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Débusquer l’impatience

Avant de prétendre améliorer sa patience en présence d’une simple contrariété de notre vie quotidienne, il est très profitable de débusquer l’impatience. Chacun peut prétendre ne pas être habituellement impatient, mais pourtant celle-ci est très présente dans notre esprit à tous. Car tant que la préoccupation de soi nous influence et nous prend en otage, il y a comme une petite voix qui souvent se manifeste en disant : « Moi je suis important, et je n’ai pas de temps à perdre! ». Pour illustrer cela, prenons comme exemple l’expérience vécue, dans laquelle beaucoup d’entre nous se reconnaîtront.

J’ai besoin de contacter un établissement bancaire par téléphone pour avoir une information personnelle. Mon appel aboutit dans un Call center et une voix enregistrée me répond en quatre langues que mon appel est dans une liste d’attente, que je dois « prendre patience », de rester en ligne et qu’il me sera répondu dès que possible. Puis, pour meubler l’attente une musique m’accompagne. Au bout de cinq Impatience-01minutes, la même voix répète le message : « Actuellement tous nos collaborateurs sont occupés … votre appel sera pris dès que possible ». Un autre intervalle d’attente s’écoule et de nouveau le message revient à mes oreilles pour la troisième fois.

C’est là que commence quelque chose d’intéressant. Je pense alors : « voilà plus de quinze minutes que j’attends et cela me contrarie » et mon esprit n’est plus du tout calme. Et un peu plus tard je surenchère : « Cela commence à bien faire, je n’ai pas envie d’attendre moi car j’ai d’autres tâches à terminer ». Mon impatience devient palpable, que faire ? J’hésite à raccrocher. Mais peut être dans un instant ce sera mon tour…  ou peut être pas, qu’est-ce que je Impatience-02fais alors ? L’impatience est sur le point de me prendre en otage. Les minutes passent et je suis toujours à attendre tandis que l’impatience est manifeste dans mon esprit.

À ce stade, il y a deux options à choix. Soit je donne mon assentiment à l’impatience avec toutes ses conséquences, soit je développe la patience, dussé-je attendre encore. Les conséquences de la première sont la colère et la frustration, le mécontentement qui vont envahir mon esprit sous la forme de souffrance. Tandis que le résultat de rester calme et paisible se traduira par une attitude vertueuse qui reconnaît la présence de l’impatience mais ne la suit pas. Avec de la persévérance de telles situations n’auront plus d’impact négatif sur mon esprit.

Ce scénario est applicable à un grand nombre de situations quotidiennes telles que les files d’attente au supermarché, dans les embouteillages, etc. Nous devons surmonter la colère et l’intolérance par l’acceptation patiente. La patience est un esprit vertueux capable de supporter toutes les souffrances et tous les maux. Nous pouvons la pratiquer à tout moment dans nos activités quotidiennes. Pour cela nous devons être attentifs et vigilants pour débusquer la moindre impatience en comprenant que celle-ci est sur le point de nous nuire.

Expérience personnelle documentée par mes lectures de « La Voie Joyeuse » et « Comment comprendre l’esprit » de G.K. Gyatso aux Ed. Tharpa

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Chaque instant de notre précieuse vie humaine

Tout un chacun attache une grande valeur à sa vie. Il suffit de voir ce que l’être humain est capable de faire lorsqu’il est en danger pour sa vie. On parle volontiers alors d’instinct de survie. Pourquoi? Parce ce que nous sommes fortement attachés à cette vie et à tout ce qui la concerne. Nous sommes prêts à sacrifier tous nos biens pour la conserver. Nous sommes capables de fuir un environnement hostile au prix de grands dangers pour en rencontrer d’autres peut-être plus grands encore. Une mère se sacrifiera pour sauver la vie de son enfant. Notre vie est précieuse par l’opportunité qu’elle nous donne de pouvoir jouir d’une existence matérielle confortable, à l’abri des tourments liés à notre civilisation contemporaine. Notre vie est précieuse par le fait que nous avons travaillé dur pour enfin profiter d’un peu de bonheur. Mais comme le dit Bouddha, toutes ces situations et ces choses ne sont que des rêves, des illusions temporaires projetées par notre esprit sous l’emprise de l’ignorance.

Mais alors, est-ce qu’il y a quelque chose de plus précieux que la vie décrite ci-dessus? Évidemment oui. C’est notre vie spirituelle qui est née de cette précieuse vie humaine. Notre vie humaine est si précieuse parce qu’elle nous donne la possibilité d’entrer dans la voie spirituelle et d’y progresser, et pour finalement compléter tout notre entraînement spirituel. Par cet entraînement nous donnons naissance à notre vrai Soi par opposition à notre soi ordinaire et une nouvelle vie commence, notre vie spirituelle. C’est pourquoi, comme une mère protège son enfant nouveau-né d’un environnement hostile, nous devons faire de même avec notre vie spirituelle. Si nous ne le faisons pas, celle-ci dépérira inévitablement. C’est seulement lorsque nous pensons à quel point dans le passé nous avons permis à notre vie spirituelle de dégénérer que nous réalisons d’avoir gaspiller cette précieuse vie humaine.

Precieuse_vie-01Qu’est ce qui peut mettre en danger notre vie spirituelle? Le samsara qui est cet environnement hostile comprenant d’innombrables ennemis qui veulent nous détruire. Quels sont ces ennemis qui voudraient tuer notre vie spirituelle? Ce sont nos perturbations mentales. Celles-ci semblent comprendre que notre vie spirituelle constitue un opposant particulièrement préjudiciable pour leur existence. Autrement dit, nos perturbations mentales sont menacées par l’existence de notre vie spirituelle et tenteront de tout faire pour l’affaiblir et finalement la détruire. En comprenant que notre précieuse vie humaine est le fondement même sur lequel se construit notre vie spirituelle, nous générerons sûrement le désir d’en prendre soin, de la nourrir et de la protéger comme le ferait une mère pour son plus cher enfant.

C’est pourquoi nous devons envisager chaque instant de notre précieuse vie humaine comme une précieuse opportunité de pratiquer la voie spirituelle dans notre vie. Comment? En considérant notre vie comme un intervalle dans lequel nous accueillons le guide spirituel dans notre cœur et dans notre esprit, lui permettant de nous aider à progresser vers l’illumination, vers la bouddéité. Même si la présence de notre guide spirituel n’est pas encore clairement établie dans notre esprit, nul n’est besoin de se forcer à le comprendre, il suffit juste de se détendre et d’ouvrir son cœur. La meilleure consigne qui soit dans ce cas est de juste débrancher notre soi ordinaire pour accueillir ce que nous devons comprendre avec notre vrai Soi. Nous avons juste besoin d’ouvrir notre cœur afin de recevoir les bénédictions de notre guide spirituel dans notre esprit.

