Archives pour le tag : expérience

Nomophobie, cette nouvelle dépendance

Récemment dans les médias, parmi les nouveautés du Petit Robert j’ai découvert le terme nomophobie qui définit l’addiction au téléphone portable. Cette dépendance est en train de changer totalement le comportement de l’individu. Il suffit de voir le nombre d’utilisateurs de tous les milieux socio-culturels et de tout âge. Et bientôt, il sera ringard de ne pas en posséder un. Partant d’un principe positif et louable, ce qui devait être simplement un téléphone, le portable devient un accessoire qui prend de plus en plus de place dans la vie de chacun. Inconsciemment il s’infiltre dans toutes nos activités tel un envahisseur. Suite à un article concernant l’addiction au téléphone portable dans notre société contemporaine, j’ai porté ma réflexion sur ce phénomène actuel avec un regard différent. Comment interpréter ces expériences du point de vue d’un pratiquant bouddhiste ?

nomophobe-01 Je me déplace souvent avec les transports publics et à maintes reprises j’ai pu contempler des gens de tout âge, à peine assis, les mains jointes sur leur téléphone portable, les yeux focalisés sur l’écran se plongent dans un univers virtuel et restent complètement absorbés. Autre constat. Je suis époustouflé de voir le nombre de personnes qui tiennent leur portable dans la main de façon permanente, quelles sont les raisons d’un tel comportement ? Tout porte à croire que c’est pour ne pas perdre un seul instant de la vie qui se passe à travers l’écran de leur téléphone. Convaincus qu’il ne faut pas manquer un seul appel d’un être cher, toute leur attention est focalisée sur le moindre signe de communication. Persuadés de leur importance dans le réseau social auquel ils appartiennent, la supervision de celui-ci leur est primordiale pour savoir qui parle avec qui et de qui ils parlent et surtout quelles sont celles et ceux qui m’ont envoyé un message, une photo, un vidéo ou autre.

nomophobe-02L’autre jour, sur une terrasse d’un café, quatre jeunes arrivent et s’assoient à une table. Après avoir passé la commande de leur consommation, chacun, les yeux rivés sur son smartphone, s’adonne à de multiples manipulations avec grande dextérité.  Cette scène dura une bonne demi-heure sans qu’aucun n’adresse la parole à son voisin pourtant assis à la même table ! ils sont repartis sans échanger la moindre parole. Un moment de convivialité et de partage ? N’avaient-ils rien à se dire ? Ou encore une autre situation courante dans le domaine relationnel, celui du couple qui hors de leur maison, de leur foyer sont constamment en communication l’un avec l’autre et ce parfois au détriment de leur efficacité au travail. Une fois ensemble à la fin de la journée, ils n’ont plus rien à se dire ! Plus terrible encore, dans un spot de la prévention des accidents le BPA, a diffusé en 1915 un petit film choc sur ce que peut entraîner la nomophobie chez un jeune accro à la musique rap et au chat avec les copains. Voir la vidéo ici : Anastase : Le tour de magie.

Comment décoder les expériences décrites au regard des enseignements de Bouddha ? Avec ou sans téléphone portable, le monde qui nous apparaît ne reste qu’une illusion. Le smartphone ou le IPhone n’est qu’un artifice de plus du samsara qui nous fait miroiter un bonheur qui n’existe pas en dehors de notre esprit. Il renforce une attitude égocentrique et égoïste qui accentue notre attachement désirant envers cet objet. Bien sûr, le smartphone ou le IPhone nous rend atteignable dans toute circonstance. Mais sans sagesse il devient aussi un moyen de nous rendre très vulnérables aux personnes malveillantes et sans scrupules qui exploitent jusqu’à nos données privées. Paradoxalement, à travers les réseaux sociaux via Internet, il est possible de se faire un réseau d’amis dans le monde entier et que nous ne verrons probablement jamais.

