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Donner c’est aussi recevoir

Donner est l’une des six perfections enseignées par Bouddha. Elle est appelée perfection lorsque cette action est motivée par notre bodhitchitta, notre intention d’atteindre la libération du samsara et l’illumination pour venir en aide à tous les êtres vivants. Par cette pratique nous pouvons accumuler une grande quantité de mérite qui nous permettra de réaliser cette intention. Comme l’explique de manière détaillée Vénérable Kelsang Gyatso dans son livre « La Voie Joyeuse » il existe trois types de don. Le don de choses matérielles, le don du dharma et le don de la non-peur. Le propos de cet article est de partager une vision du premier type, la perfection du don matériel, inspirée d’un événement personnel récent dans ma vie.

Donner-01Lorsque nous pensons à l’action de donner, il s’agit en premier lieu de donner des biens à une ou plusieurs personnes mais pas seulement. Ainsi, nous pouvons donner quelque chose à quelqu’un afin de lui apporter un peu de bonheur ou de réconfort ou encore pour l’aider à traverser une situation difficile. Mais nous pouvons également donner spontanément une partie de notre temps. Donner ne serait-ce qu’un instant de notre temps peut avoir une valeur inestimable pour celui qui se confie à nous dans un moment difficile. Je me souviens d’avoir lu un slogan très inspirant à ce propos : « Soyez à l’aise, j’ai tout votre temps! ». Parfois, une simple présence sans rien dire, auprès de quelqu’un qui souffre peut être d’un grand réconfort. Qui n’a pas une fois posé sa main sur l’épaule d’un ami en situation pénible pour l’encourager à rebondir ? Une écoute centrée sur la personne permet également à celle-ci de déposer sa détresse, son souci, sa souffrance. Le simple fait d’être entendue peut lui être d’un grand réconfort. Et si nous faisons de telles actions avec un esprit de bodhitchitta, cela devient une puissante pratique spirituelle. En fait l’action de donner peut prendre une multitude de formes.

Donner-02Donner ne peut se produire que si quelqu’un à qui donner existe sur notre chemin de vie. Et pour que donner soit possible il faut que ce quelqu’un accepte de recevoir. Plus précisément, nous donnons avec cette intention vertueuse et non pas pour se défaire d’un objet ou pour avoir de l’influence sur le receveur. Apprendre à recevoir est souvent plus difficile qu’apprendre à donner. Étrangement, accepter de recevoir demande un état d’esprit particulier, pourquoi? Voici quelques situations qui illustrent cette difficulté.

  • Nous pensons que nous sommes suffisamment nantis et que nous pouvons décliner la proposition.
  • Nous pensons qu’accepter de recevoir dévoile notre fragilité.
  • Nous pensons que nous ne sommes pas dignes de recevoir quoi que ce soit venant de qui que ce soit ou que nous n’en valons pas la peine.
  • Nous pensons que recevoir implique d’être par la suite redevable à celle ou celui qui donne.
  • Nous pensons que notre statut ne nous permet pas de recevoir, parce que nous sommes assez fort et autonome.
  • Nous surestimons notre capacité à surmonter les obstacles et refusons alors toute aide, en pensant : « Je me débrouille très bien tout seul! ».
  • Nous refusons de revenir sur une décision alors qu’une aide extérieure le permettrait.
  • Etc.

Donner-05Dans tous les cas cette attitude ne tient pas compte de l’intention de celui qui donne. Elle a un effet pervers comme nous l’explique la loi du karma. Rappelons que toute action produit un effet. Ici l’action de rejeter le don d’autrui crée un effet qui sera une tendance similaire à la cause de réitérer cette action plus souvent encore et finalement de se couper de toute aide quelle qu’elle soit. Elle peut aussi bien créer une expérience similaire à la cause, c’est-à-dire que notre générosité sera également refusée. Et finalement les effets collatéraux d’une telle action priveront le donateur de sa possibilité de pratiquer le don et nous privera de bienfaits de recevoir que nous n’imaginons même pas. Recevoir, c’est donner l’occasion à l’autre de pratiquer le don.

 Donner-04Grâce au mérite que j’ai accumulé en écrivant cet article, puissent celles et ceux qui m’ont appris à recevoir, en pratiquant la perfection du don, être libérés des souffrances du samsara et atteindre les terres pures des bouddhas.

