Archives pour le tag : samsara

Les deux mondes

Tiré de la cosmologie bouddhiste, un concept simple nous enseigne une vision très importante dans notre développement spirituel. Ce concept repose sur l’existence de deux mondes :
• Le monde impur qui est né de nos propres perturbations mentales
• Un monde pur qui est né de la sagesse et de la compassion.
Souffrance-01Le monde pur est complètement au-delà de ce monde impur qu’est le samsara. La nature du samsara est souffrance et toutes nos expériences vécues dans celui-ci finissent toujours dans la souffrance. Toutes nos expériences de bonheur dans ce mode ne sont qu’une diminution temporaire de la souffrance. Les causes de l’existence de celui-ci sont contaminées. Et parce que ses causes sont contaminées, toutes les expériences de ce monde impur sont contaminées. Nous pouvons penser que certaines expériences dans ce monde samsarique sont meilleures que d’autres mais comparativement au monde pur des bouddhas cela reste impur et souffrance. Toutes nos activités spirituelles ont un seul but celui de transiter de ce monde impur vers un monde pur, hors du samsara. Nous devons quitter ce monde impur pour atteindre un monde pur  plein de félicité et de bonheur éternel.

Il y a deux raisons pour lesquelles nous voulons faire ce voyage, pour notre propre bonheur et pour le bien des autres. Si nous allons vers les pays purs en atteignant l’illumination, nous serons capables de revenir dans ce monde impur pour aider les autres à faire le même voyage. Comment faire ce voyage ? Ce voyage est un voyage interne. Nous pouvons voyager dans le monde extérieur, n’importe où sans jamais trouver ce monde pur tant recherché, c’est peine perdue. Quoi que nous fassions avec ce qui appartient au samsara, nous restons prisonniers de celui-ci. La sortie à destination d’un monde pur est atteinte non pas par un cheminement extérieur mais par un voyage intérieur. Le voyage à faire se trouve dans notre esprit par ce chemin spirituel qui nous conduit hors du samsara. Pour faire un long voyage vers une destination inconnue, nous avons besoin d’un guide possédant toutes les compétences pour nous y conduire, quoi de plus efficace que quelqu’un provenant justement Voyage-01de l’endroit de notre destination. De la même manière, nous avons besoin d’un guide spirituel provenant d’un monde pur pour atteindre celui-ci. Le guide spirituel est un être provenant du monde pur qui a l’habilité de se manifester dans ce monde impur pour venir à notre aide pour sortir de notre cauchemar.

Rappelons que le samsara n’a pas d’existence intrinsèque en dehors de notre esprit. Il est semblable à un rêve que malheureusement nous croyons bien réel. Nous pensons être en conversation avec quelqu’un, mais en fait il n’y a personne à l’extérieur de nous. Nous pensons marcher sur un chemin dans la campagne, mais en fait il n’y a Directions-01ni chemin ni campagne. Nous pensons que nous sommes en train de manger une pizza, mais en fait il n’y a rien de tout cela. Tout est semblable à un rêve. Nous croyons que toutes ces projections de notre esprit sont réelles, c’est là notre grande erreur, notre ignorance de saisie d’un soi. Le guide spirituel lui se trouve en dehors de notre cauchemar mais a le pouvoir d’apparaître dans notre rêve et de nous expliquer que nous sommes en train de rêver. De la même manière que nous sommes convaincus de l’existence d’un problème, nous devons également croire à l’existence de sa solution puisque tous deux proviennent d’une source identique, notre rêve samsarique. Le plus souvent c’est lorsque nous avons essayé toutes suggestions samsariques à notre problème que finalement nous sommes prêts à prendre refuge en notre guide spirituel, le seul qui peut nous aider en nous rappelant qu’il est possible de sortir de notre rêve.

Nous devons maintenir constamment à l’esprit que dans toute situation c’est le guide spirituel qui est capable de nous aider à sortir de notre marasme. Nous devons reconnaître que notre guide spirituel est venu pour nous, pour nous amener vers un pays pur. Nous avons maintenant cette précieuse opportunité d’aller au pays pur de Bouddha et cette occasion ne se produira qu’une seule fois. Puisque le positionnement de notre esprit se trouve sur l’objet auquel nous prêtons attention, si nous mélangeons notre esprit avec celui de notre guide spirituel qui est au-delà du samsara, nous pouvons rejoindre un pays pur.