Precieuse_vie-02Lorsque nous avons cette opportunité et nous ne savons pas si elle durera encore longtemps, nous allons l’utiliser au maximum. Avec notre précieuse vie humaine, nous devons être comme celui qui a un temps très limité pour accomplir une tâche importante, voire vitale et où chaque seconde compte. De la même manière, nous devons tirer profit de chaque opportunité pour nourrir notre vie spirituelle et d’accumuler du mérite grâce à la vraie valeur de cette précieuse vie humaine. Que veut dire l’expression « gaspiller notre précieuse vie humaine »? C’est d’une part de s’engager dans des actions qui n’ont aucun sens, chaque moment passé dans de telles actions ne nous est d’aucune utilité pour notre vie spirituelle et d’autre part en fuyant nos perturbations mentales au lieu de les combattre. Nous avons beaucoup de familiarité avec cette stratégie de fuite face à nos perturbations mentales. Pour certains c’est la pratique principale. C’est une sorte de capitulation face à elles prétextant qu’elles sont plus fortes que nous. Le moment est venu de nous lever et de nous battre!

En fait il n’y a pas d’activité insensée de manière intrinsèque, c’est notre perception de cette même activité qui lui donne ou pas un sens. Il n’existe pas un travail dénué de sens, mais une manière de le faire qui ne lui donne aucun sens. Tout dépend de notre état d’esprit au moment de nous engager dans une activité. Si nous nous engageons continuellement dans nos activités avec un esprit samsarique, nous gaspillons toute notre vie. Nous devons prendre chaque moment et nous engager dans notre vie avec l’esprit du dharma. Nous devons envisager notre vie comme un champ de Precieuse_vie-03bataille contre nos perturbations mentales. Si nous avons la capacité de combattre un ennemi, il peut être sage de ne pas le provoquer, mais ce dernier sera toujours là. Par contre, si nous avons la chance de posséder grâce au guide spirituel les armes pour le combattre et c’est le cas avec notre précieuse vie humaine, nous devons nous engager dans le combat.

Inspiré d’un enseignement et du commentaire de « La Voie Joyeuse » de Kelsang Gyatso, donné par Kadam Ryan au Centre Atisha de Genève en 2004

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Réflexion sur qui nous sommes vraiment

D’une certaine manière actuellement nous sommes trompés par notre esprit. Nous pensons que nous sommes réveillés et libres alors qu’en réalité nous sommes endormis et emprisonnés. Tout ce que nous percevons est en fait notre prison créée par notre esprit incontrôlé. Celle-ci est créée par notre préoccupation de soi et notre ignorance de saisie d’un soi. Notre perception ordinaire met en scène ce monde qui nous paraît réel devant et autour de nous dans lequel nous serions libres d’aller où bon nous semble, libres de faire ce que nous voudrions. Mais en réalité, si nous savions qui nous sommes, nous nous rendrions compte que nous vivons dans une camisole de force, totalement emprisonnés dans une cellule. Cette vision du monde, le décor de notre quotidien est en fait à l’opposé de la réalité.

Nous sommes en train de rêver dans une manière incontrôlée. Ce qui se passe dans le monde, ce qui survient dans notre vie est complètement hors de notre contrôle. Nous pensons à chaque instant que nous sommes ici et que le monde est là existant de son propre côté et n’a rien à voir avec nous. Tout cela est faux! Notre vie, notre existence est juste un rêve, un mirage perçu par notre esprit. Nous sommes en train de rêver et nous ne le réalisons pas du tout. Ce rêve peut changer d’un moment à l’autre et devenir un horrible cauchemar. Notre esprit peut projeter des expériences inimaginables qui s’apparentent à des expériences de schizophrénie que nous croyons exister vraiment. Sans nous en rendre compte nous pouvons être dans un tel cauchemar qui ne prend jamais fin. To_be-01Ceci peut arriver facilement à chacun d’entre nous.

En réalité, tout ceci n’a aucune obligation d’exister, car nous pouvons être complètement libres dans le dharmakaya, le corps vérité d’un bouddha, notre vraie nature ultime, notre essence appelée parfois notre graine de bouddha. Il y a un monde ordinaire dans lequel nous sommes et un monde transcendantal, vaste et omniprésent et qui est au-delà de cette existence. Au fond de nous la présence de ce dernier nous échappe la plupart du temps car occulté par notre ignorance. Les enseignements de Bouddha nous invitent à nous réveiller de ce cauchemar en nous faisant prendre conscience du monde hallucinant qui nourrit notre esprit ordinaire. Alors nous devons nous poser avec sincérité  la question : « Qu’est-ce que je vais faire pour me libérer de ce cauchemar? »

Qu’allons-nous faire de cette opportunité qui nous est proposée dans cette vie? Nous sommes à une bifurcation importante sur notre chemin de vie. Nous pouvons bien sûr choisir de poursuivre cette vie ordinaire comme nous pouvons choisir d’en faire quelque chose de différent. Notre avenir  et tout ce que nous aimons va dépendre de cette décision. Une manière de penser est de considérer que nous avons deux « soi », le « soi ordinaire » ou « soi externe » que l’on désigne habituellement par « soi » avec un s minuscule et un « Soi interne » ou notre « vrai Soi » avec un S majuscule.

Notre soi externe est constitué de notre corps ordinaire et notre esprit ordinaire avec lesquels nous accomplissons toutes les actions communes telles que faire notre travail, venir en aide à notre famille et à nos amis et ainsi de suite. Or, nous connaissons l’avenir de ce corps contaminé et de cet esprit ordinaire. Nous comprenons que ce corps inévitablement vieillira, tombera malade et finira par mourir. Nous savons que notre esprit ordinaire, sous la domination de perturbations mentales telles que l’attachement, la colère et l’ignorance, nous maintient dans les problèmes et la souffrance. La plupart du temps nous ne sommes pas heureux. Essayez seulement de vous souvenir de la dernière fois que vous avez été entièrement satisfait et heureux durant 30 minutes sans avoir eu déjà envie de changer pour quoi que ce soit d’autre dans l’espoir d’obtenir plus de bonheur et de satisfaction. Si nous sommes assis, nous voulons nous lever ou si nous sommes debout, fatigués nous cherchons à nous assoir. Nous n’arrivons jamais à combler tous nos désirs. À peine l’un est satisfait que déjà un autre nous vient à l’esprit.