Le bonheur d’être vivant

La respiration vous relie au bonheur d’être vivant. Imaginez un seul instant si vous deviez constamment penser à devoir respirer et que d’oublier de respirer aura des conséquences fatales. Si tel était le cas, toute notre attention serait accaparée par cette tâche. Heureusement nous n’avons pas ce souci. En aucun moment nous mettons en doute ce mécanisme de survie naturel. Ce bonheur d’être vivant est un état d’esprit qui nous rappelle à chaque inspiration que nous sommes dotés de cette précieuse vie humaine.

Mais la plupart du temps nous n’y pensons guère et nous la gaspillons à la recherche du bonheur dans le samsara. Toutes les difficultés et les souffrances qui se succèdent dans notre existence proviennent de notre esprit perturbé par le mûrissement de notre karma. Cette vie-ci est précieuse parce que chacun d’entre-nous n’en possède qu’une seule et la probabilité d’en obtenir une autre dans le futur est infime. Et quand le moment de notre mort viendra nous ne pouvons la remplacer par une autre.

Sablier-01Notre vie est semblable au sable contenu dans un sablier. Chaque grain est une respiration qui s’écoule et toutes les respirations de notre vie sont les grains contenus dans le sablier qui s’écoulent inexorablement. Contrairement au sablier, le moment venu nous n’aurons pas l’opportunité de le retourner comme pour recommencer cette vie. Chaque instant qui passe, chaque respiration que nous faisons nous rapproche du moment de notre mort. Et le plus fâcheux est que nous ne savons pas à quel moment elle adviendra, pas plus que nous savons le nombre de grains contenus dans le sablier. La comparaison s’arrête là car si nous pouvons évaluer le sable restant dans le sablier, nous ne pouvons faire de même pour notre vie.

Réveil-01Chaque soir en nous endormant, nous n’avons aucune certitude de nous réveiller le lendemain matin. Ainsi, au premier instant, à peine réveillé, prenons conscience de notre bonne fortune de jouir de cette précieuse vie parce que notre respiration ne nous a pas abandonné durant notre sommeil. Ayons cette gratitude d’être en vie et de pouvoir à nouveau rester en contact avec notre nature de félicité et de bonheur pour donner cette couleur à tout ce que nous allons entreprendre.

Nous apprenons beaucoup de nos erreurs

Faute-01Qui n’a pas fait d’erreurs dans son existence? Personne ! Habituellement, lorsque nous faisons une erreur, nous tirons les conséquences immédiates de celles-ci en cherchant dans mesure du possible une issue honorable. Nous avons aussi parfois la tendance de minimiser nos erreurs les considérant comme bénignes ou bien nous développons une telle culpabilité que nous souffrons longuement. L’ignorance est aussi un facteur qui peut nous conduire à commettre des erreurs et nous cherchons avec maladresse à en réparer les conséquences. Nous avons également été confrontés peut-être à quelqu’un qui ne veut pas reconnaître une erreur commise. Certaines fois, nous avons le sentiment voir même la conviction d’être la victime d’une erreur. Tant de situations décrites qui nous compliquent la vie et celle de notre entourage et dont la manifestation ordinaire peut être connue sans difficulté.

Faute-03Qu’en est-il maintenant de nos erreurs sur le plan spirituel? il faut savoir qu’une erreur est une action et en tant que telle suit la loi de causalité ou karma. Tout comme une action engendre un effet , une erreur produira un impact sous la forme d’une empreinte, sorte de mémoire résultante, qui s’ensemence sur notre esprit. Tout se passe de la même manière qu’une graine de céréale. Un grain de blé a par nature la potentialité de mûrir. Tant que celui-ci est stocké dans de bonnes conditions il peut se conserver très longtemps. Mais si nous semons ces grains, avec des circonstances favorables ils mûriront bientôt. D’une manière semblable les erreurs commises auront plusieurs effets dont des effets qui sont des tendances similaires à la cause et des effets qui sont des expériences similaires à la cause.

Qu’en est-il de ces effets. Les tendances similaires à la cause sont le fait que nous allons répéter cette erreur encore et de manière compulsive. Cela devient comme une mauvaise habitude, dont nous relativisons l’importance, lorsque nous pensons : « Je sais que ce que je fais est mal, mais je ne le ferai plus une prochaine fois! ». En répétant l’erreur, nous créons une nouvelle potentialité ou empreinte sur notre esprit perpétuant ainsi le processus karmique. Les expériences similaires à la cause sont le fait d’inverser les rôles c’est-à-dire que nous allons subir les effets des erreurs commises dans le passé. Cela devient comme si au lieu d’être à l’origine de l’erreur nous en subissons les conséquences. Autrement dit au lieu de porter préjudice à autrui par notre erreur nous sommes celui à qui le préjudice est fait, lorsque par exemple nous sommes l’objet de manipulations.