Alors que dans notre entourage des gens se sentent délaissés et ont besoin de notre aide et de notre compassion. Développer notre bodhitchitta est véritablement possible qu’avec les gens qui nous entourent directement et non virtuellement. Lorsque nous sommes en peine, la main d’un ami qui se pose sur notre épaule n’a pas d’égal dans le monde virtuel.  La peur de ne pas exister, de ne pas avoir de nomophobe-03valeur renforce notre attachement désirant. Comme tout objet samsarique, il est dans la nature de la souffrance et ne nous procure aucun bonheur durable. La présence du téléphone portable dans notre vie est ambivalente. Autant il peut nous engluer davantage encore dans le samsara comme il peut dans certaines circonstances nous être bénéfique. À nous de développer la sagesse qui fait la part des choses en nous évitant de devenir tous des nomophobes.

 

Dans les dédales de notre karma

Dedales-03D’une manière générale karma veut dire action. Tout au long de nos innombrables vies nous avons commis toutes les sortes d’actions, certaines vertueuses et d’autres non vertueuses. Toutes ces actions ont été précédées d’une intention qui s’est manifestée dans notre esprit. Dans le livre « Comment comprendre l’esprit », G.K. Gyatso nous précise que l’intention est, par définition un facteur mental dont la fonction est de centrer son esprit principal sur un objet. La fonction principale de l’intention est de créer le karma. Pour qu’une action soit possible, nous devons réunir un certain nombre de causes et de conditions sans quoi celle-ci ne sera que partiellement accomplie. Nous parlons alors d’action incomplète qui pourtant ne sera pas sans conséquence.

Une action, même incomplète, aura tout de même un effet sur notre esprit. Chaque action produit quatre types d’effets sur notre esprit, qui sont l’effet mûri, l’effet d’une tendance similaire à la cause, l’effet d’une expérience similaire à la cause et l’effet environnemental. Dans certains cas il n’y a pas d’effet mûri d’une action et nous Dedales-01parlons d’une action incomplète. Pour illustrer cela, prenons l’exemple d’un jeu vidéo dans lequel il s’agit de tuer le plus grand nombre d’ennemis au risque de se faire tuer soi-même. Puisqu’il s’agit d’un jeu, il n’y a pas de morts réels néanmoins le joueur met toute son intention dans l’acte de tuer. Du point de vue de l’esprit l’intention de tuer est manifeste. Beaucoup de personnes banalisent ce genre de jeux qu’ils croient « inoffensifs » puisque virtuels.

Par contre les trois autres effets sont produits à chaque action de tuer, même virtuellement. Ainsi, l’action de tuer crée des effets qui sont des tendances similaires à la cause de tuer, des expériences similaires à la cause de tuer ainsi que des effets environnementaux. À l’avenir, dans une vie future nous aurons des tendances à tuer des êtres sensibles, nous ferons l’expérience d’être tué et d’avoir notre vie subitement écourtée ou encore un effet environnemental qui est une qualité de l’esprit qui fait l’expérience de ces conditions. Il est dit dans le livre « la Voie joyeuse » du même auteur, qu’un grand nombre de nos difficultés et de nos souffrances semblent être provoquées par des conditions extérieures, mais en réalité ce sont les effets environnementaux de nos propres actions négatives.

Dedales-02Quelle soit complète ou incomplète une action passée a créé des effets potentiels sur le continuum de notre esprit qui, sitôt les causes et les conditions remplies mûriront sous l’aspect d’une expérience agréable ou le plus souvent désagréable dans notre vie actuelle. Lorsque celle-ci se manifeste nous avons deux attitudes possibles à adopter, soit de manière constructive soit de manière péjorative. Soit de manière constructive en acceptant l’expérience comme une opportunité de purifier notre karma, ce qui aura pour conséquence de détruire les potentialités restantes de l’expérience ; soit de manière péjorative comme par exemple par de la colère ou toute autre action négative et dont la conséquence sera de générer de nouvelles graines karmiques dommageables pour notre avenir.