La manière de différentier un objet d’un autre dans le bouddhisme consiste à distinguer les caractéristiques non communes de chacun. Tout objet possède des caractéristiques qui lui sont propres et que les autres objets n’ont pas. Dans ce sens la caractéristique non commune de notre vie humaine est d’avoir l’habilité d’accomplir un but spirituel. Or la plupart des êtres humains ne profitent pas de cette habilité. Bien que possédant un corps humain ils utilisent leur esprit au mieux comme un animal. Est-ce que vraiment c’est là le but de notre vie, celui d’accomplir des buts mondains? À cause de cet esprit ordinaire nous arriverons au moment de notre mort avec les mains vides, c’est-à-dire sans avoir pratiqué la voie spirituelle et restons englués dans le samsara, le cycle des renaissances incontrôlées.

To_be-02Sincèrement, nous pouvons accomplir bien plus avec notre « Soi interne », notre vrai Soi, notre nature de bouddha. La plupart d’entre nous ignorons que nous avons ce « Soi interne » en pensant que nous sommes simplement cet esprit et ce corps ordinaire. Notre « Soi interne » peut accomplir absolument tout, c’est un être omniscient qui fait l’expérience de la félicité en permanence. Actuellement, ce « Soi interne » est juste un potentiel qui peut devenir un être immortel et omniscient. Cette vie humaine n’est qu’une sorte de rêve duquel nous pouvons nous réveiller.

D’après une transcription et différentes notes d’un enseignement du Programme fondamental « Huit Etapes vers le Bonheur » reçu au Centre Atisha de Genève.

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Ce qu’il nous faut atteindre

Nous pouvons considérer l’enseignement des quatre nobles vérités comme notre feuille de route pour atteindre la libération et l’illumination. Cette feuille de route est un itinéraire intérieur à notre esprit. Elle se résume en une description de notre situation actuelle, de l’origine de toutes nos difficultés et l’explication de comment nous pouvons atteindre pratiquement cet objectif. Dans notre situation actuelle nous devons identifier les vraies sources de nos problèmes, sachant que celles-ci se localisent à l’intérieur de notre esprit et non à l’extérieur. Tous nos problèmes proviennent de nos perturbations mentales dont la racine est notre ignorance de saisie d’un soi. Nous devons suivre cette piste en faisant appel à notre sagesse pour réaliser l’enchaînement de cause à effet qui se produit continuellement.

La quatrième noble vérité « Les vraies voies » nous incite à atteindre la cessation définitive de la souffrance et de sa racine en pratiquant les vraies voies intérieures. Bouddha nous encourage, sachant que nous avons potentiellement la capacité de le faire et que nous sommes à même nous libérer du samsara et atteindre l’illumination. Alors que dans notre vie quotidienne actuellement nous nous contentons d’une paix temporaire, nous pouvons prétendre à une paix éternelle, le nirvana. Piégés dans le cycle de renaissances incontrôlées, nous pouvons si nous le décidons mettre fin à ce cauchemar. Par notre décision, nous développons une puissante détermination de ne plus jamais fonctionner ainsi et ne plus avoir à souffrir de la maladie, du vieillissement et de la mort.

Atteindre-01Si nous voulons nous libérer définitivement de la souffrance, nous devons éradiquer les vraies origines de la souffrance. Alors seulement nous pourrons atteindre l’illumination et venir en aide à tous les êtres vivants. Tant que nous sommes sous le contrôle de l’ignorance et de sa constellation de perturbations, nous continuerons à souffrir. C’est pourquoi nous devons renoncer aux attraits perfides du samsara. Le renoncement ne consiste pas à abandonner nos biens, nos amis,  nos activités et ainsi de suite, mais de renoncer à nos perturbations mentales issues de notre ignorance. Progressivement nous pouvons envisager utiliser différemment notre vie et toutes nos vies futures pour réaliser ce renoncement.

Le sens spirituel d’une activité dépend principalement de ce que nous en faisons intérieurement avec notre esprit. Selon la manière dont nous percevons un objet, celui-ci est soit un catalyseur pour une perturbation mentale donnée soit une incitation à faire quelque chose de vertueux. Les objets ne ne sont pas perturbants ou vertueux de manière intrinsèque, de leur propre côté. Mais c’est la relation que nous établissons avec ceux-ci qui le déterminent. Si nous considérons tous les objets et toutes les activités samsariques comme une finalité, comme une solution à tous nos problèmes, nous serons tôt ou tard déçus car nos attentes ne seront pas satisfaites. La nature du samsara est de nous tromper et de nous faire souffrir.

Atteindre-02Tant que nous serons assujettis à l’ignorance et à nos perturbations mentales, même si nous bénéficions d’excellentes conditions matérielles dans cette vie et que tout va bien, ces conditions ne sont que temporaires avant que nous fassions de nouvelles expériences de souffrance. Cela revient à couper les mauvaises herbes au moyen d’un sécateur au lieu d’extraire les racines de celles-ci. Ce ne sera qu’une question de temps avant que les mauvaises herbes repoussent. Si recherchons une solution extérieure sans rechercher au préalable une solution intérieure, ce que nous obtiendrons ne sont que des solutions temporaires.

Compilé d’après les enseignements « Programme Fondamental : La Voie joyeuse » en 2005 et « Programme d’Etude : Un Bouddhisme moderne » en 2013 reçus au Centre Atisha de Genève

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Abandonner les origines de notre souffrance

Dans le soutra des quatre nobles vérités, après nous avoir expliqué la nature de nos souffrances, Bouddha nous dit : « Il vous faut abandonner les origines ». Les souffrances et les difficultés que nous rencontrons dans notre vie ne sont pas dues au hasard. Elles ont forcément une origine, une cause, selon la loi du karma. Et si nous n’abandonnons pas la cause de celles-ci nous connaîtrons d’insupportables souffrances et d’inextricables problèmes dans nos vies futures. Les origines dont parle Bouddha fait référence à nos perturbations mentales et en particulier à notre ignorance de saisie d’un soi. C’est elle qui est la source de toutes nos souffrances et de tous nos problèmes. Dans son livre « La Voie Joyeuse », Ghéshé Kelsang Gyatso définit la perturbation mentale de la manière suivante, je cite : « une perturbation mentale est par définition un facteur mental qui provient de la focalisation inappropriée et dont la fonction est de rendre l’esprit agité et incontrôlé ».