Compilé à partir d’une transcription de l’enseignement du PF « La voie Joyeuse » donné au Centre Atisha à Genève par Kadam Ryan

Se dépasser face à l’adversité

Adversité-01Les épreuves de l’adversité, sont souvent prises comme une sorte de fatalité. Celles-ci expriment un état dans lequel on a le sort contre soi. De nombreuses personnes se sentent alors dans l’incapacité de réagir persuadées que de toute façon c’est peine perdue. Dans de telles conditions aucune alternative ne sera présente et la personne ne tardera pas à sombrer dans le découragement et la résignation. Face à l’adversité notre esprit de préoccupation de soi n’est pas le meilleur ami, bien au contraire. Dans le pire des cas il entretient un sentiment de culpabilité. Notre esprit se barricade alors dans sa zone de confort et sabote toutes les velléités d’un éventuel dépassement. Si nous sommes persuadés que la difficulté existe vraiment ses effets seront vraiment sur notre chemin.

Encore une fois, tout est création de notre esprit. Et si celui-ci crée des obstacles apparemment insurmontables, il nous sera difficile de les franchir. Au contraire, le premier moment d’abattement passé, en changeant d’état d’esprit, ceux-ci se transformeront en une opportunité de dépassements. Dans une situation difficile, toute notre attention doit se focaliser sur la meilleure manière de dépasser la difficulté. Ce faisant, en aucun moment nous pensons à l’échec possible. Nous mettons toute notre énergie à croire que c’est possible. Tant que nous considérons l’obstacle comme un objet extérieure à notre esprit et possède une existence intrinsèque, nous n’avons aucune influence sur lui. En réalité nous Adversité-02percevons une projection subjective générée par notre esprit et cette image est le fruit de nos perturbations mentales.

Les limites de notre « zone de fonctionnement » ou zone de confort est totalement subjective. C’est pourquoi nous les plaçons arbitrairement en fonction de notre état d’esprit qui s’inspire des apparences trompeuses du samsara. Pour savoir où ces limites se trouvent, il vaut mieux être à l’écoute de sa sagesse intérieure que de sa préoccupation de soi. La première nous incite élargir notre « zone de fonctionnement » pour nous faire apprendre et progresser, tandis que la deuxième nous dissuade de le faire par peur du changement et de l’inconnu. La première nous propose des défis à relever, la seconde le rejet ou le statu quo.

Cette sagesse intérieure vient de notre potentiel pur, de notre guide spirituel alors que notre préoccupation de soi vient de notre attachement aux mirages de ce monde. Combien de fois prenons-nous les solutions « clé en main » proposées par des personnes bien intentionnées sans les évaluer avec notre sagesse pour savoir si cela est bénéfique pour nous. Nous sommes des individus et avons chacun et chacune un chemin de vie et un karma personnel différents. Une expérience similaire à la nôtre vécue par une autre personne sera certainement différente pour nous, car les causes et les conditions ne sont pas identiques.

Adversité-03Nous voudrions tellement que la vie soit aussi facile que nous le montre les publicités qui foisonnent dans notre environnement. Il nous semble que la vie est une sorte de supermarché où tout est disponible à profusion, qu’il n’y a qu’à mettre ce que nous voulons dans le caddie et passer à la caisse. Or, il n’y a pas de supermarché à l’extérieur de notre esprit, et c’est bien là ce qui nous confronte à l’adversité. Si nous considérons la vie comme une compétition, nous devons savoir que la réussite des uns signifie obligatoirement l’échec de certains autres. Finalement dans le samsara, il n’y a que des perdants tant que nous n’avons pas compris sa nature.

La peur et l’espoir

La peur et l’espoir sont intimement liés, tout comme les deux faces d’une médaille. Il suffit pour le comprendre de nous rappeler ce qui se passe dans notre esprit en présence d’une difficulté ou d’un danger. Nous avons peur et immédiatement nous générons l’espoir de nous en libérer. Notre ignorance de saisie du soi nous certifie l’existence de cette difficulté ou de ce danger sous diverses formes juste à cet instant en dehors de notre esprit et instinctivement, nous sommes prêt « à fuir ou à combattre ». Parfois, cette situation nous semble tellement conséquente que l’espoir de trouver une issue semble nous abandonner et nous avons l’envie de « fuir ». Ou alors nous nous Peur-Espoir-01crispons, avec l’intention de « combattre », mais paralysés par la peur nous sommes incapables de réagir et d’agir. Nous avons tous fait de telles expériences dans notre vie : la peur de l’échec, la peur de parler en public, une implication dans un conflit, perdre le contrôle de son véhicule, se mettre en colère, etc. Heureusement, il y a une troisième alternative, celle de rester centré, d’observer et de prendre refuge dans notre vrai soi, notre nature de sagesse.