En conclusion, toutes les apparences qui se manifestent à notre esprit sont des effets karmiques de nos actions passées. Avant de nous engager dans une action quelle qu’elle soit, nous devons penser aux effets karmiques que celle-ci va produire. Dès que nous réalisons que nous sommes sur le point de nous engager dans une action négative source de souffrance, naturellement nous basons notre intention sur d’éventuels effets collatéraux extérieurs et non de l’impact direct sur notre esprit. En regardant les conséquences karmiques de notre action, une appréciation sans complaisance nous dit :  » Ça ne vaut certainement pas la peine de m’engager dans cette action négative ! ». Réalisant cette affirmation, nous prendrons la détermination de ne plus nous engager dans une telle action.

Compilé à partir d’un enseignement sur le livre « La Voie Joyeuse » ainsi que de notes personnelles d’un autre enseignement sur le livre « Comment comprendre l’Esprit » de G.K. Gyatso, reçus au Centre Atisha de Genève.

Crédits Illustrations http://fr.123rf.com

Se défaire de l’attachement désirant

Dans le livre « Comment comprendre l’esprit » G.K. Gyatso nous donne la définition de l’attachement désirant, je cite : « l’attachement désirant est, par définition, un facteur mental perturbé qui observe son objet contaminé, le considère comme étant cause de bonheur, et le désire ». Notre attachement provient de notre préoccupation de soi, laquelle donne naissance à une sensation de besoin. Ce besoin nous mobilise à la recherche du bonheur que nous pensons trouver dans les objets à l’extérieur de notre esprit. Une focalisation inappropriée exagère ensuite le pouvoir de l’objet au point d’avoir la conviction que personne d’autre actuellement pourrait créer un objet plus parfait pour satisfaire notre désir. Cela peut être n’importe quoi, une personne, un objet matériel ou autre.

Defaire-Attache 01Lorsque cette sensation se développe, deux possibilités sont envisageables. Soit nous ne sommes pas en possession de notre objet d’attachement et à ce stade nous pensons que nous ne pouvons pas être heureux sans lui. Ne détenant pas notre objet d’attachement nous ne pouvons pas être heureux et nous souffrons, nous nous sentons misérables, nous ne sommes pas bien. Tout se passe comme si nous ressentions un vide, une absence et à cause de cela nous souffrons. L’autre possibilité est que nous disposons bien de cet objet d’attachement, mais malheureusement celui-ci n’accomplit pas ou plus toutes les attentes projetées. Dans ce cas de figure, notre besoin non plus n’est pas rempli comme nous le voudrions et il en résulte une insatisfaction.

Ce désir inassouvi engendre de la colère envers l’objet d’attachement puisque celui-ci nous déçoit. Et à la suite de cette déconvenue, nous projetons notre envie sur quelque chose d’autre qui va le remplacer, un nouvel objet d’attachement. Et nous recommençons le même processus. Nous pensons : « Cet objet ne peut satisfaire mon bonheur … mais cet autre objet, alors oui il peut certainement satisfaire mon besoin de bonheur ». Tant que nous alimentons cette focalisation inappropriée dans notre esprit, nous passerons d’un objet contaminé à un autre, car aucun objet n’est source de bonheur dans le samsara. Tel un enfant, ébloui par une multitude de jouets attirants, prend l’un pour le lâcher ensuite au profit d’un autre qui lui semble plus intéressant ou peut détruire celui qui ne le satisfait plus.

Defaire-Attache 02Il est intéressant de remarquer ce processus récurant car sa compréhension nous permet d’enrayer le fonctionnement de l’attachement désirant dans notre esprit. Et pour se défaire de cet attachement, nous devons contempler les conséquences de celui-ci dans notre esprit. La première constatation est immédiate : tant que nous ne possédons pas l’objet  pour lequel nous développons de l’attachement, nous souffrons d’une manière ou d’une autre. La deuxième constatation est que : bien qu’en possession de notre objet, celui-ci ne répons pas ou ne répond plus à nos attentes et à nouveau nous souffrons. La troisième conséquence est une conséquence karmique : l’attachement désirant crée les causes pour qu’à l’avenir nous serons séparé de notre objet d’attachement.