Cette focalisation inappropriée est le mode de fonctionnement de notre esprit sous l’étroite dépendance de notre ignorance de saisie d’un soi. À tort, nous pensons que ce sont les conditions extérieures qui sont à l’origine de toutes nos souffrances. Nous pensons qu’il y a véritablement quelqu’un ou quelque chose qui se trouve à l’extérieur de notre esprit et qui nous fait souffrir. Nous sommes persuadés que le responsable de notre souffrance et de nos problèmes se trouve à l’extérieur de nous. Ainsi, nous souffrons d’injustices et de frustrations parce que la situation conjoncturelle nous est défavorable, nous sommes malheureux de ne pas posséder comme beaucoup d’autres la richesse et le pouvoir, nous sommes incapables de satisfaire nos désirs, etc. En fait, par ignorance nous pensons que c’est toujours la faute à quelque chose ou à quelqu’un. Nous cherchons désespérément un coupable, un responsable. Après quoi nous tentons désespérément de changer ces conditions extérieures, mais sans succès.

Abandon-01Or, la source de notre bonheur et les vraies causes de notre souffrance se trouvent à l’intérieur de notre esprit. Et notamment les vraies origines de tous nos problèmes et souffrances sont nos perturbations mentales et en particulier notre ignorance de saisie d’un soi. Celle-ci est la racine de toutes nos perturbations mentales. Toutes les autres, telles que la colère, la jalousie, l’attachement, la convoitise et ainsi de suite en découlent. Toutes proviennent de l’ignorance de saisie d’un soi comme les fleurs et les fruits se forment à partir de la racine d’un arbre. C’est pourquoi nous devons clairement identifier notre ennemi. Celui-ci n’a nullement l’aspect d’une personne ou d’un objet extérieur. Notre véritable ennemi personnel, un véritable démon intérieur, est l’ensemble de nos perturbations mentales qui prennent le contrôle de notre esprit pour ensuite causer des dégâts à l’extérieur.

Par définition, les perturbations mentales sont des perceptions erronées dont la fonction est de détruire notre paix mentale, la source du bonheur. Elles n’ont pas d’autre fonction que de nous faire du mal. Lorsque nous sommes sous l’emprise des perturbations mentales, ce que nous percevons n’est pas en adéquation avec la réalité.  Nous sommes à ce moment-là en décalage ou même en opposition avec la réalité. Si notre esprit n’est pas en paix, même si les conditions extérieures sont parfaites nous ne pouvons pas être heureux. Tant que notre esprit n’est pas paisible, nous ne sommes pas heureux quelles que soient les conditions extérieures. Rappelons que le bonheur est avant tout un état d’esprit. La source de notre bonheur se trouve à l’intérieur de notre esprit. La cause principale de notre souffrance comme de notre bonheur ne peut se trouver en dehors de notre esprit.

Abandon-02L’ignorance de saisie d’un soi est un poison bien plus violent que tout poison extérieur. Si celui-ci nuit à notre corps, l’ignorance nuit à notre esprit et le contamine en permanence vie après vie. En d’autres termes, elle est un poison dangereux et tenace qui contamine toutes nos pensées, toutes nos actions que nous effectuons dans toutes nos expériences. La loi du karma explique clairement la relation dépendante qui existe entre nos actions mentales, verbales et physiques et toutes nos expériences actuelles et futures. Lorsqu’il y a une pollution d’un cours d’eau par exemple, il est parfois difficile d’identifier la source de celle-ci et nécessite de longues investigations. De même, il est également difficile d’identifier la source de notre pollution intérieure, l’ignorance de saisie d’un soi. Tant que nous n’avons pas identifié cette ignorance qui est la vraie source de notre souffrance, celle-ci continuera à se manifester et nous empoisonner dans cette vie et dans toutes nos vies à venir.

Parce que tant que nous ne faisons rien de plus que gémir de nos souffrances et de nous plaindre des problèmes qui nous submergent, cette situation persistera. Si nous voulons nous libérer définitivement de nos souffrances, nous devons éradiquer la racine du mal qui nous cause tant de souffrance, l’ignorance de saisie d’un soi. Dans son livre « Un Bouddhisme Moderne », Ghéshé Kelsang Gyasto mentionne une déclaration du grand yogi Saraha qui dit : « Si votre esprit est définitivement libéré de la saisie d’un soi, il est certain que vous serez définitivement libérés de la souffrance.

Compilé et rédigé à partir d’un enseignement du Programme d’Étude basé sur le livre « Un Bouddhisme Moderne », reçu au Centre Atisha en 2013 ainsi que de mes lectures personnelles.

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Mon problème est mon esprit

Le problème de notre esprit n’est pas tant la manière dont le monde extérieur est organisé mais bien la manière dont notre esprit est en relation avec celui-ci.  Lorsque quelqu’un nous demande comment ça va, nous répondons que ça ne va pas à cause d’une longue liste de situations, de problèmes et de choses matérielles externes qui nous préoccupent. Mais si nous sommes honnêtes, nous devrions plutôt dire que c’est parce que nous avons des perturbations mentales sur notre esprit. Or, à cause de notre ignorance de saisie d’un soi, nous sommes persuadés qu’il y a un élément perturbateur extérieur qui est la cause de notre problème ou de notre souffrance. Et notre esprit pris en otage par ses perturbations demeure dans la confusion et la Esprit-Probleme-01souffrance. Du reste cette confusion peut être illustrée par nos abus de langage lorsque par exemple nous disons : « Je suis en colère » alors qu’en fait nous avons la colère sur notre esprit.

En suivant les enseignements de Bouddha nous sommes enclins à utiliser le dharma pour améliorer notre situation externe dans notre vie. Pourtant, nous ne devons pas l’utiliser à cette fin mais bien pour changer quelque chose d’interne, responsable de notre état de contrariété, de colère ou de souffrance. Dans le dharma, se trouve une solution pour chaque type de problèmes, accessible à chacun selon son niveau spirituel. En d’autres termes, l’enseignement de Bouddha est une réponse personnalisée pour chaque être à l’endroit où il se trouve en ce moment. Nous devons juste pleinement accepter où nous sommes sans jugement et pratiquer à partir de ce point. Parfois, nous sommes tentés de pratiquer d’une manière qui est supérieure à notre niveau, cela ne fonctionnera pas. A l’opposé de cette attitude, pensant que les vertus que nous accomplissons nous paraissent insuffisantes voire insignifiantes, parce que nous faisons beaucoup de pratique, nous affirmons que nous n’avons presque rien fait.