Nous pensons pouvoir tout contrôler en présence des multiples situations que nous rencontrons dans le samsara. Or, la nature même de notre samsara est souffrance, synonyme de difficultés et dangers. Celui-ci ne cesse de nous tromper, de nous faire peur. Nous cherchons constamment à protéger ce JE auquel nous sommes tellement attachés. Oui, il nous faut abandonner l’idée qu’il existe un JE solide et séparé de notre esprit. De la même manière il nous faut abandonner l’idée que quelque chose existe en dehors de notre esprit. Tout est comme un rêve, comme une illusion. Tout ce que nous percevons n’existe que de manière conventionnelle en relation dépendante de notre esprit.  Certes il n’est pas facile de toujours adopter cette attitude, mais c’est parce que notre ignorance et notre attachement sont tellement profondément enracinés dans notre esprit que nous n’y arrivons pas.

Nous savons tous ce qu’est une mauvaise habitude et le mal que nous avons à nous en défaire. Pensons que c’est depuis des temps sans commencement que nous faisons cela, mais il est encore temps de changer. Tant que nous cherchons le bonheur et le moyen de faire cesser notre souffrance dans le samsara, c’est sans espoir. Mais si nous sommes prêts à abandonner l’espoir de trouver une solution à nos problèmes dans le samsara pensant nous libérer de la souffrance et trouver notre bonheur, nous aurons aussi le courage de changer. Pour cela, nous devons nous détendre et chercher refuge en bouddha, le dharma et la sangha. Chercher refuge veut dire aussi renoncer à l’espoir de trouver quelque chose capable de nous rendre heureux durablement dans le contexte du samsara.

Nous voulons bien entreprendre un chemin spirituel, mais avec l’idée de maintenir certaines choses samsariques auxquelles nous sommes attachés. Nous voudrions négocier certaines exceptions : « Oui, d’accord de lâcher ceci …  mais pas cela! ». Impossible, car cela revient à vouloir quitter le port avec notre embarcation et traverser l’océan sans lâcher les amarres. Nous aurons beau ramer de toute notre énergie pour le faire mais ce sera en vain. La manière d’entreprendre cela consiste à pratiquer le renoncement. Durant ma dernière retraite au IMC Kailash, j’ai retenu Peur-Espoir-02une signification simple du renoncement, la voici. Nous ne devons pas renoncer aux objets que nous percevons mais nous devons renoncer à l’attachement à ceux-ci. Comment? Si par exemple nous savourons une tarte aux fruits, posons-nous la question de savoir où se trouve le plaisir de sa saveur. Est-il dans la tarte ou est-il dans notre esprit? Il se trouve en fait dans notre esprit. La tarte n’a aucun pouvoir de susciter le plaisir. Si tel serait le cas, tout le monde sans exception trouverait du plaisir à manger cette tarte, ce qui n’est pas le cas. Nous pouvons prendre plaisir sans saisir. De la même manière, nous pouvons renoncer à tous ces objets samsariques sans pour autant nous priver de tout. En résultat, nous serons libres de tout attachement.

Vivre comme si le but visé était déjà atteint

Il y a une différence subtile entre s’efforcer d’obtenir un résultat et le voir, le sentir comme déjà réalisé. Dans l’espoir d’obtenir un résultat, nous orientons généralement toute notre attention et toute notre énergie sur la préparation des étapes successives à sa réalisation. Puis une fois la décision prise de passer à l’action, nous entreprenons un interminable voyage vers son accomplissement. Bien que nous puissions identifier des jalons et établir des objectifs intermédiaires pour nous rapprocher de notre but ultime, dans notre esprit nous sommes toujours engagé dans une démarche visant à réaliser un jour notre objectif, au lieu d’avoir le sentiment d’être précisément en train de le réaliser.

Bouddha nous explique que tout est création de l’esprit et que le monde que nous créons est celui auquel nous prêtons attention. Or dans ce contexte,  tant que notre attention créatrice est totalement absorbée dans la phase de préparation, l’objectif reste au second plan. En fait nous pensons plus à la manière d’obtenir le résultat qu’au résultat lui-même. Le risque de nous perdre dans le dédale des innombrables chemins pour atteindre notre objectif peut nous amener parfois à la réflexion : « Euh … Au fait c’est quoi déjà mon objectif? ».

But-03Mais pour atteindre notre objectif : contempler la cible ne suffit pas non plus, faut-il encore savoir guider la flèche. En d’autres termes, si nous portons toute notre attention sur la cible sans tenir compte de la position de la flèche il sera peu probable que nous atteignons celle-ci. De même si nous portons uniquement notre attention à la flèche sans le souci de l’endroit où se trouve la cible il nous sera difficile même impossible de l’atteindre. Notre attention tient compte à la fois de l’objectif et du moyen de le réaliser.