Defaire-Attache 03L’attachement désirant est assimilable à une tempête sur l’océan de notre esprit que le vent de notre focalisation inappropriée manifeste sitôt que les causes et les conditions karmiques sont réunies. Tentant compte de tout cela, d’une manière générale, pour couper le pouvoir trompeur de l’attachement désirant nous devons identifier la déception qu’il nous procure. À tort nous sommes convaincus que les objets de notre attachement désirant sont une cause de bonheur et ce n’est pas le cas. Quand nous possédons enfin notre objet de bonheur, rapidement celui-ci cesse de nous procurer ce bonheur et nous sommes toujours malheureux. Nous succombons à la logique de l’attachement et en lui donnant notre assentiment nous sommes piégés et souffrons de ses conséquences.

Sur la base de notes personnelles et des enseignements tirés des livres « La Voie Joyeuse » et  « Comment Comprendre l’Esprit » de G.K. Gyatso, aux Ed. Tharpa, entendus au Centre Atisha de Genève.

Crédits Illustrations http://fr.123rf.com

 

Être satisfait de ce que l’on a

Cette attitude n’est pas forcément innée. Preuve en est que nous nous plaignons tout le temps de manquer de ceci, de vouloir cela ou de rêver à ce que nous pourrions bien obtenir encore. En conclusion, nous sommes plutôt malheureux à cause de tout ce que nous n’avons pas. Ainsi nous sommes sans cesse en quête du dernier objet tendance, de meilleures conditions de travail, de nouveaux amis et ainsi de suite. Ce processus se fonde sur le fait que nous recherchons à l’extérieur, dans le monde matériel ce qui pourrait enfin nous rendre heureux. Nous sommes persuadés que ce qu’il nous manque doit bien exister à quelque part dans le samsara. À peine nos achats de fin d’année terminés que déjà nous nous précipitons pour faire de nouveaux achats afin de profiter de cette période de soldes. Non content de notre dernière acquisition, nous sommes déjà à la recherche de quelque chose pour la remplacer.

Satisfait-Content-02D’où vient ce manque de satisfaction? Lorsque nous saisissons par exemple un objet convoité, nous le faisons parce que l’objet « répond » à nos attentes, parce qu’il va nous plaire. Mais en fait, cette « envie de plaire » où se trouve-t-elle? Est-ce que c’est l’objet qui est plaisant ou est-ce que c’est nous qui avons envie que l’objet nous plaise? C’est là que nous tombons dans le piège. Pourquoi? Parce que si l’objet est plaisant de manière intrinsèque, il devrait l’être tout le temps. Or, nous savons par expérience que ce n’est pas le cas. Un objet nous plaît un certain temps puis nous lasse et nous souhaitons en changer. L’objet n’a aucun pouvoir de nous plaire de son côté. En toute honnêteté nous devons nous poser la question : « Est-ce que cet objet plaisant me donne envie de le posséder, ou bien est-ce moi qui ai envie de cet objet plaisant? ». Cette simple question met en évidence une des six perturbations mentales racines appelée attachement désirant.

Dans le premier cas, nous pouvons ne pas donner suite « à l’appel » de l’objet plaisant. Et dans le second nous activons déjà l’intention de posséder l’objet. Cette intention est le produit de notre attachement désirant. Dans son livre « Comment comprendre l’esprit », G.K. Gyatso nous donne la définition de l’attachement désirant, je cite « L’attachement désirant est, par définition, un facteur mental perturbé qui observe son objet contaminé, le considère comme étant cause de bonheur, et le désire ». C’est pour cette raison, qu’en accord avec cette définition nous sommes constamment sollicités par des objets de désir que nous ne possédons pas et qui de ce fait nous rendent malheureux. Notre souffrance provient de notre ignorance, persuadés que nous sommes en croyant que les objets extérieurs à notre esprit ont le pouvoir de nous faire succomber à la tentation.

