons tout aussi bien imaginer que nous sommes actuellement « assis dans notre fauteuil » et contemplons les événements et les phénomènes que se produisent sur « l’écran de notre esprit », dans notre vie de tous les jours. Dans les deux cas, nous sommes « l’observateur », le spectateur de notre esprit. De plus, notre rôle n’est pas simplement passif dans le sens de spectateur, nous sommes à la fois le spectateur et le réalisateur de ce qui est projeté sur l’écran de notre esprit. Ce qui veut dire que nous sommes aussi  le créateur de tout ce qui se projette dans notre esprit aussi bien durant le rêve que durant l’état de veille. Tout se passe dans notre esprit et il n’y a rien à l’extérieur de ce dernier. Bouddha nous dit que le monde que nous percevons n’est qu’une illusion, une simple hallucination.

Tout cela n’est pas si simple qu’il n’y paraît. Notre principal obstacle est notre ignorance de saisie d’un soi. Cette perturbation mentale nous convainc que les objets et les phénomènes existent réellement de leur propre côté. En croyant que ceux-ci sont à l’extérieur de notre esprit, nous saisissons les objets qui nous sont agréables avec un fort attachement et évitons les objets qui nous sont désagréables avec une aversion. Aussi bien dans notre rêve que dans la vie ordinaire, nous ne mettons pas en doute le fonctionnement de cette perception. Au besoin, nous pouvons dans les deux cas demander confirmation à quelqu’un d’autre. Notre interlocuteur, celui du rêve ou celui de la vie ordinaire attestera le bien fondé de nos sensations. La difficulté majeure que nous avons,  consiste à lâcher cette croyance de l’existence intrinsèque de tout ce que nous percevons. Même si nous n’y arrivons pas immédiatement, par l’entraînement de notre esprit, progressivement nous pouvons aller dans cette direction. Le jour où nous nous réveillerons de notre ignorance, nous constaterons qu’il n’y a jamais eu de différence.

 Rédigé d’après mes notes personnelles tirées des enseignements reçus sur la vacuité.

 

Réflexions sur la vacuité

D’après le dictionnaire, la vacuité est définie comme l’état de ce qui est vide. L’aphorisme d’Aristote « la nature a horreur du vide » a traversé les siècles sans rien perdre de sa vigueur. Alors, si nous sommes sur la voie spirituelle, ce n’est pas étonnant que le simple mot vacuité nous plonge d’abord dans une perplexité. Le mot vacuité nous Vacuit-01fait penser à l’absence de quoi que ce soit, à faire le vide dans son esprit. Certains diront que c’est ne penser à rien. Toutes ces descriptions sont loin de ce que vacuité veut dire spirituellement parlant. Dans le livre « Bouddhisme moderne » Guéshé Kelsang Gyatso définit la vacuité de la manière suivante : La vacuité est la manière dont les choses existent réellement. C’est la manière dont les choses existent par opposition à la manière dont elles apparaissent. Nous croyons naturellement que les choses que nous voyons autour de nous, comme par exemple les tables, les chaises et les maisons existent vraiment parce que nous croyons qu’elles existent exactement de la manière dont elles apparaissent. Toutefois, la manière dont les choses apparaissent à nos sens est trompeuse et en contradiction totale avec la manière dont elles existent effectivement.

Bien que la notion de vacuité soit un sujet profond nous pouvons l’aborder en essayant de rompre l’image préconçue de ce monde qui nous apparaît et que nous croyons exister de cette manière. Une manière simple de le faire est de nous servir de l’analogie du rêve. Pour cela, nous devons laisser de côté nos convictions actuelles en contemplant en détail comment un objet devrait exister s’il existe de son propre côté indépendamment de tout autre chose. Nous allons ensuite approfondir notre compréhension à la manière d’un enfant qui a envie d’apprendre à lire et pour qui tout est nouveau. D’après la citation ci-dessus, chaque fois que nous avons la conviction qu’un objet existe en dehors de notre esprit nous nous méprenons. Chaque fois que l’existence d’un objet nous paraît évidente nous nous trompons. Pourquoi? Parce qu’à chaque fois qu’un objet apparaît à notre esprit, si nous nous posons la question : « Est-ce que cet objet existe de son propre côté, de manière intrinsèque? », la réponse est « Non! ».