Parfois aussi, nous avons une tendance à amplifier l’importance de nos problèmes, comme si cela nous confortait dans la piètre opinion que nous avons de nous. Par cette attitude, nous serons très vite anéantis par les problèmes, quelle qu’en soit leur importance. Alors qu’un esprit positif, qui réalise qu’il s’agit d’expériences bénéfiques nous permet de progresser, au lieu de nous appesantir sur notre sort et nous engluer encore plus dans le samsara. Bouddha dit se prosterner devant la nouvelle lune, parce qu’elle est la cause de toutes les lunes qui lui succéderont. Parce que si nous ne nous réjouissons pas dans nos petites vertus, il sera impossible de réaliser de plus grandes vertus. Alors, la prochaine fois que quelqu’un nous demande « comment ça va? » nous répondrons par l’affirmative tout en précisant que les expériences que nous traversons en ce moment, bien que difficiles, sont bénéfiques pour notre esprit.

Si nous apprécions les plus petites de nos vertus comme quelque chose de spécial et que nous faisons une dédicace, alors nos réalisations seront protégées et seront susceptibles de grandir encore. Si nous acceptons nos petites faiblesse, elles peuvent devenir notre force. Dans le cas contraire, ce sera un pur gaspillage. Parce que si nous ne nous réjouissons pas dans nos propres vertus, nous ne nous réjouirons pas non plus dans les petites vertus des autres. Et de cette façon nous ne pouvons pas les chérir, générer de la compassion et accroître notre bodhitchitta. Plus globalement, la manière dont nous nous traitons détermine la manière dont nous traitons les autres. Ghéshé Kelsang Gyatso prenait l’analogie du pot que l’on remplit goutte à goutte et disait : « Ce n’est pas la dernière goutte qui remplit le pot mais bien toutes les gouttes ». Nous pouvons ainsi apprécier chaque goutte. Lorsque nous sommes atteints par le découragement, Esprit-Probleme-02il est parfois utile de contempler la distance parcourue en comparaison de la distance qui nous reste de notre chemin spirituel ver l’illumination.

Quelles sont donc les raisons de ce découragement? En premier lieu notre attachement aux résultats. Nous nous jugeons à l’aune des résultats de nos expériences. Lorsque nous n’obtenons pas les résultats recherchés et qui devraient correspondre à nos attentes, nous sommes découragés. Cela peut se manifester même si nous expérimentons de bonnes choses et que ça va bien. Comme par exemple : « Oh, j’ai déjà pratiqué durant un mois et j’ai toujours des problèmes dans ma vie ». La solution à tout problème d’attachement aux résultats est très simple. Nous mettons principalement l’accent sur la création de bonnes causes. Un être samsarique, lorsque les choses vont bien dans sa vie il se réjouit et quand les choses vont mal il déprime. Pour un être spirituel, que les choses aillent bien ou mal, ce sont juste des opportunités de créer des causes qui le libéreront du samsara.

 Inspiré de divers enseignements du PF reçu au Centre Atisha de Genève donné par Kadam Ryan.

La cause de nos problèmes et leur solution

Probleme-01Lorsque dans notre vie quotidienne nous sommes confrontés à un problème, naturellement nous recherchons une solution afin d’en être libéré. Si nous n’arrivons pas nous-même à construire une solution valide à ce problème, nous avons recours à une aide externe. Comme par exemple, lorsque nous avons un problème de santé, naturellement nous recherchons les compétences d’un médecin qui, une fois l’anamnèse établie, nous prescrira les remèdes et le traitement à suivre. Si la chasse d’eau de notre salle de bain ne fonctionne plus, nous faisons appel à un dépanneur sanitaire. Dans tous les cas, nous établissons une relation de cause à effet qui nous semble fonctionner indépendamment de notre volonté. Comme par exemple, si notre train à un retard significatif et que nous allons manquer un rendez-vous important, nous dirons : « C’est parce que le train avait du retard que j’ai perdu une occasion unique de rencontrer un important personnage ». Il est très facile de trouver dans notre vie d’autres exemples similaires et nous sommes persuadés que les circonstances extérieures sont à l’origine de la plupart de nos problèmes.

Probleme-03Nous sommes tentés de penser que la malchance, le destin ou encore un mauvais coup du sort sont à l’origine de nos problèmes. C’est du moins ce que les gens pensent sans connaître les mécanismes du karma. De plus, sous l’influence de notre ignorance de saisie d’un soi, nous persistons à croire que les objets et les phénomènes existent réellement de la manière qu’ils nous apparaissent. Nous pensons que les objets et les phénomènes existent de manière intrinsèque, existent de leur propre côté. Bouddha nous dit que tout ce qui apparaît à notre esprit est semblable à une illusion, semblable à un rêve et que rien n’existe en dehors de l’esprit. La cause de nos problèmes se trouve dans notre propre esprit. Cette conclusion contredit notre esprit grossier rationnel qui recherche une relation directe entre une action et son effet, sans tenir compte du fonctionnement subtil du karma. Si la cause de nos problèmes se trouve dans notre esprit, les problèmes également se trouvent dans notre esprit. En fait les problèmes que nous rencontrons sont produits par nos perturbations mentales qui en sont la cause.

Pour revenir à l’exemple de la maladie cité plus haut, il se peut bien que le médecin nous guérisse de celle-ci, ce qui ne nous dispensera pas de tomber malade une autre fois. De même, la chasse d’eau, même une fois réparée pourra ne plus fonctionner quelques mois plus tard. Dans ces deux cas nous avons de la peine à imaginer que nous sommes le « metteur en scène » de ces expériences, pourquoi? Parce que nous faisons abstraction de l’aspect karmique de celles-ci. En fait, nous voyons assez mal notre rôle direct  dans le dysfonctionnement de la chasse d’eau, comme nous ne réalisons pas que nous sommes pour quelque chose dans notre maladie. Ce sont là des aspects subtils cachés que les obstructions présentes dans notre esprit empêchent de comprendre. Les causes de nos problèmes sont des actions dans le passé proche ou lointain et nos problèmes en sont leurs effets. Les plus redoutables effets qui donnent lieu à nos problèmes sont des actions négatives et non vertueuses générées dans le passé. Et à l’origine de ces actions il y a de nombreuses perturbations mentales.