Du point de vue spirituel, cela revient à ce raisonnement. Si je ne fais que contempler le but à atteindre, ma libération du samsara pour atteindre l’illumination, sans entreprendre quoi que ce soit pour y parvenir, jamais je ne réaliserai mon objectif. Également, si je m’affaire continuellement à préparer minutieusement une liste exhaustive de tout ce que je dois faire pour me libérer, sans effectuer les étapes successives et pensant : « Un jour je le ferai », je resterai de manière certaine toujours dans la phase de me rapprocher du but sans jamais l’atteindre.

ToscaneJe me souviens d’une anecdote de ma jeunesse qui illustre bien la situation. Avec mes camarades nous faisions une marche d’une trentaine de kilomètres à travers la Toscane. Le pays était une succession de vallons et de collines. Nous connaissions notre destination mais chemin faisant il nous était impossible en regardant devant nous de voir celle-ci. Nous ne pouvions que repérer sur la carte le chemin à prendre pour y parvenir. En temps réel celui-ci paraissait interminable. Souvent nous nous posions la question : « Est-ce que c’est encore loin? ». Mais en fait le souci de savoir que nous étions sur le bon chemin était bien plus important que de savoir la distance à parcourir.

Vivre comme si notre but était déjà atteint veut dire mobiliser notre esprit créateur pour activer les potentialités de réussite en nous. Cela veut dire également, que nous nous visualisons comme ayant atteint notre but en ayant franchi toutes les étapes nécessaire à  son accomplissement. Dans le cas de la marche évoquée cela veut dire nous visualiser comme étant déjà arrivés à destination en ayant marché par monts et par vaux. Ce faisant la distance devient relativement moins pesante.

But-01C’est pour cela que sur notre chemin spirituel, ne connaissant pas sa durée jusqu’à l’illumination, nous devons nous donner les moyens qui nous maintiennent sur la voie tracée par notre guide spirituel tout en nous visualisant comme déjà arrivés aux Pays purs de Bouddha. Jour après jour, vie après vie, à chaque instant nous souvenant de notre destination, en appliquant la discipline morale en toute circonstance nous pouvons réaliser ce but ultime.

Expérience inattendue de compassion

image

Je suis quelques jours à la montagne dans un chalet d’alpage à 1500 mètres d’altitude. Je partage cette résidence avec 6 vaches qui passent leur journée à pâturer et dorment la nuit dans l’étable attenante à mon logis.
Ce matin tôt, alors que je m’installais pour ma pratique quotidienne, la présence de ces ruminants devint manifeste dans mon esprit par la réflexion suivante:
« Ces vaches sont des êtres sensibles qui font l’expérience du règne animal. Ces esprits comme moi ont eu d’innombrables renaissances dans les règnes du samsara. Actuellement je profite de ma vie humaine pour développer ma vie spirituelle, mais eux n’ont aucune possibilité de pratiquer le dharma ».
Alors, je sentis grandir un sentiment de compassion pour ces êtres sensibles piégés dans le samsara. Par l’imagination, je vais donc les aider à créer la cause d’une renaissance humaine. Je peux le faire en les invitant autour de moi lors de ma pratique.
Durant la pratique formelle de la sadhana, à chaque fois que le texte mentionnait « … êtres vivants…. » je percevais en mon coeur de façon concrète la compassion se manifester à leur égard. Au moment de faire les.requêtes, spontanément j’ai formulé en moi : « Puissent mes colocataires, ces vaches, recevoir les bénédictions spéciales qui créeront les causes d’une renaissance en tant qu’être humain ».
Ce matin j’entrai dans une belle journée ensoleillée avec le coeur rempli de gratitude.
Rédigé et publié sur place sur mon smartphone

Le chantier de notre libération de la souffrance

Lorsque nous sommes impliqués dans un projet conséquent et d’une grande importance, dont la réalisation se fera par étapes plus ou moins longues et dont la durée s’étale sur plusieurs années voire toute une vie, nous parlons souvent de chantier, de chantier du siècle, etc. Je vais donc utiliser comme base une métaphore de ce chantier pour illustrer celui qui nous amènera à la libération de la souffrance.

Chantier-01Notre libération de la souffrance est de l’ampleur d’un chantier pharaonique. L’édifice à construire est notre libération du samsara et les innombrables ouvriers travaillant sur ce chantier sont chacune de nos intentions vertueuses qui mettent en place les éléments de l’édifice. Comme le travail de chaque ouvrier est important, parce qu’il contribue au tout, chacune de nos intentions vertueuses est une graine de libération.
Pour construire cette libération de la souffrance, chacun doit savoir ce qu’il lui faut abandonner et au contraire connaître ce qu’il doit mettre en place dans sa vie. En abandonnant toute action qui, tôt ou tard, se traduira en souffrance, nous garantissons la solidité de l’édifice de notre libération.