Vacuit-02Pour étayer cette réponse, prenons par exemple le rêve suivant et essayons de comprendre comment apparaît le monde du rêve. Imaginons que dans notre rêve nous avons soif. Nous nous dirigeons vers le robinet de l’évier de la cuisine, nous prenons un verre dans le buffet au-dessus de l’évier, nous faisons couler de l’eau et remplissons notre verre. Après quoi, nous portons notre verre à notre bouche et nous buvons à petites gorgées cette eau pour apaiser notre soif. Tout au long de cette opération, nous ressentons diverses sensations telles que le bruit de l’eau qui coule, la fraîcheur de l’eau, le poids de celle-ci alors que le verre se remplit, pour finalement avoir la sensation de se désaltérer en buvant cette eau. Durant ce rêve, en aucun moment nous nous posons la question d’où vient le verre? Est-ce qu’il y a vraiment un évier qui existe? D’où vient cette eau qui remplit notre verre? Pas plus que de savoir d’où nous venons, si nous nous asseyons, si nous marchons pour nous diriger vers l’évier. Nous remplissons le verre dans notre main avec de l’eau que nous buvons et c’est tout. Ceci résout le problème de notre soif dans notre rêve.

Au moment de notre réveil, tous les objets de notre rêve cessent d’exister. Nous avons vécu toutes les événements de notre rêve sans bouger de notre lit! Ceci tend à démontrer qu’aussi bien les objets que les sensations de notre rêve n’étaient qu’une projection de notre esprit et que ceux-ci n’ont eu qu’une existence en relation dépendante de notre esprit. Lorsque l’esprit du rêve cesse, le monde de celui-ci cesse également. Transposons maintenant le même scénario dans la vie quotidienne. Si à un moment donné nous avons soif, que faisons-nous? Nous nous déplaçons jusqu’à un évier de notre appartement, nous prenons un verre puis tournons le robinet pour faire couler de l’eau qui remplira notre verre, nous voyons couler l’eau, nous entendons le bruit qu’elle fait. Une fois rempli, nous portons le verre à notre bouche et apprécierons le sentiment d’apaisement de la soif que nous procure cette eau. Alors, du point de vue de l’esprit quelle différence entre les deux situations? Force est de constater qu’il n’y a aucune différence! La manière dont les choses nous apparaissent ne correspond pas à la manière dont elles existent réellement. Ceci nous incite à aller voir comment les choses existent par une investigation basée sur la sagesse.

Pourtant, il doit bien y avoir une explication. Celle-ci, nous dit Guéshé Kelsang Gyatso dans son livre « Un Bouddhisme moderne » est à rechercher du côté de l’objet puisque dans les deux cas c’est apparemment le même esprit qui en fait l’expérience. Deux manières s’offrent à nous : la manière conventionnelle et la manière ultime. Nous désignons les choses par un simple nom que nous imputons à l’objet qui nous apparaît. Dans la situation évoquée, un verre, un évier, un robinet et ainsi de suite et nous n’allons pas plus loin que ce simple nom qui fonctionne très bien d’ailleurs. Pour comprendre la manière ultime de l’existence des choses, nous devons procéder Vacuit-03d’une manière plus scientifique. Ainsi, par exemple pour le robinet. Il s’agit d’un assemblage de pièces, les unes en plastique, d’autres en laiton chromé ou en acier inoxydable qui, assemblée d’une certaine manière produisent un robinet. Le nom générique robinet désigne l’ensemble de ses parties et s’adresse à tous les robinets existants sur cette planète.

Mais si nous insistons dans notre recherche afin de trouver le robinet qui existe de manière intrinsèque, de son propre côté, nous démontons celui-ci pièce par pièce jusqu’à avoir un certain nombre de pièces qui, prises séparément ne sont pas le robinet. À chacune de ces pièces, nous pouvons donner un nom spécifique différent du nom robinet. Si le robinet existait de son propre côté, nous devrions le percevoir en dehors de ses parties puisque celles-ci ne sont pas le robinet. Or, il n’y a rien qui ressemble à un robinet en dehors de ses parties. En dehors de toutes ces pièces que nous avons devant nous, il n’y a pas de robinet. En d’autres termes, le robinet n’existe pas de son propre côté, il n’existe qu’en relation dépendante de ses parties. Si maintenant, nous supposons que nous n’avons jamais démonté un robinet de notre vie et nous sommes en présence des mêmes pièces qu’auparavant nous serons bien empruntés de dire qu’il s’agit des pièces qui, une fois assemblées constitueront un robinet. En d’autres termes, le robinet existe qu’en dépendance de l’esprit qui observe les pièces détachées de ce dernier. Ainsi, en faisant une recherche de manière ultime nous arrivons à la conclusion que le robinet n’existe pas de son propre côté, mais que ce qui nous apparaît est la vacuité du robinet.

Rédigé et compilé d’après mes notes prises lors d’un enseignement sur « S’entraîner à la bodhitchitta ultime » reçu au Centre Atisha de Genève en 2014.