Probleme-02Donc, si nous voulons être libérer de nos problèmes qui comme nous le comprenons proviennent de notre esprit, nous devons rechercher une solution intérieure à notre esprit. Tout comme nous avons recherché de l’aide auprès d’un médecin ou d’un dépanneur sanitaire, nous devons rechercher une aide à l’intérieur de notre esprit. Pour ce faire, nous pouvons principalement appliquer deux choses.

  1.  Chercher refuge dans les trois joyaux, Bouddha, le dharma et la sangha. Dans le « Nouveau Manuel de Méditation » (*), il est dit que le dharma est comme un remède, que Bouddha est le médecin qui nous donne ce remède et la sangha les infirmières qui nous assistent. Le plus souvent et chaque fois que nécessaire nous générons une forte conviction que les trois joyaux sont de véritables objets de refuge qui nous viennent en aide en toute circonstance.
  2. Faire des requêtes à Bouddha, notre guide spirituel suprême, en lui demandant dans une expérience spécifique une requête comme par exemple : « S’il te plaît aide-moi à pacifier mon esprit de cette perturbation mentale à l’origine de cette mauvaise expérience. Puisse cette expérience être une cause de la purification de mon karma négatif à l’origine de celle-ci« .

En conclusion, nous avons par le passé recherché de l’aide pour une solution à nos problèmes à l’extérieur de notre esprit, l’intention était certes louable. Seulement nous cherchions au mauvais endroit, dans le samsara. Si nous nous tournons vers l’intérieur, au fond de notre esprit en prenant refuge en les trois joyaux et en faisant des requêtes à notre guide spirituel suprême, nous ne tarderons pas à voir nos problèmes recevoir une solution.

 (*)  le « Nouveau Manuel de Méditation » de Ghéshé Kelsang Gyatso aux Editions Tharpa

Combien de temps dure notre bonheur ?

Inspiré par l’enseignement reçu samedi dernier au Centre Dromtönpa de Fribourg, je partage avec mon lectorat quelques points importants entendus et résumés ci-après.

Temps_Bonheur-01Si nous nous posons la question de savoir combien de temps dure notre bonheur, notre réponse sera le plus souvent très subjective car sa durée dépendra de chacun. Pour illustrer la durée de notre bonheur, prenons des exemples connus de tous et que nous avons tous vécu une ou plusieurs fois. Par exemple, le temps des vacances, combien de temps dure le bonheur résultant d’être en vacances? Pour certains ce sera toute la durée de celles-ci et pour d’autres seulement quelques jours. Et une fois les vacances terminées, combien de temps ce bonheur se prolonge-t-il? Ce bonheur s’estompe très rapidement car confrontés à nouveau à la réalité de notre quotidien qui, forcément n’a pas changé depuis que nous sommes partis. Alors il ne reste qu’un vague souvenir mais le bonheur lui aura cessé. Ainsi, nous réalisons que ce type de bonheur reste limité dans sa durée. Nous pouvons facilement trouver d’autres exemples de situations vécues, telle qu’une rencontre avec de très bons amis, une fête de famille, parfois le travail. Pour toutes ces situations, malgré l’intensité des moments d’échange, la convivialité, le plaisir et la satisfaction qui nous procurent un sentiment de bonheur, celui-ci est temporaire et que de nombreuses circonstances sont susceptibles de le détruire.

Dans aucune de ces situations nous pouvons prétendre maintenir durablement cet état de bonheur au-delà du temps de l’expérience en question. Autrement dit, nous pouvons faire momentanément une expérience de bonheur mais celui-ci inéluctablement finit par nous échapper, comme du sable qui nous glisse entre les doigts. Il suffit parfois d’un rien pour que subitement notre sentiment de bonheur Temps_Bonheur-02soit brusquement anéanti par un événement imprévisible et désagréable. Bouddha nous enseigne qu’il existe une sorte de bonheur permanent, mais il ne se trouve pas dans nos expériences samsariques. Ce bonheur permanent résulte d’une clarté, d’une paix intérieure que seule la mise en pratique de ses enseignements explique. Nous sommes actuellement incapables de maintenir notre esprit dans cette paix intérieure malgré toute notre énergie. Le bonheur obtenu ne dure pas. Pourtant tous les êtres souhaitent posséder ce bonheur dont Bouddha nous parle. Pour cela, nous sommes prêts à tout changer dans notre existence, les objets, les personnes, notre environnement et nous sommes constamment en train de nous plaindre en pensant : « Si seulement je pouvais avoir cette situation, cet objet indispensable à mes yeux, je serais certainement heureux » ou bien encore « Ah si seulement telle ou telle personne pouvait changer sa façon d’être avec moi, je serais sûrement heureux ».

L’énergie que nous investissons à vouloir arranger les conditions extérieures dans notre vie se soldent tôt ou tard par une grande déception et nous devons nous rendre compte de ce mécanisme. Si le fait d’obtenir l’objet de nos rêves, la situation de nos rêves, le partenaire idéal suffisait à nous rendre heureux nous serions tous heureux. Nous avons tous cette certitude à quelque part dans notre esprit et nous nous obstinons dans la mauvaise direction. Pourtant nous réalisons que le bonheur que nous procurent toutes ces situations ne dure pas. Ceci est comme boire de l’eau salée en pensant que nous allons pouvoir étancher notre soif. C’est exactement la même chose lorsque nous cherchons ce genre de bonheur ordinaire et temporaire nous ne serons jamais rassasiés et satisfaits. Encore une fois, cela ne veut pas dire que nous devons renoncer à l’objet, la situation, le partenaire idéal, mais nous devons les considérer différemment. Alors finalement, pourquoi ne trouvons-nous pas ce bonheur qui dure? Ce bonheur qui se dérobe devant nous et qui systématiquement disparaît. Quelle est donc la cause pour laquelle nous ne ressentons pas ce bonheur permanent?