Faute-02Ne rien faire de ses erreurs est plus grave encore que les erreurs elles-mêmes. Parce que nous manquons une opportunité d’éradiquer les causes potentielles de celles-ci qui se trouvent encore sur notre esprit. Certes bien souvent nous ne pouvons faire le rapprochement entre nos expériences malheureuses actuelles et leur cause précise. Mais nous pouvons par l’analyse et la méditation en comprendre leur essence et adopter dans notre vie les comportements et attitudes nécessaires pour éviter de répéter des erreurs de même nature. Notamment en réfléchissant à la nature des erreurs possibles qui nous amènent à faire une expérience spécifique. En comprenant les dangers karmiques de nos erreurs, nous allons naturellement les éviter. Pratiquement, lorsque nous vivons une expérience douloureuse ou inconfortable, nous pouvons dans ce cas faire une requête à notre guide spirituel intérieur, notre nature de bouddha. Mon bienveillant enseignant disait : « Puisse l’expérience de souffrances que je vis en ce moment être la cause profonde de purification de mon karma négatif qui est à l’origine de celle-ci ».

La peur et l’espoir

La peur et l’espoir sont intimement liés, tout comme les deux faces d’une médaille. Il suffit pour le comprendre de nous rappeler ce qui se passe dans notre esprit en présence d’une difficulté ou d’un danger. Nous avons peur et immédiatement nous générons l’espoir de nous en libérer. Notre ignorance de saisie du soi nous certifie l’existence de cette difficulté ou de ce danger sous diverses formes juste à cet instant en dehors de notre esprit et instinctivement, nous sommes prêt « à fuir ou à combattre ». Parfois, cette situation nous semble tellement conséquente que l’espoir de trouver une issue semble nous abandonner et nous avons l’envie de « fuir ». Ou alors nous nous Peur-Espoir-01crispons, avec l’intention de « combattre », mais paralysés par la peur nous sommes incapables de réagir et d’agir. Nous avons tous fait de telles expériences dans notre vie : la peur de l’échec, la peur de parler en public, une implication dans un conflit, perdre le contrôle de son véhicule, se mettre en colère, etc. Heureusement, il y a une troisième alternative, celle de rester centré, d’observer et de prendre refuge dans notre vrai soi, notre nature de sagesse.

Nous pensons pouvoir tout contrôler en présence des multiples situations que nous rencontrons dans le samsara. Or, la nature même de notre samsara est souffrance, synonyme de difficultés et dangers. Celui-ci ne cesse de nous tromper, de nous faire peur. Nous cherchons constamment à protéger ce JE auquel nous sommes tellement attachés. Oui, il nous faut abandonner l’idée qu’il existe un JE solide et séparé de notre esprit. De la même manière il nous faut abandonner l’idée que quelque chose existe en dehors de notre esprit. Tout est comme un rêve, comme une illusion. Tout ce que nous percevons n’existe que de manière conventionnelle en relation dépendante de notre esprit.  Certes il n’est pas facile de toujours adopter cette attitude, mais c’est parce que notre ignorance et notre attachement sont tellement profondément enracinés dans notre esprit que nous n’y arrivons pas.

Nous savons tous ce qu’est une mauvaise habitude et le mal que nous avons à nous en défaire. Pensons que c’est depuis des temps sans commencement que nous faisons cela, mais il est encore temps de changer. Tant que nous cherchons le bonheur et le moyen de faire cesser notre souffrance dans le samsara, c’est sans espoir. Mais si nous sommes prêts à abandonner l’espoir de trouver une solution à nos problèmes dans le samsara pensant nous libérer de la souffrance et trouver notre bonheur, nous aurons aussi le courage de changer. Pour cela, nous devons nous détendre et chercher refuge en bouddha, le dharma et la sangha. Chercher refuge veut dire aussi renoncer à l’espoir de trouver quelque chose capable de nous rendre heureux durablement dans le contexte du samsara.