Réflexions sur la dépendance

Tout le monde sait plus ou moins ce que dépendance veut dire. Pour mieux comprendre son fonctionnement du point de vue de l’esprit, il est intéressant d’approfondir cet état que nous connaissons tous. Nous pouvons être dépendants aussi bien de personnes  que de choses matérielles. Dans cet article, nous contemplons la dépendance aux choses matérielles . Celle-ci se développe essentiellement à partir de trois perturbations mentales qui sont l’ignorance,  l’attachement et la préoccupation du soi. Qu’est-ce que la dépendance ? C’est un état d’esprit qui nous convainc que notre bonheur dépend de la possession d’un objet ou que son manque et notre séparation de celui-ci nous rend malheureux. Pourquoi ?

Parce que notre ignorance de saisie d’un soi nous persuade qu’il y a bien un objet là à l’extérieur de notre esprit, nous croyons fermement que l’objet possède le pouvoir de nous donner ce bonheur. Or, il n’y a aucun objet qui existe en dehors de l’esprit. Bouddha nous dit que le monde dans lequel nous vivons est semblable à un rêve. Et tout ce que nous connaissons depuis toujours est qu’une simple illusion. Pour assouplir et faire disparaître cette croyance nous devons nous familiariser avec cette vérité : le monde du rêve et le monde de notre quotidien sont pareils et leurs apparences sont fallacieuses. Pourtant dépendance-02nous faisons continuellement cette discrimination. Ou encore lorsque par exemple nous sommes au cinéma, bien que le film soit une succession d’images projetées sur un écran, nous nous laissons prendre par l’histoire et ressentons les mêmes impressions que dans la réalité à l’extérieur de notre esprit. Lorsque nous sommes devant une publicité pour l’objet de nos rêves, celui-ci nous paraît bien réel et attise notre désir de le posséder.

dépendance-03La préoccupation de soi est un état d’esprit par lequel nous nous préoccupons plus de nous-mêmes que de toute autre personne. C’est un état d’esprit qui considère que nous sommes suprêmement importants et que notre bonheur est plus important que celui de tout autre personne. Et persuadés que certains objets nous sont indispensables nous aménageons notre vie autours de ceux-ci. Finalement nous sommes entourés de choses qui conditionnement notre existence. Il suffit alors qu’une de ces choses vient à manquer pour que nous soyons malheureux. Notre société tend à créer une forte dépendance de l’être humain que nous sommes à une multitude dépendance-01de produits. Par exemple,  la plupart d’entre nous avons un ordinateur, un téléphone portable. Qu’est-ce-qui se passe si l’un ou l’autre vient à manquer ? Nous sommes désemparés, nous souffrons de cette perte,  même momentanée. Pour ne pas succomber à ces dépendances à toutes ces choses, nous devons relativiser leur importance dans notre vie.

L’attachement est un état d’esprit qui voit son objet d’attachement comme attirant, exagère ses qualités, développe une vue exaltée de celui-ci et cherche à se l’approprier. Par la préoccupation du soi qui magnifie notre importance et notre attachement, nous développons toutes sortes d’arguments en notre faveur pour justifier la possession de l’objet. De notre propre expérience nous pouvons voir à quel point l’attachement trouble notre esprit et nous fait perdre le contrôle. La société de consommation dans laquelle nous vivons a bien compris notre faiblesse et l’exploite sous toutes les formes pour nous faire succomber à la tentation. Et si nous ne pouvons assouvir notre envie de possession nous sommes malheureux. Bouddha nous enseigne que le monde des humains se trouve dans le règne du désir parce que nous sommes sous l’emprise de l’attachement désirant. Et il est très difficile pour nous de faire cesser cet état d’esprit en nous.

En conclusion pour diminuer l’effet néfaste de la dépendance dans notre vie, nous pouvons profiter des choses matérielles que nous avons mais sans attachement. Ceci me rappelle une citation de mon enseignant qui nous disait : « Prendre plaisir,  sans saisir ». Nous pouvons encore avec profit pratiquer l’opposant à la dépendance qui est le contentement (Voir L’Art du contentement déjà publié). Dans « La lettre amicale », Nagardjouna dit : « Soit toujours satisfait. Si tu pratiques le contentement, tu est riche même si tu ne possède rien ».

  Compilé d’après mes notes d’un enseignement donné par Kadam Ryan sur le thème de « Surmonter la dépendance aux autres » et mes lectures de la « Voie Joyeuse » de Guéshé Kelsang Gyatso, aux Ed. Tharpa.

Réflexion sur l’humilité

Dans le texte racine « Les Huit Versets de l’entraînement de l’esprit », Langri Tangpa nous enseigne que : « Chaque fois que je me trouve en présence des autres, puissé-je me considérer comme inférieur à tous. Et avec une intention pure, puissé-je chérir les autres comme des êtres suprêmes ». En développant l’explication de ce verset, Guéshé Kelsang Gyatso nous encourage à développer l’humilité.