Temps_Bonheur-03Il y a deux principales causes à cela. La première cause est que notre esprit est sous le contrôle de nos perturbations mentales. C’est-à-dire que notre esprit est sous le contrôle de notre ignorance de la saisie du soi. Cette ignorance qui considère ce JE, ce MOI comme la chose la plus importante au monde et qui nous crée des problèmes tant qu’il n’est pas satisfait. La deuxième est que l’esprit alors réagit avec mécontentement, frustration, attachement et différentes autres perturbations mentales. Prenons un exemple pour illustrer ce mode de fonctionnement. Imaginons que nous déambulons dans une rue commerçante avec l’intention d’acquérir quelque chose d’original que personne ne possède encore à notre connaissance. À travers cette acquisition nous obtiendrons l’admiration de tous nos proches. Soudain à l’angle de la rue nous croisons « notre pire ennemi » qui possède exactement l’objet convoité et désiré. Cet événement génère instantanément en nous un sentiment de jalousie et de frustration qui va de fait anéantir notre projet et le bonheur que nous avions à l’idée de faire cet achat disparaît. Ce moment de bonheur a été chassé par cet événement soudain.

Cet exemple démontre que nous tombons systématiquement dans le piège de notre ignorance et que le bonheur nous échappe. Nous avons une telle familiarité avec ce mode de fonctionnement  que notre ignorance et notre préoccupation de soi nous mènent par le bout du nez tant que nous ne faisons pas quelque chose pour les supprimer. Pour cela, nous devons observer et contrôler le comportement de notre esprit en présence de telles situations et nous rendre compte des agissements perfides de nos perturbations mentales. Au lieu de tenter de changer ou de supprimer les conditions extérieures qui entravent le développement de notre bonheur nous devons nous mettre à l’ouvrage pour débusquer nos dysfonctionnements tout en reconnaissant ce qui se passe en nous. Les perturbations mentales sont trompeuses et nous devons cesser de nous fier à elles. Nous devons nous souvenir que ce ne sont pas les objets extérieurs qui nous procureront un vrai bonheur. Aussi longtemps que nous saisissons vivement et fortement ces différentes choses externes pour pouvoir être heureux, nous serons finalement toujours déçus.

Que peut nous apprendre une faute.

Souvent dans nos relations avec les autres, nous passons une grande partie de notre temps à identifier et contempler leurs fautes. D’après les écrits bouddhistes les êtres samsariques tels que les humains vivent actuellement dans le règne du désir, (Nous vivons dans le règne du désir). Cet état nous conduit à développer un « esprit de compétition » les uns avec les autres. Nous sommes inconsciemment sans cesse à contrôler les états et les agissements des autres afin de savoir s’ils sont mieux ou moins bien que nous. Nous pouvons vérifier facilement cela en considérant les personnes qui nous sont proches dans notre vie. Nous constatons alors que la plupart de nos pensées les concernant focalisent notre attention sur leurs erreurs et leurs perturbations mentales. Comme si le fait de reconnaître les fautes chez les autres nous permettait de confirmer que nous ne les avons pas. Dans certaines situations nous le faisons jusqu’au point de ne voir que leurs fautes. À cause de notre attention inappropriée sur celles-ci, nous générons beaucoup de perturbations mentales et d’agitation dans nos relations avec les autres. En résultat cela détruit l’harmonie dans nos relations ainsi que notre propre bonheur. Notre attention inappropriée sur les fautes des autres détruit la paix intérieure dans notre propre esprit et casse l’harmonie avec nos proches.

Appr-Faute-01Dans les conseils qui viennent du cœur d’Atisha, il est dit : « Ne cherchez pas à voir les défauts des autres, mais recherchez les vôtres et purgez-vous comme si c’était du sang mauvais. Ne contemplez pas vos propres qualités, mais contemplez celles des autres et respectez chacun comme le ferait un serviteur ».  Alors, nous avons le choix suivant : soit nous conservons notre propre point de vue ordinaire et continuons à voir les fautes des autres, soit nous adoptons le point de vue d’un Bouddha qui voit le potentiel pur dissimulé derrière celles-ci. Ce choix nous appartient. Mais si nous voulons jouir d’une paix et d’un bonheur réel, il serait sage d’adopter le second choix. En contemplant les désavantages de notre vue ordinaire et le conseil ci-dessus, nous allons générer en notre esprit l’intention de choisir personnellement d’abandonner nos propres défauts et de nous réjouir dans les qualités des autres.

Appr-Faute-02Comme nous avons une propension à débusquer les fautes chez les autres, nous pouvons facilement comprendre que les autres font de même avec nous. Tout comme nous cherchons à voir les fautes chez les autres, ceux-ci cherchent à voir nos propres fautes. De ce fait, nous sentant à découvert, nous allons chercher à nier nos propres fautes tout en exaltant celles des autres, en pensant : « Moi je ne suis pas comme telle ou telle personne, je n’ai pas ceci ou cela ». Par la même occasion, puisque nous portons essentiellement notre attention sur les fautes, que ce soit celles des autres ou nos propres fautes, nous oublions complètement que les autres et nous- mêmes avons également des qualités. Mais attention, il est très facile d’aller d’un extrême à l’autre en pensant que les autres n’ont que des défauts ou que nous n’avons que des qualités. Et si nous avons la patience d’approfondir notre compréhension des enseignements de Bouddha, le dharma, celle-ci nous amènera naturellement à mettre en place une stratégie vertueuse en toute circonstance. Cette stratégie se résume à faire la distinction entre les apparences ordinaires d’une faute et les conceptions ordinaires de cette même faute. Lorsqu’une faute nous apparaît, que ce soit celle des autres ou notre propre faute, notre esprit impur la perçoit comme une apparence fausse, parce que les objets ne nous apparaissent pas comme ils sont véritablement. Et sur la base de cette apparence ordinaire, notre esprit ordinaire, à cause de nos perturbations mentales, conçoit cette faute comme existante de manière intrinsèque. Aussi longtemps que nous sommes dans le samsara, nous voyons de cette façon les apparences d’une faute également chez les autres et chez nous-mêmes.

Appr-Faute-03Si nous observons les qualités de nous-mêmes et des autres de la même manière que nous observons les fautes, nous considérons ces qualités comme des apparences ordinaires que notre esprit conçoit de manière fausse également. En réalité, toutes les qualités, les nôtres et celles des autres sont dans la claire lumière de l’esprit. Toutes les qualités sont dans le Vrai Soi, le potentiel pur de l’esprit, la claire lumière du dharmakaya. Tandis que le Soi ordinaire, l’apparence ordinaire de nous- mêmes ou des autres est semblable à une prison qui obscurcit et empêche l’esprit du Vrai Soi de se manifester. Dans une certaine mesure nos qualités sont confondues avec notre potentiel pur, lui-même enfermé dans une sorte de pellicule plus ou moins opaque constituée des perturbations mentales. Selon l’épaisseur de cette pellicule notre potentiel pur et nos qualités sont peu ou pas perceptibles.