Nous voulons bien entreprendre un chemin spirituel, mais avec l’idée de maintenir certaines choses samsariques auxquelles nous sommes attachés. Nous voudrions négocier certaines exceptions : « Oui, d’accord de lâcher ceci …  mais pas cela! ». Impossible, car cela revient à vouloir quitter le port avec notre embarcation et traverser l’océan sans lâcher les amarres. Nous aurons beau ramer de toute notre énergie pour le faire mais ce sera en vain. La manière d’entreprendre cela consiste à pratiquer le renoncement. Durant ma dernière retraite au IMC Kailash, j’ai retenu Peur-Espoir-02une signification simple du renoncement, la voici. Nous ne devons pas renoncer aux objets que nous percevons mais nous devons renoncer à l’attachement à ceux-ci. Comment? Si par exemple nous savourons une tarte aux fruits, posons-nous la question de savoir où se trouve le plaisir de sa saveur. Est-il dans la tarte ou est-il dans notre esprit? Il se trouve en fait dans notre esprit. La tarte n’a aucun pouvoir de susciter le plaisir. Si tel serait le cas, tout le monde sans exception trouverait du plaisir à manger cette tarte, ce qui n’est pas le cas. Nous pouvons prendre plaisir sans saisir. De la même manière, nous pouvons renoncer à tous ces objets samsariques sans pour autant nous priver de tout. En résultat, nous serons libres de tout attachement.

Le temps est une illusion

Temps-illusionJ’ai pris conscience l’autre jour de beaucoup de choses qui gravitent autour de la notion du temps en puisant dans la multitude de citations existantes. Le temps qui passe, telle une horloge, rythme toutes les activités humaines. Existe-t-il plusieurs temps? Le temps est-il quelque chose de fixe ou variable? Pour certains il passe trop vite, d’autres trouvent le temps long. Il y a des gens qui tuent le temps, d’autres n’ont jamais le temps. Le temps est parfois insaisissable et certains vous diront qu’ils leur filent entre les doigts et la liste n’est pas exhaustive. C’est à croire que le temps est multiple et pour preuve notre voisin nous dira « J’ai tout mon temps ». Finalement, chacun trouve une valeur personnelle au temps.

À partir de ces exemples existe-t-il un temps unique pour tous? C’est alors que je me suis tourné vers la notion de vacuité pour illustrer que le temps est une illusion. Encore et toujours, notre esprit est le créateur de toute chose. Tout nous apparaît comme une image subjective dans notre esprit et rien n’existe en dehors de lui. Ce qui est perçu par notre esprit n’existe qu’en relation dépendante de causes et de circonstances et de celui qui perçoit. Si nous partons du concept qui définit le temps comme l’intervalle qui sépare un instant d’un autre, nous vérifions aisément que cet intervalle n’a pas une valeur constante.

Celle-ci dépend essentiellement de ce que chacun de nous projette sur cet intervalle. Ceci démontre que l’intervalle de temps en lui-même n’a pas de valeur intrinsèque. Sa valeur est subjective puisque générée par notre esprit et est semblable à une illusion. En d’autres termes, un intervalle de temps possède une valeur personnelle changeante selon l’esprit qui le considère et peut même être inexistant. Le temps dans ce sens n’existe pas, c’est ce que nous en faisons qui lui donne une existence, ce n’est qu’une illusion.

Jeux de rôles, le chemin de l’illumination

Mieux comprendre les notions d’imputation et de base d’imputation.

Rôle-01Ces deux notions souvent plongent le néophyte dans une grande perplexité quand bien même nous les expérimentons constamment inconsciemment dans notre vie. Chaque expérience que nous faisons est subordonnée à la situation mise en scène par notre esprit ou si vous préférez due à l’activité faite dans une situation donnée. Par exemple, si nous sommes un parent : lorsque nous sommes avec nos enfants nous assumons totalement notre fonction avec les attributs et les qualifications d’un père ou d’une mère ; mais lorsque nous sommes au bureau, à notre place de travail nous utilisons nos compétences professionnelles. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’une activité exclusive. Lorsque que nous sommes un parent nous ne sommes pas simultanément celui ou celle qui travaille. Soit nous sommes à la maison soit au bureau, pas aux deux endroits simultanément. Tout se passe comme si nous jouerions différents personnages au fil du temps.