Il est fort probable que ce chantier durera bien au-delà de cette vie-ci, d’où la nécessité d’œuvrer non seulement pour notre vie actuelle, mais pour nos vies futures. La tentation de penser « De toute façon je n’y arriverai pas » avec une perspective à court terme sera avantageusement remplacée par « Un jour certainement j’y arriverai » avec une perspective à long terme, sachant que peut-être de nombreuses vies seront nécessaires pour atteindre le but.
Pour construire notre libération du samsara, il n’y pas d’intention vertueuse insignifiante. Toute intention vertueuse se traduit par une action et, si petite soit-elle, contribuera à notre objectif. Ainsi, toute action vertueuse a son importance, tout comme dans la construction d’un édifice il y a de petits éléments et d’autres plus grands, tous sont nécessaires. C’est pourquoi nous ne devons pas sous-estimer chacune de nos actions, en pensant : « A quoi bon, cela n’en vaut pas la peine! »

Chantier-02 Notre esprit est le créateur de notre vie et de son environnement. Nous « créons » de bonnes ou de mauvaises choses, selon notre état d’esprit. Il y a des jours où nous sommes pleins d’ambitions et sommes capables de réaliser de grandes choses et d’autres où nous sommes sous l’emprise de nos perturbations mentales et sommes capable de ne rien faire ou pire encore de nous complaire dans des actions non-vertueuses.
VGL nous dit dans le livre « La Voie Joyeuse » : Les actions vertueuses sont des voies qui mènent  au bonheur ultime de la libération. De telles actions découlent de la pratique de la discipline morale, en comprenant les dangers de commettre des actions non-vertueuses. La pratique de la discipline morale nécessite la sagesse qui réalise les effets des actions négatives. En nous abstenant de commettre toute action non-vertueuse, si tant est que c’est possible, nous devons également pratiquer la vertu par des actions positives et vertueuses.

Chantier-03Alors, dans notre vie de tous les jours, développons des intentions vertueuses si petites soient-elles. En saisissant chaque opportunité de le faire et en appliquant la discipline morale dans chacune de nos actions nous construisons l’édifice de notre libération de la souffrance, notre libération du samsara. Quoi que nous fassions, nous le ferons en accord avec notre discipline morale en nous rappelant que celle-ci est comme le ciment qui maintient ensemble de façon durable les élément de notre construction, la libération de la souffrance.

Compilé à partir de mes lectures de « La Voie Joyeuse » de Ghéshé Kelsang Gyatso et de mes transcriptions du « Programme d’Etude » au Centre Atisha de Genève.

La renaissance, mode d’emploi

Renaissance-02Dans le bouddhisme, nous parlons de vie actuelle, de vies passées et de vies futures. Et pour passer d’une vie antérieure à la vie actuelle ou de la vie actuelle à une vie future il y a renaissance. Cette vie-ci, dont nous faisons l’expérience, est une vie parmi tant d’autres que nous avons eues précédemment. Comment comprendre ce processus? Pour cela nous devons tout d’abord comprendre qu’il y a une différence entre notre corps d’une part et notre esprit d’autre part. Comment ressentir cette différence?

Si nous fermons les yeux, nous pouvons imaginer notre corps avec toutes ses parties. Nous pouvons observer notre main, notre bras, notre tête, nos jambes et ainsi de suite. Nous pouvons, avec un peu d’habitude contempler en détail chaque partie de celui-ci. Si nous analysons en profondeur cette situation, il y a « quelque chose qui observe et quelque chose qui est observé ». En d’autres termes, il y a quelque chose qui perçoit et quelque chose qui est perçu. L’objet perçu est notre corps et l’observateur est notre esprit.

Renaissance-01Donc, c’est parce qu’il y a quelque chose qui perçoit et quelque chose qui est perçu que nous pouvons affirmer que nous sommes en présence de deux entités différentes : le corps et l’esprit. L’esprit nous explique Bouddha est un continuum sans forme, sans caractéristiques physiques et dont la fonction est de percevoir, de connaître les objets et les phénomènes. C’est grâce à notre esprit que nous percevons, que nous connaissons. Lorsque nous disons : « Je sais, je connais telle ou telle chose » en réalité c’est notre esprit qui sait et qui connaît cela.

Ce continuum, depuis des temps sans commencement, se déroule d’instant en instant sans interruption. Et quand notre corps actuel cessera, notre esprit n’a pas d’autre choix de poursuivre et de s’incarner dans un nouveau corps. Notre esprit très subtil passe d’une vie à l’autre du fait que notre continuum ne peut cesser. Comme un voyageur qui séjourne dans une auberge, puis poursuit son itinéraire vers une autre destination, une autre auberge, notre esprit passe de vie en vie. En conclusion, cette vie n’est pas la seule que nous avons eue et il y en  aura d’autres après.