La valeur d’une personne n’est pas une qualité intrinsèque à celle-ci, mais dépend du karma qui nous lie à cette personne. Nous comprenons aisément le lien karmique que nous avons avec nos proches, avec nos enfants, avec notre famille. Tous ces êtres sont pour nous naturellement précieux. Pourtant, nous faisons des différences en considérant tel ou tel comme plus précieux que tel autre. Alors que nous devrions avoir un esprit équanime, nous cultivons une différence. Pourquoi? À cause de notre ignorance de saisie du soi, nous voyons les autres comme étant séparés de nous et notre préoccupation de soi est responsable de la discrimination que nous faisons parfois même inconsciemment à leur égard. La préoccupation de soi entretient dans notre esprit le sentiment que nous sommes suprêmement importants et de ce fait les autres le sont forcément moins. Notre manque d’humilité est un obstacle qui nous empêche de Humilité-01chérir les autres comme des êtres supérieurs et précieux. Pour arriver à développer cette attitude bienveillante et équanime envers les autres, nous devons développer notre humilité.

Mais en fait qu’est-ce qui nous empêche de développer cette grande qualité qui est l’humilité? Notre orgueil! Dans notre vie contaminée par la préoccupation de soi, nous sommes entravés par deux sortes d’orgueil, l’orgueil envers les êtres ordinaires et l’orgueil envers les êtres supérieurs, qui fera l’objet d’un autre article prochainement. Nous développons le plus souvent l’un et l’autre sans même nous en rendre compte. Considérons ici notre orgueil envers les êtres ordinaires. Celui-ci consiste à se considérer comme précieux et spécial ou plus important que les autres. Pour illustrer cela, il suffit de nous souvenir de réflexions de notre vie courante : « Je ne vais rien apprendre de qui que ce soit, je me débrouille très bien tout seul! »; « En quoi ses soi-disant conseils pourraient m’aider dans mon problème? » ou pire encore : « Je ne vais pas m’abaisser à faire ce qu’il me dit! ». Autant d’attitudes qui reflètent notre condescendance envers nos semblables. D’un certain point de vue, l’orgueil nous fait penser que nos agrégats contaminés, notre corps ordinaire et notre esprit ordinaire ont tout de même une certaine valeur, même petite. À partir de quoi, nous pouvons considérer  que nos agrégats contaminés sont meilleurs ou plus précieux que les agrégats de quelqu’un d’autre. Cette perception orgueilleuse nous confirme que nous avons plus de valeur que les autres.

Humilité-02Dans nos relations avec les autres, lorsque nous observons quelqu’un d’orgueilleux, quelle est notre réaction spontanée envers cette personne? Nous voudrions le mettre à sa juste place, la rabaisser jusqu’au point où elle cesse ne nous déranger. Sous l’effet de notre orgueil, plus une personne nous semble être dans une position dominante, plus notre désir de la rabaisser est grand. C’est comme dans un match de football, c’est celui qui a le ballon qui devient la cible de tous les adversaires. En aucun cas nous entretiendrons une relation harmonieuse avec une personne intimement persuadée de sa supériorité. Par contre, notre réaction envers quelqu’un qui est humble et respectueux sera tout le contraire. Nous sommes à l’écoute de ce qu’elle dit, nous sommes prêts à l’aider et notre relation sera harmonieuse. Pourquoi générons-nous de l’orgueil? À la racine, l’orgueil vient d’une insécurité envers nous-mêmes. Nous remettons en question notre propre valeur, nous ne pouvons accepter nos limitations. Nous créons alors un discours intérieur mettant en Humilité-03évidence nos grandes qualités pour essayer de soulager et de compenser notre insécurité.

La raison de cette insécurité vient du fait que nous connaissons nos points faibles et nos limitations. Même dissimulés derrière une image flatteuse de nous-mêmes, inconsciemment nous connaissons nos travers et nos défauts. Cette situation inconfortable crée une grande insécurité en nous. Pour compenser celle-ci nous développons une vision exagérée et passionnée de nous-mêmes. Par un discours intérieur, nous avons besoin de valider cette vision pour supprimer l’insécurité qui nous habite. À partir de ce point, il nous semble très important  que les autres partagent cet opinion de nous-mêmes car dans le cas contraire nous remettons nos valeurs en question, ce qui constitue une menace pour nous. Nous ne pouvons accepter un argument qui remettrait en question la vision exaltée de qui nous sommes. Obnubilés par cette vision exaltée, nous ne supportons pas d’être provoqués. Or, si nous n’avons pas la capacité de rire de nous-mêmes, de reconnaître avec humilité nos propres fautes et de nos propres faiblesses nous ne pourrons pas avancer sur la voie spirituelle.

Rédigé à partir d’une transcription et de mes notes d’un enseignement donné par Kadam Ryan, le PF basé sur le livre « Huit Étapes vers le Bonheur » de Guéshé Kelsang Gyatso, au Centre Atisha de Genève en 2009.