Rôle-02Étymologiquement, le mot « personne » provient probablement de l’étrusque qui désigne le masque que portaient les comédiens au théâtre. Ainsi, tout au long de notre vie nous changeons continuellement de masque donc de personnage. Nous pouvons dire que les propriétés et les caractéristiques de chaque personnage constituent la base d’imputation pour imputer le nom spécifique qui lui correspond. Et à chaque nom, chaque personnage, correspond une base d’imputation différente. Partant de l’idée que le JE de nous-mêmes a pour base d’imputation ce corps actuel, nous avons eu par le passé différents corps, celui d’un nouveau-né, d’un enfant, d’un adolescent et maintenant un corps d’adulte. Il est évident que tous ces corps ont eu un aspect temporaire différent les uns des autres. En conclusion nous avons continuellement changé de base d’imputation. Ces changements se sont fait naturellement de façon continue.

Du point de vue spirituel, une clé importante est de faire la distinction entre la base d’imputation et l’imputation elle-même. Nous venons de comprendre qu’il s’agit bien de deux choses distinctes. De la même manière, notre JE n’est rien de plus qu’un nom, une simple étiquette que nous imputons sur la collection de notre corps ordinaire et de notre esprit ordinaire. La seule raison pour laquelle nous sommes un être humain est que de par notre karma nous imputons notre JE sur un corps humain. Rôle-03Rien ne nous empêche d’apposer cette étiquette sur une autre base. Et de toutes les bases d’imputation possibles, la meilleure est celle d’un bouddha. Si nous ne le faisons pas, c’est parce que d’une part nous croyons que ce corps humain existe vraiment de son propre côté et d’autre part que nous y sommes très attachés.

Or les enseignements sur la vacuité nous expliquent que tous les objets sont vides d’existence intrinsèque et n’existent qu’en relation dépendante de leurs parties, de causes et de conditions et de l’esprit qui les perçoit. C’est pour cette raison que si nous considérons que ce JE est plus qu’une simple désignation et existe de son propre côté attaché à ce corps existant de manière intrinsèque, nous ne pouvons imputer ce JE sur autre chose. C’est parce que ce JE est vide d’existence intrinsèque et que c’est juste un nom que nous pouvons imaginer d’échanger sa base d’imputation actuelle avec le corps et l’esprit d’un bouddha. C’est la voie à suivre pour atteindre l’illumination d’un bouddha.

Vivre comme si le but visé était déjà atteint

Il y a une différence subtile entre s’efforcer d’obtenir un résultat et le voir, le sentir comme déjà réalisé. Dans l’espoir d’obtenir un résultat, nous orientons généralement toute notre attention et toute notre énergie sur la préparation des étapes successives à sa réalisation. Puis une fois la décision prise de passer à l’action, nous entreprenons un interminable voyage vers son accomplissement. Bien que nous puissions identifier des jalons et établir des objectifs intermédiaires pour nous rapprocher de notre but ultime, dans notre esprit nous sommes toujours engagé dans une démarche visant à réaliser un jour notre objectif, au lieu d’avoir le sentiment d’être précisément en train de le réaliser.

Bouddha nous explique que tout est création de l’esprit et que le monde que nous créons est celui auquel nous prêtons attention. Or dans ce contexte,  tant que notre attention créatrice est totalement absorbée dans la phase de préparation, l’objectif reste au second plan. En fait nous pensons plus à la manière d’obtenir le résultat qu’au résultat lui-même. Le risque de nous perdre dans le dédale des innombrables chemins pour atteindre notre objectif peut nous amener parfois à la réflexion : « Euh … Au fait c’est quoi déjà mon objectif? ».

But-03Mais pour atteindre notre objectif : contempler la cible ne suffit pas non plus, faut-il encore savoir guider la flèche. En d’autres termes, si nous portons toute notre attention sur la cible sans tenir compte de la position de la flèche il sera peu probable que nous atteignons celle-ci. De même si nous portons uniquement notre attention à la flèche sans le souci de l’endroit où se trouve la cible il nous sera difficile même impossible de l’atteindre. Notre attention tient compte à la fois de l’objectif et du moyen de le réaliser.

Du point de vue spirituel, cela revient à ce raisonnement. Si je ne fais que contempler le but à atteindre, ma libération du samsara pour atteindre l’illumination, sans entreprendre quoi que ce soit pour y parvenir, jamais je ne réaliserai mon objectif. Également, si je m’affaire continuellement à préparer minutieusement une liste exhaustive de tout ce que je dois faire pour me libérer, sans effectuer les étapes successives et pensant : « Un jour je le ferai », je resterai de manière certaine toujours dans la phase de me rapprocher du but sans jamais l’atteindre.