Une autre façon de comprendre la renaissance est de considérer le karma, la loi de causalité. Quel que soit l’effet ou l’expérience produite il ou elle est due à une cause. Il ne peut y avoir d’effet sans cause. De la même manière notre vie actuelle, cette expérience, a forcément une cause. Cette vie ne s’est pas manifestée à partir du néant, à partir de rien. Si par l’imagination nous pouvions remonter notre continuum à la manière de projeter un film à l’envers, nous visiterions nos années passées avec les différents événements de notre vie jusqu’à notre petite enfance, jusqu’au moment de notre naissance. Mais ce n’est pas le début du film parce que d’autre images, d’autres séquences   sont alors présentes. Elles appartiennent à notre vie précédente. Pour passer de la vie précédente à la vie actuelle il y a eu renaissance.

Renaissance-03Ainsi, au moment de notre mort, nous sommes poussés par les vents de notre karma vers notre prochaine vie. Et l’état d’esprit dans lequel nous mourrons déterminera la nature et le type de renaissance que nous prendrons. Avec un esprit en paix et plein de sérénité nous prendrons une renaissance heureuse tandis que si notre esprit est agité par la colère, le ressentiment, la jalousie, etc., nous irons vers une renaissance malheureuse. La seule manière de sortir de ce cycle de renaissances incontrôlées est de nous libérer définitivement du samsara en purifiant tout notre karma négatif.

Les gens « bien adaptés » au samsara

Les personnes « bien adaptées » au monde samsarique ne nous indiquent pas pour autant la voie à suivre. Car cette voie est à l’opposé de la voie spirituelle de la libération de la souffrance.

S’adapter pour la plupart d’entre-nous signifie s’habituer. Mais si cette adaptation se fait sans la sagesse elle est la raison de notre attachement à ce monde. Cet attachement aux activités mondaines se développe à partir d’une forme de paresse. Dans l’esprit de certains, l’adaptation à une situation est synonyme de résignation. Combien de fois j’entends dire : « Ah! Je n’y peux rien … je dois m’y faire! » ou bien encore : « De toute façon, cela ne dépend pas de moi … et je ne peux qu’accepter ».

Changement-01 Si nous sommes déprimés ou découragés et que nous pensons que c’est trop difficile de renoncer à nos mauvaises habitudes, ou si nous remettons notre renoncement au lendemain pensant que c’est mieux de le faire à un autre moment, aucun changement d’état d’esprit ne sera possible. La véritable adaptation demande de faire un effort avec souplesse d’esprit et une bonne dose de sagesse parfois.

Nous devons réaliser que le samsara dans son entier est dans la nature de la souffrance, et nous avons un très fort attachement  pour le samsara. Pour vaincre cet attachement, nous devons réaliser comment chaque aspect de celui-ci est dans la nature de la souffrance. Parmi les nombreuses souffrances rencontrées dans le samsara, l’incertitude, l’insatisfaction et les renaissances incontrôlées sont les plus significatives.

  • L’incertitude : Aucune condition n’est assurée dans le samsara. Tout change si rapidement. Il en va ainsi de nos expériences bonnes ou mauvaises, de nos relations, de notre santé, de notre richesse et ainsi de suite.
  • L’insatisfaction : La plupart de nos problèmes viennent du fait que nous recherchons  notre satisfaction dans les plaisirs du samsara. Si nous continuons  à rechercher la satisfaction dans des plaisirs aussi limités, nous allons créer de nombreuses mauvaises habitudes et des problèmes pour nous-mêmes et pour les autres.
  • Les renaissances incontrôlées : Puisque nous avons eu d’innombrables renaissances, nous avons dû supporter toutes les souffrances des diverses sortes d’existence vécues. Et si nous n’atteignons pas la libération complète du samsara dans cette vie, nous sommes certains de renaître dans ce cycle de renaissances incontrôlées.

Bouddha nous enseigne que chaque expérience de bonheur ou de jouissance provenant des plaisirs du samsara est une souffrance changeante. Si nous augmentons la cause de notre bonheur samsarique, notre bonheur se transformera en souffrance, mais si nous augmentons la cause de notre souffrance, la souffrance ne se transformera jamais en bonheur. Pour comprendre cela avec clarté, je vais prendre deux exemples.

  • Changement-02Certains restaurants proposent « Pizza à discrétion » pour un prix forfaitaire. Si vous raffolez de pizza Marguerita, vous allez manger votre pizza avec bonheur  et vous serez tenté d’en prendre une deuxième. Si tel est le cas, vous allez voir rapidement votre bonheur se transformer progressivement en nausées et devenir malade.
  • Changement-03Et si, en bricolant, malencontreusement vous vous tapez avec un marteau sur un doigt, vous allez ressentir une douleur, une souffrance. Et vous n’allez certainement pas taper une seconde fois pensant transformer votre douleur en bonheur … d’être un bricoleur expérimenté.