Satisfait-Content-01Si nous contemplons nos désirs, nous constaterons qu’ils sont excessifs. Pour être satisfaits nous voulons posséder toutes les meilleures choses, que ce soit le travail, le partenaire, la voiture, le téléphone portable et ainsi de suite. Si nous ne possédons pas les meilleures choses dans quelque domaine que ce soit, nous éprouvons un sentiment de déception. Contrairement à l’idée reçue, nous ne sommes pas obligés de changer de téléphone portable chaque année pour profiter de l’offre exceptionnelle de notre fournisseur. Malgré les offres alléchantes des médias, nous ne sommes pas astreints d’acquérir toutes ces choses qui captivent nos désirs sans fin. Si l’obsolescence appliquée aux biens de consommation s’impose à notre insu, nul n’est besoin d’en accélérer l’échéance par de nouvelles acquisitions compulsives. Alors comment faire pour ne pas tomber dans cet engrenage qu’est le samsara?

Les enseignements du dharma nous donnent la solution pour ne pas suivre les perfidies du samsara. En contemplant ses défauts, nous serons rapidement persuadés que la nature du samsara est de nous maintenir dans la souffrance. Pour nous tirer d’affaire, nous devons remplacer notre attachement aux choses par un état d’esprit opposé, le renoncement. Ce qui ne veut pas dire que nous devons nous priver et abandonner ce que nous possédons. Nous devons empêcher l’attachement désirant de se manifester dans notre esprit. L’attractivité de l’objet quel qu’il soit n’est pas une caractéristique intrinsèque de celui-ci mais le résultat de notre ignorance. En comprenant ceci, notre sagesse naturellement nous dira : « Mieux être heureux avec ce que l’on a que d’être malheureux en nous focalisant sur ce que nous n’avons pas ».

Rédigé à partir de mes notes personnelles d’un enseignement du Programme Fondamental basé sur le livre « La Voie Joyeuse » de G.K. Gyatso reçu au Centre Atisha de Genève

Crédits Illustrations http://fr.123rf.com

Verre à moitié plein, verre à moitié vide

Imaginons que Vincent et Pierre observent deux verres posés sur la table devant eux et soyons attentifs à leurs propos. Des deux verres observés, quel est celui qui est à moitié plein et quel est celui qui est à moitié vide ? Vincent dira : « C’est celui de gauche qui est à moitié plein et celui de droite qui est à moitié vide ! » Non, rétorquera Pierre : « C’est le verre de gauche qui est à moitié vide et celui de droite qui est à moitié plein ! » Qui de Vincent ou de Pierre a raison?

D’un certain point de vue les deux ont raison. Pourtant, d’un autre point de vue les deux verres, de par leur aspect ils sont identiques. Alors, par exemple, qu’est-ce qui fait dire à Vincent que c’est le verre de gauche qui est celui à moitié plein? Il doit bien y avoir une caractéristique du côté de l’objet qui atteste cela. Mais si tel était le cas, cette caractéristique serait contestée par Pierre qui dit exactement le contraire. Cette contradiction nous amène logiquement à la conclusion que les caractéristiques intrinsèques « à moitié plein »  et « à moitié vide » ne peuvent coexister simultanément du côté du verre. De la même manière qu’un objet ne peut être à la fois noir et blanc. En d’autres termes, le verre ne possède pas de telles caractéristiques puisqu’elles s’excluent l’une l’autre.

Verre-moitié-moitié-02Pourtant, Vincent et Pierre sont de bonne foi dans leur affirmation. Alors comment comprendre cela? Chacun a la conviction d’avoir raison, pourquoi? Parce que leur état d’esprit est différent, et selon l’état d’esprit du moment, l’un voit le verre à moitié plein et l’autre à moitié vide. Chacun désigne l’objet qu’il voit soit avec l’étiquette « verre à moitié plein » soit avec l’étiquette « verre à moitié vide ». Cette étiquette, cette désignation ou encore cette imputation est créée par l’esprit en relation dépendante de l’objet perçu. Cette caractéristique du verre est un attribut ou une qualité affectée par l’esprit qui le perçoit. En fait, nous attribuons des noms, des caractéristiques et des états à tout ce que nous percevons. Et au cours de toute notre vie, nous avons appris à désigner et nommer les choses perçues.