ToscaneJe me souviens d’une anecdote de ma jeunesse qui illustre bien la situation. Avec mes camarades nous faisions une marche d’une trentaine de kilomètres à travers la Toscane. Le pays était une succession de vallons et de collines. Nous connaissions notre destination mais chemin faisant il nous était impossible en regardant devant nous de voir celle-ci. Nous ne pouvions que repérer sur la carte le chemin à prendre pour y parvenir. En temps réel celui-ci paraissait interminable. Souvent nous nous posions la question : « Est-ce que c’est encore loin? ». Mais en fait le souci de savoir que nous étions sur le bon chemin était bien plus important que de savoir la distance à parcourir.

Vivre comme si notre but était déjà atteint veut dire mobiliser notre esprit créateur pour activer les potentialités de réussite en nous. Cela veut dire également, que nous nous visualisons comme ayant atteint notre but en ayant franchi toutes les étapes nécessaire à  son accomplissement. Dans le cas de la marche évoquée cela veut dire nous visualiser comme étant déjà arrivés à destination en ayant marché par monts et par vaux. Ce faisant la distance devient relativement moins pesante.

But-01C’est pour cela que sur notre chemin spirituel, ne connaissant pas sa durée jusqu’à l’illumination, nous devons nous donner les moyens qui nous maintiennent sur la voie tracée par notre guide spirituel tout en nous visualisant comme déjà arrivés aux Pays purs de Bouddha. Jour après jour, vie après vie, à chaque instant nous souvenant de notre destination, en appliquant la discipline morale en toute circonstance nous pouvons réaliser ce but ultime.

Comprendre ce que j’ai besoin de comprendre

Dans un cheminement spirituel, nous sommes amenés à lire des textes sur les enseignements, à écouter des enseignements. Ce faisant nous sommes en présence de beaucoup d’informations, de conseils et d’explications qui peuvent paraître à priori difficiles à assimiler dans leur intégralité. C’est pourquoi, ce que les maîtres conseillent est de prendre et de retenir que ce qui est confortable pour soi selon son avancement. Ne mettons pas nos attentes à un niveau d’exigences trop élevé. La transmission des enseignements spirituels se passent d’une manière particulière. Les informations sont reçues à deux niveaux : celui de notre compréhension immédiate et celui d’une compréhension différée sous forme latente. Celle-ci, telle une graine mettra un certain temps à mûrir, jusqu’à ce que les conditions de leur compréhension soient remplies.

Comprendre-01Je me souviens encore du conseil de mon enseignant qui me disait : « Ce que tu peux comprendre en ce moment c’est ce que tu as besoin de comprendre. Ça doit être dans tous les cas confortable, léger et joyeux ». Un signe révélateur de notre compréhension est notre degré de satisfaction. Si nous avons joué la carte de l’obstination, en forçant les choses, il est certain que nous serons fatigués, embrouillés et confus et nous aurons parfois l’impression de n’avoir rien compris. Au contraire si nous avons bien compris ce que nous avions besoin de comprendre, nous sommes ressourcés et contents.

Nous avons sûrement tous fait une fois ou l’autre l’expérience d’essayer de comprendre quelque chose de totalement nouveau. Notre approche est très subjective dans ce cas. Il suffit que nous pressentions un degré élevé de difficulté pour qu’une appréhension s’installe qui nous conditionne défavorablement. Souvent : « À vouloir trop bien faire, nous finissons par ne rien faire correctement ». À vouloir tout contrôler, c’est à ce moment-là que nous perdons le contrôle. La peur de ne pas comprendre, de ne pas réussir nous paralyse. Si nous nous laissons vaincre par le sentiment que c’est trop difficile, ce sera effectivement difficile. Comprendre-02Par contre, si nous nous permettons une certaine crédulité, une curiosité, nous aurons une meilleure compréhension immédiate. Nous sommes dans ces conditions plus confiant et plus détendu. Et parfois de mieux comprendre quelques jours plus tard en pensant : « Ça y est, maintenant je sais pourquoi ! ».

Dans ce cheminement spirituel, vous n’êtes pas seul. Votre guide spirituel intérieur est constamment à vos côtés et n’oubliez pas qu’il est là pour vous aider. Alors, dans votre for intérieur vous pouvez valablement lui adresser vos requêtes comme par exemple : « S’il te plaît, révèle- moi la meilleure façon de comprendre ce que traverse en ce moment »; « S’il te plaît donne-moi un indice me permettant de trouver la solution à mon problème ». Si vous faites cela avec une grande confiance en lui, les réponses ne tarderont pas à venir.

