Dans le texte racine « Les Huit Versets de l’entraînement de l’esprit », Langri Tangpa nous enseigne que : « Chaque fois que je me trouve en présence des autres, puissé-je me considérer comme inférieur à tous. Et avec une intention pure, puissé-je chérir les autres comme des êtres suprêmes ». En développant l’explication de ce verset, Guéshé Kelsang Gyatso nous encourage à développer l’humilité.
La valeur d’une personne n’est pas une qualité intrinsèque à celle-ci, mais dépend du karma qui nous lie à cette personne. Nous comprenons aisément le lien karmique que nous avons avec nos proches, avec nos enfants, avec notre famille. Tous ces êtres sont pour nous naturellement précieux. Pourtant, nous faisons des différences en considérant tel ou tel comme plus précieux que tel autre. Alors que nous devrions avoir un esprit équanime, nous cultivons une différence. Pourquoi? À cause de notre ignorance de saisie du soi, nous voyons les autres comme étant séparés de nous et notre préoccupation de soi est responsable de la discrimination que nous faisons parfois même inconsciemment à leur égard. La préoccupation de soi entretient dans notre esprit le sentiment que nous sommes suprêmement importants et de ce fait les autres le sont forcément moins. Notre manque d’humilité est un obstacle qui nous empêche de chérir les autres comme des êtres supérieurs et précieux. Pour arriver à développer cette attitude bienveillante et équanime envers les autres, nous devons développer notre humilité.
Mais en fait qu’est-ce qui nous empêche de développer cette grande qualité qui est l’humilité? Notre orgueil! Dans notre vie contaminée par la préoccupation de soi, nous sommes entravés par deux sortes d’orgueil, l’orgueil envers les êtres ordinaires et l’orgueil envers les êtres supérieurs, qui fera l’objet d’un autre article prochainement. Nous développons le plus souvent l’un et l’autre sans même nous en rendre compte. Considérons ici notre orgueil envers les êtres ordinaires. Celui-ci consiste à se considérer comme précieux et spécial ou plus important que les autres. Pour illustrer cela, il suffit de nous souvenir de réflexions de notre vie courante : « Je ne vais rien apprendre de qui que ce soit, je me débrouille très bien tout seul! »; « En quoi ses soi-disant conseils pourraient m’aider dans mon problème? » ou pire encore : « Je ne vais pas m’abaisser à faire ce qu’il me dit! ». Autant d’attitudes qui reflètent notre condescendance envers nos semblables. D’un certain point de vue, l’orgueil nous fait penser que nos agrégats contaminés, notre corps ordinaire et notre esprit ordinaire ont tout de même une certaine valeur, même petite. À partir de quoi, nous pouvons considérer que nos agrégats contaminés sont meilleurs ou plus précieux que les agrégats de quelqu’un d’autre. Cette perception orgueilleuse nous confirme que nous avons plus de valeur que les autres.
Dans nos relations avec les autres, lorsque nous observons quelqu’un d’orgueilleux, quelle est notre réaction spontanée envers cette personne? Nous voudrions le mettre à sa juste place, la rabaisser jusqu’au point où elle cesse ne nous déranger. Sous l’effet de notre orgueil, plus une personne nous semble être dans une position dominante, plus notre désir de la rabaisser est grand. C’est comme dans un match de football, c’est celui qui a le ballon qui devient la cible de tous les adversaires. En aucun cas nous entretiendrons une relation harmonieuse avec une personne intimement persuadée de sa supériorité. Par contre, notre réaction envers quelqu’un qui est humble et respectueux sera tout le contraire. Nous sommes à l’écoute de ce qu’elle dit, nous sommes prêts à l’aider et notre relation sera harmonieuse. Pourquoi générons-nous de l’orgueil? À la racine, l’orgueil vient d’une insécurité envers nous-mêmes. Nous remettons en question notre propre valeur, nous ne pouvons accepter nos limitations. Nous créons alors un discours intérieur mettant en
évidence nos grandes qualités pour essayer de soulager et de compenser notre insécurité.
La raison de cette insécurité vient du fait que nous connaissons nos points faibles et nos limitations. Même dissimulés derrière une image flatteuse de nous-mêmes, inconsciemment nous connaissons nos travers et nos défauts. Cette situation inconfortable crée une grande insécurité en nous. Pour compenser celle-ci nous développons une vision exagérée et passionnée de nous-mêmes. Par un discours intérieur, nous avons besoin de valider cette vision pour supprimer l’insécurité qui nous habite. À partir de ce point, il nous semble très important que les autres partagent cet opinion de nous-mêmes car dans le cas contraire nous remettons nos valeurs en question, ce qui constitue une menace pour nous. Nous ne pouvons accepter un argument qui remettrait en question la vision exaltée de qui nous sommes. Obnubilés par cette vision exaltée, nous ne supportons pas d’être provoqués. Or, si nous n’avons pas la capacité de rire de nous-mêmes, de reconnaître avec humilité nos propres fautes et de nos propres faiblesses nous ne pourrons pas avancer sur la voie spirituelle.
Rédigé à partir d’une transcription et de mes notes d’un enseignement donné par Kadam Ryan, le PF basé sur le livre « Huit Étapes vers le Bonheur » de Guéshé Kelsang Gyatso, au Centre Atisha de Genève en 2009.