Si nous ne pouvons changer les apparences ordinaires de se manifester, nous pouvons changer les conceptions ordinaires que nous générons en tant que réponse à la manifestation de l’apparence d’une faute. Nous devons développer une relation bénéfique, saine et constructive avec les apparences des fautes. Notre interaction avec celles-ci doit nous procurer un bienfait et nous permettre d’avancer sur notre voie spirituelle. Par exemple, si nous observons une faute chez une personne, cette situation nous enseigne ce que nous ne devrions pas faire. Dans ce cas, il y a une apparence  d’une faute mais également une réaction positive, bénéfique et saine, en conséquence de quoi il n’y a aucun problème à fonctionner de cette manière. Par contre si nous observons une faute chez l’autre et que notre réaction est le jugement, la jalousie ou toute autre perturbation mentale notre esprit est dysfonctionnel. Ainsi l’objet à abandonner n’est pas l’apparence d’une faute, mais la perturbation mentale à l’origine de notre conception ordinaire de la faute observée. Ceci vaut également pour nos propres fautes.

 Rédigé d’après mes notes et une transcription d’une enseignement sur « Huit Etapes vers le Bonheur » du programme fondamental donné par Kadam Ryan en 2009 au Centre Atisha de Genève.

Rêve… Réveillé … Quelle différence ?

Si dans notre rêve nous observons les parties de notre propre corps, nous distinguons clairement par exemple notre jambe, notre bras, nos mains elles nous semblent bien réelles. C’est ce que nous pouvons appeler notre corps dans le rêve, dans notre monde du rêve. Ce corps est créé par notre esprit subtil. Si maintenant à l’état de veille nous faisons la même observation, ce corps est créé par notre Rêve-Eveil-01esprit grossier. Si ensuite, dans notre rêve nous faisons la rencontre de notre meilleur ami Jean, à la Place de la Gare, et que nous allons à sa rencontre en écartant les bras pour lui faire un grand hug, nous vivons cette rencontre avec toute son intensité. Nos bras se referment mutuellement dans une étreinte amicale chaleureuse. Le sentiment de retrouver un ami perdu de vue depuis longtemps nous habite complètement, nous entendons sa voix, nous scrutons son visage pour mieux le reconnaître. Si c’est à l’état de veille que nous rencontrons Jean au même endroit. Et que nous nous dirigeons vers lui pour le serrer dans nos bras, lui parler et écouter son propos, nous éprouvons exactement les mêmes sensations et éprouvons la même joie dans cette rencontre inattendue. Dans notre rêve, nous faisons cette rencontre dans un scénario créé par notre esprit du rêve, tandis qu’à l’état de veille notre rencontre est le produit de notre esprit grossier.

Nous sommes capables de vivre les deux aspects de l’expérience. Que ce soit celui de percevoir notre corps ou celui de rencontrer un ami sans trop nous poser trop de questions du moment que nous nous contentons de la manière conventionnelle dont les objets et les personnages apparaissent à notre esprit. Imaginons maintenant que, suite à l’enseignement reçu sur la vacuité, qui stipule que  » La vacuité est la manière dont les choses existent réellement. C’est la manière dont les choses existent par opposition à la manière dont elles apparaissent ». Nous entreprenons une recherche sur l’existence réelle de notre corps dans les deux cas. Nos investigations invariablement dans les deux cas aboutissent à la non-existence de celui-ci. À cet effet, nous appliquons exactement la même démarche qui aboutit à la conclusion : « Il n’y a pas de corps qui existe de son propre côté » aussi bien dans le monde du rêve que dans le monde réveillé. Nous observons la même chose mais de deux points de vue différents, celui de l’esprit du rêve et celui de l’état de veille. Dans les deux situations c’est la vacuité du corps qui se manifeste à notre esprit.

Rêve-Eveil-02En fait, nous nous faisons « un véritable cinéma »! En effet, au cinéma, nous sommes confortablement installés dans notre fauteuil et suivons avec attention ce qui se passe sur l’écran. Selon les scènes et les situations, nous éprouvons diverses sensations, diverses émotions et nous sommes par moment totalement immergés dans l’action qui se déroule devant nous sur l’écran. Ainsi, nous pouvons tout aussi bien imaginer que nous sommes actuellement « assis dans notre fauteuil » et contemplons les événements et les phénomènes que se produisent sur « l’écran de notre esprit », dans notre vie de tous les jours. Dans les deux cas, nous sommes « l’observateur », le spectateur de notre esprit. De plus, notre rôle n’est pas simplement passif dans le sens de spectateur, nous sommes à la fois le spectateur et le réalisateur de ce qui est projeté sur l’écran de notre esprit. Ce qui veut dire que nous sommes aussi  le créateur de tout ce qui se projette dans notre esprit aussi bien durant le rêve que durant l’état de veille. Tout se passe dans notre esprit et il n’y a rien à l’extérieur de ce dernier. Bouddha nous dit que le monde que nous percevons n’est qu’une illusion, une simple hallucination.

Tout cela n’est pas si simple qu’il n’y paraît. Notre principal obstacle est notre ignorance de saisie d’un soi. Cette perturbation mentale nous convainc que les objets et les phénomènes existent réellement de leur propre côté. En croyant que ceux-ci sont à l’extérieur de notre esprit, nous saisissons les objets qui nous sont agréables avec un fort attachement et évitons les objets qui nous sont désagréables avec une aversion. Aussi bien dans notre rêve que dans la vie ordinaire, nous ne mettons pas en doute le fonctionnement de cette perception. Au besoin, nous pouvons dans les deux cas demander confirmation à quelqu’un d’autre. Notre interlocuteur, celui du rêve ou celui de la vie ordinaire attestera le bien fondé de nos sensations. La difficulté majeure que nous avons,  consiste à lâcher cette croyance de l’existence intrinsèque de tout ce que nous percevons. Même si nous n’y arrivons pas immédiatement, par l’entraînement de notre esprit, progressivement nous pouvons aller dans cette direction. Le jour où nous nous réveillerons de notre ignorance, nous constaterons qu’il n’y a jamais eu de différence.

 Rédigé d’après mes notes personnelles tirées des enseignements reçus sur la vacuité.