Pourquoi faisons-nous des dédicaces

Faire une dédicace est de la plus grande importance, pourquoi ? Lorsque nous sommes sur le point de terminer une action où une expérience, selon la loi de causalité du karma, une empreinte est déposée dans notre esprit. Cette empreinte contient le potentiel d’un effet qui se manifestera plus tard dans cette vie ou dans une vie future. Mais cette empreinte restera latente aussi longtemps que nous n’avons pas fait une dédicace pour la rendre permanente. D’où le danger de perdre cette potentialité à cause d’une quelconque circonstance extérieure.

Image latentePour illustrer ce fonctionnement je vais brièvement vous expliquer le principe d’une image photographique argentique. Lorsque vous prenez une photo, une image de l’objet vient modifier la structure de l’émulsion de la pellicule, invisible à ce stade. Pour rendre visible cette image il est nécessaire de révéler celle-ci au moyen d’un révélateur. Après quoi vous obtenez une image latente, mais le fait de vouloir l’observer à la lumière à ce moment-là suffirait à la voiler complètement et la faire disparaître. Pour éviter ce désagrément il est nécessaire d’empêcher sa disparition à l’aide d’un fixateur. Alors seulement l’image devient permanente.

Dans une perspective spirituelle, voyons comment appliquer la dédicace dans les trois cas distincts celui d’une expérience qui nous fait souffrir, celui d’une action vertueuse et celui d’une intention pour autrui.

Grippe-05Dans le cas d’une expérience malheureuse. Lorsque par exemple nous sommes affectés d’une grippe, au lieu de nous apitoyer sur notre sort et de perdre patience parce que nous ne sommes pas encore guéri, nous pouvons faire la dédicace suivante : « Cette vilaine grippe est la conséquence d’une potentialité qui mûrit en ce moment sur mon esprit! Puisse ma souffrance et mon inconfort être une profonde cause de purification de mon karma négatif responsable de cette situation ». L’effet d’une telle dédicace est de purifier toutes les potentialités latentes similaires se trouvant en ce moment sur notre esprit. Pour plus d’efficacité l’énoncé de cette phrase sera la plus spécifique possible pour ne pas tomber dans la généralisation et disperser notre intention. En faisant cette dédicace nous évitons de créer une souffrance supplémentaire à celle inévitable de la grippe elle-même. En maintenant un esprit positif notre situation certainement s’améliorera rapidement. Sans cette dédicace, comme tout est impermanent, la grippe finira par se terminer. Mais ce faisant nous avons manqué une occasion de transformer une adversité en un moyen d’accroître notre mérite.

Bonté-02Dans le cas d’une action vertueuse. Lorsque nous accomplissons une action bénéfique, elle aussi dépose une empreinte dans notre esprit. Celle-ci est un potentiel vertueux source de mérite. Le mérite étant le pouvoir potentiel permettant d’accroître nos qualités et de produire du bonheur. Ce potentiel vertueux est susceptible lui aussi d’être détruit par une action négative. Nous pouvons également préserver ce précieux mérite en faisant une dédicace appropriée. Comme par exemple lorsque nous avons aidé un ami à traverser une situation pénible et délicate avec la dédicace suivante : « Puisse le mérite réalisé en venant en aide à mon ami renforcer ma capacité à libérer tous les êtres vivants de leur souffrance ». Et dans ce cas, le mérite profitera non seulement à nous-mêmes mais à tous nos proches.

Dans le cas d’une intention pour autrui. Si nous avons dans notre entourage quelqu’un qui est dans la souffrance et qui n’a pas forcément une ouverture spirituelle, nous pouvons faire également une dédicace à sa place, comme par procuration. C’est faire preuve d’intuition en se mettant à la place de la personne et de percevoir ce qu’elle ressent, nous faisons une dédicace avec beaucoup de compassion. Ainsi, en pensant profondément à la personne et à sa souffrance nous pouvons faire par exemple la dédicace suivante : « Comme je voudrais tellement lui venir en aide, puisse sa souffrance être la cause profonde de la purification du karma négatif qui la maintient dans cet état ».