Le samsara est une simple projection de notre esprit contaminé par d’innombrables perturbations mentales. S’adapter à cette projection signifie donner notre assentiment aux perturbations mentales  qui nous retiennent en otage dans le samsara. Nous percevons le monde à travers le filtre des perturbations de notre esprit. C’est comme regarder à travers des lunettes sales, tout nous paraîtra sale. Ainsi les êtres « bien adaptés » au samsara sont des personnes qui n’entreprennent rien pour changer leur état d’esprit.

Réflexions compilées à partir d’explications données dans « La voie Joyeuse » de Guéshé Kelsang Gyatso Ed. Tharpa

Les cinq agrégats contaminés

Le Samsara est la renaissance dans des agrégats contaminés. Normalement nous parlons de corps et d’esprit contaminés, mais ici nous sommes beaucoup plus explicites. Nous parlons de cinq agrégats contaminés qui sont : la discrimination, la sensation, les facteurs composants, la conscience et la forme.

Le dictionnaire défini les agrégats comme un assemblage hétérogène. Tout comme une voiture est composée de nombreuses parties aux fonctions spécifiques, les agrégats que nous nous sommes appropriés sont appelés « agrégats » parce qu’ils sont composés de nombreuses parties possédant des fonctions particulières. Ils sont la base sur laquelle nous imputons notre « JE ». Ce sont donc des catégories dans lesquelles tous les phénomènes impermanents sont inclus. En particulier, les constituants d’une personne peuvent être divisés en ces cinq agrégats.

Cinq agregatsL’agrégat discrimination comprend le facteur mental discrimination sous toutes ses différentes formes et qui accompagne chaque moment de l’esprit. Il nous permet de distinguer un objet d’un autre en dépendance des caractéristiques particulières de chaque objet.

L’agrégat de la sensation est un facteur mental qui accompagne tout, chaque moment de conscience. La sensation a pour fonction de ressentir un objet comme étant agréable, désagréable ou neutre.

L’agrégat des facteurs composants correspond aux facteurs mentaux et aux phénomènes non associés. Des facteurs mentaux tels que l’attention, l’intention, la foi, les perturbations mentales telles que la colère, la jalousie et d’autres types de facteurs mentaux tels que la vigilance, le regret etc. Les phénomènes composés non associés comprennent tous les phénomènes qui ne sont ni une forme ni un esprit tels que la vie, le temps et les potentialités.

L’agrégat conscience comprend la conscience de nos six sens : œil, oreille, nez, langue, corps et conscience mentale. Chacun de ces sens possède un pouvoir sensoriel particulier. Par exemple, la conscience de l’œil qui se développe immédiatement lorsqu’un objet est perçu.

L’agrégat de la forme comprend tous les objets des cinq consciences sensorielles : tout ce que nos sens perçoivent. Simplement, l’agrégat de la forme d’une personne est le corps de cette personne avec toutes ses caractéristiques.

Comment fonctionnent ces cinq agrégats contaminés.

  1. Une discrimination contaminée discrimine ou conçoit que les objets peuvent être plaisants, déplaisants ou neutres.
  2. Sur cette base, nous expérimentons les objets soit comme plaisants, soit déplaisants ou neutres. C’est la sensation contaminée.
  3. A partir de là, nous générons alors des perturbations mentales : l’attachement envers ce que nous ressentons est plaisant de manière inhérente; l’aversion envers ce que nous ressentons est déplaisant de manière inhérente; et l’ignorance envers ce que nous ressentons est neutre de manière inhérente. Ce sont là les facteurs composants contaminés.
  4. Avec ces perturbations mentales dans notre esprit, nous nous engageons dans des actions contaminées, lesquelles placent des potentialités karmiques contaminées dans notre esprit ou notre conscience. C’est la conscience contaminée.
  5. Lorsque ces potentialités mûrissent, elles se manifestent sous des formes contaminées : formes qui existent de leur propre côté d’être plaisant, déplaisant ou neutre. Et ainsi le cycle continue.

Ce cycle est le samsara. Un « JE » imputé sur ces cinq agrégats contaminés est un être samsarique. Les agrégats que nous nous sommes appropriés dans cette vie sont comme les racines d’un arbre. Le tronc de la saisie du soi qui appréhende le « JE » et le « MIEN » pousse à partir  de ces racines. À partir de ce tronc se développent les branches des autres perturbations mentales, et de celles-ci viennent les tiges des actions et les fruits de la souffrance. De même qu’un arbre, son tronc, ses branches, ses tiges et ses fruits ont la même nature substantielle, ainsi nos agrégats, les perturbations mentales  et les actions contaminées sont tous dans la nature de la souffrance.