Le karma, on peut détester mais on peut aussi aimer

BoomerangLe karma c’est la loi de causalité enseignée par Bouddha. Plus précisément chaque action aura une conséquence qui sera une expérience en relation dépendante et il ne peut y avoir d’expérience sans cause. Ainsi, les expériences ou les situations qui se manifestent actuellement dans notre vie quotidienne ne sont pas dues au hasard. Elles résultent d’actions que nous avons commises dans un passé plus ou moins lointain. Selon ce que nous vivons actuellement, par ignorance, nous pouvons détester ou aimer notre karma.

Pourquoi pouvons-nous détester ce karma? Si nous nous focalisons essentiellement sur les situations pénibles et douloureuses que nous traversons évidemment la vie nous semble une sinécure jonchée de problèmes et de souffrance. Et à cause de notre grande ignorance nous recherchons en vain un coupable responsable de notre déconvenue, que ce soit un objet, une situation ou quelqu’un. Nous pensons qu’il y a forcément une raison liée à ces objets et phénomènes extérieurs à notre esprit. En fait en aucun moment nous pensons que ce que nous vivons n’est autre que l’effet d’actions que nous avons créées antérieurement. Nous serions bien inspirés de comprendre que nous sommes les seuls responsables de ce qui nous arrive.

ChoixPourquoi pouvons-nous aimer ce karma? Grâce à un statut social élevé ou à la possession de nombreux biens matériels nous avons l’impression d’être heureux. Et de la même manière nous croyons que les objets et les phénomènes extérieurs à notre esprit sont responsables de ce que nous vivons. Toujours en vertu de la loi de causalité, si nous expérimentons des situations agréables et heureuses, nous comprenons que ce sont nos actions passées qui sont la cause de notre bonne fortune.  Ce sont là aussi des potentialités que nous avons créé par le passé qui sont responsables de cette bonne situation. Lorsque tout va bien, enclins à l’insouciance nous en venons même à oublier l’existence de notre karma.

Nous pouvons douter de l’existence de ces potentialités sur notre karma. C’est normal car nous n’avons pas la capacité de les voir. Pourtant, nous réagissons de manière différente devant chacune de nos perceptions. Ce que l’un perçoit un autre ne le perçoit pas, et pourquoi ? Parce tout est création de l’esprit, et celui-ci utilise le « matériel karmique » à disposition. Il utilise les empreintes et les potentialités qui habitent notre propre esprit.
Lorsque nous aurons une profonde compréhension de ce mécanisme, nous pourrons voir ce qui nous entoure comme le reflet dans un miroir de ce qui se trouve en nous. Bouddha nous enseigne que chaque action créée des effets similaires à celle-ci. Ces derniers se manifesteront plus tard dans nos vies futures. En portant notre attention à ce qui va bien dans notre vie plutôt que de s’agiter et de se plaindre parce qu’il nous semble que tout va mal, nous déplaçons notre énergie créatrice vers ce qui est positif. Il y a un lien direct entre notre quotidien et précédemment dans cette vie ou dans nos vies antérieures. Et comme notre mémoire ne se souvient que de cette vie-ci, nous pouvons difficilement trouver une explication à ce qui nous arrive.

Ceci démontre simplement l’existence de ces situations potentielles entretenues dans votre esprit. Alors posez-vous la question dès maintenant : « Pourquoi ce fait divers vu dans les médias me préoccupe tant? » Est-ce une simple curiosité ? ou encore « Pourquoi j’ai une relation conflictuelle avec cette personne? ».
EngrenagesDites-vous bien que ce n’est pas l’autre qui est désagréable avec vous, mais bien ce que révèle cette personne à ce propos de votre état d’esprit. Si vous vivez dans le bien-être, le succès est présent dans votre vie, vous pensez que c’est normal parce que vous avez tout fait extérieurement pour cela et vous dites : « J’en ai bavé pour arriver où je suis » ou encore « J’ai de la chance, tout vient à moi naturellement ». Là encore ce ne sont pas les conditions extérieures qui en sont responsables, mais bien les potentialités se trouvant sur votre esprit qui ont mûri. Dans ce sens le karma nous indique où se situent les choses potentiellement néfastes ou au contraire bénéfiques que nous pouvons respectivement  purifier ou cultiver.

Réflexions qui me sont venues lors de ma retraite du 15 au 22 mai 2013, avec pour thème la purification de l’esprit par une pratique de Vajrasattva et son mantra en cent syllabes.