C’est pourquoi, si nous voulons être libérés des diverses souffrances du samsara, nous avons besoin de développer la détermination d’abandonner tous nos agrégats contaminés.

Compilé d’après divers enseignements du programme fondamental reçus au Centre Atisha de Genève

Apprendre à accepter la souffrance

La souffrance est un état d’esprit, qui survient le plus souvent lorsque notre ignorance de saisie du soi, croit qu’il y a vraiment là en ce moment quelque chose ou une situation à l’extérieur de nous et qui nous fait souffrir. Notre esprit éprouve de l’aversion, de la colère ou une simple frustration face à une situation contrariante. C’est un état d’échec inavouable face à une situation non voulue.

Pour accepter la souffrance, nous devons trouver une façon réaliste de négocier avec de telles situations. Comme déjà mentionné par ailleurs, nous avons dans chaque situation deux possibilités. Une solution simple, immédiate et disponible et le problème est ainsi résolu sans complication supplémentaire. Soit aucune solution simple et immédiate n’est disponible et nous devons rechercher la meilleure stratégie pour nous défaire de cette situation inconfortable. Dans ce dernier cas, la colère, l’aversion, la frustration sont autant de souffrances supplémentaires que nous pouvons éviter.

Pour être à même de surmonter cette souffrance le premier pas est d’accepter que les choses ou les événements se soient passés différemment que prévu. Cela fait certes grincer les dents et nous fait bouillir intérieurement, mais c’est une étape nécessaire. Dans un cas aigu et critique il sera peut-être sage de faire appel à un médecin qui soulagera les conséquences physiques d’une telle situation.

Alors finalement comment accepter ce qui nous paraît inacceptable? De manière générale toute méthode envisagée est basée sur le fait que nous avons le choix de notre état d’esprit de répondre de manière constructive à la situation vécue. Prenez du recul dans votre esprit face aux événements et observez ce qui s’y passe. La « réponse » courante aux sensations désagréables à l’esprit est la colère. Le terme clé dans ce cas précis est le mot « réponse ». En fait nous ne devons pas répondre aux sensations désagréables de l’esprit par la colère. Essayons juste d’observer ces sensations désagréables.

Par cette expérience, nous pouvons nous rendre compte que les sensations désagréables proviennent de notre esprit et non pas d’un objet externe ou une situation extérieure. Cela nous aide à comprendre la nature de l’esprit. Nous devons mettre de la distance entre nous-mêmes et les sensations. Tant que nous nous identifions à nos sensations désagréables nous nous y attachons en leur donnant plus de pouvoir sur nous. Le fait de minimiser ou pire encore d’ignorer la présence de la sensation désagréable ne résout rien non plus. Par analogie, ce serait de dire à un enfant blessé « ce n’est rien » en tentant de lui apprendre la tolérance zéro par rapport à sa douleur!

Nous exagérons souvent notre propre inconfort, mais d’une perspective universelle ce n’est pas si catastrophique, mais nous y répondons comme si tel était le cas. On  peut vouloir affronter la « tempête » mais à ses risques et périls. Mieux vaut peut-être la laisser passer en restant au large.

Utiliser la situation de souffrance pour améliorer notre compréhension de la loi du karma. La loi du karma est un cas particulier de la loi de cause à effet, qui démontre notamment que toutes nos actions sont des causes et que toutes nos expériences en sont les effets. Il n’y a rien que nous puissions éprouver sans que nous n’en n’ayons créé la cause. Ainsi, lorsque nous souffrons dans une situation précise, cela est dû à la maturation de notre karma négatif, effet produit par nos actions non-vertueuses passées. Dans ce cas nous augmentons notre détermination d’abandonner toute action non-vertueuse ainsi que notre motivation de purifier tout karma négatif similaire à cette expérience. Car cela revient à avoir une bombe à retardement dans son dos et on ne sait jamais à quel moment elle va exploser.

Observez les sensations désagréables de la souffrance elles-mêmes comme une purification karmique : en éprouvant les effets et en purifiant les graines responsables de la situation. Nous pouvons par analogie voir cela comme le remboursement d’une très ancienne dette. Nous devons chercher à utiliser toute situation pour augmenter notre souhait d’échapper à la souffrance. D’une perspective bouddhiste nous sommes tous piégés dans le samsara et aussi longtemps que nous y resterons nous seront confrontés à la souffrance. C’est en nous libérant complétement du samsara que nous trouverons le vrai bonheur.