À ce propos, les enseignements de Bouddha sont sans équivoque. Tout est création de l’esprit. Rien n’existe de manière intrinsèque, de son propre côté en dehors de notre esprit. Oui bien sûr, ils existent d’une manière conventionnelle mais de manière ultime ce n’est pas le cas. C’est là que cela devient intéressant. Chaque fois que nous percevons un objet et que nous avons la conviction qu’il existe de la manière dont il nous apparaît, nous sommes sûrs de nous tromper. Chaque fois que nous avons l’évidence d’un objet qui existe en face de nous, nous sommes piégés par notre ignorance. Comprendre l’existence vraie d’un objet fera appel à notre esprit de sagesse qui, par une analyse méthodique, arrivera à la conclusion qu’un tel objet est vide d’existence inhérente. En conclusion, aussi bien « le verre à moitié vide » que « le verre à moitié plein » n’ont d’existence indépendamment de notre esprit.

Compilé d’après mes notes prises durant une période de retraite en 2015 d’après une transcription d’un cours au Centre Atisha de Genève

Querelles et conflits

Dans notre vie courante nous sommes parfois impliqués dans un conflit ou une querelle dont l’importance est changeante. Prétendre que tel n’est pas le cas serait peut-être un signe que nous refoulons ce genre de situations. Si nous sommes alors impliqués, il est important de savoir que faire dans ces moments délicats avec l’aide des enseignements de Bouddha, le dharma. Évidemment qu’il serait préférable de ne pas avoir de querelles et de conflits dans notre vie, mais quand ceux-ci sont inévitables comment devrions-nous nous comporter?

Nous devrions en tous les cas admettre la présence de perturbations mentales dans notre esprit. En nous prenant en otage, celles-ci influencent plus ou moins fortement notre attitude dans la situation et nous font perdre le contrôle de notre esprit et par là notre manière d’agir et de répondre de manière constructive. Sur l’injonction de notre préoccupation de soi, nous voulons prendre l’avantage de la situation au détriment des autres. Or nous devrions tenir compte que les perturbations mentales sont basées sur une manière fallacieuse de voir les choses.

Dispute-01Lorsque nous vivons une querelle ou une dispute et que nous examinons notre état d’esprit, nous sommes convaincus de la pertinence de notre point de vue. Évidemment, nous avons raison et le ou les autres sont dans leur tort. Les perturbations mentales manquent d’objectivité et ne voient que les fautes chez les autres. Alors nous pensons par exemple : « Mon interlocuteur est exécrable, je ne sais comment lui faire entendre raison! C’est sûr et certain qu’il a tort! ». « Comment peut-on être aussi borné dans ce cas? ».

Telle une étincelle qui met le feu aux broussailles, la colère s’active en nous. Pensant qu’en imposant suffisamment d’invectives alimentées par la colère grandissante l’autre changera sa position à notre avantage. À nos yeux il nous paraît nécessaire d’agir ainsi pensant que c’est pour le bien de l’autre. Nous croyons ainsi créer un meilleur comportement de l’autre personne au moyen de la colère. Mais en réalité, plus nous essayons de contrôler les autres avec notre colère, plus ceux-ci se sentant agressés de la sorte seront sur la défensive par esprit de contestation.

À n’importe quel moment de la querelle ou du conflit, nous devons rester honnête avec nous-même. Nous restons conscients de notre capacité à être constructif dans le différent qui nous oppose à l’autre. Si nous réalisons que nous n’en avons pas les moyens, mieux vaut alors opter pour un temps de réflexion de part et d’autre jusqu’à ce que nous soyons dans de meilleures dispositions. Rien ne sert de poursuivre une discussion trop animée aussi longtemps que les protagonistes sont agités ou perturbés.

Souvent dans une discussion, si nous laissons libre cours à nos émotions, nous pouvons en arriver même à oublier l’objet principal de celle-ci. Notre attention est d’avantage occupée par la manière dont les choses sont dites plutôt que de nous investir dans leur contenu. Nous sommes par exemple irrités par le ton de la voix d’une personne ou nous ne donnons pas une interprétation correcte à ses intentions. Il nous paraît impératif de dire quelque chose et nous interrompons l’autre ne lui laissant pas le temps de finir sa phrase. La discussion prend alors l’aspect d’une joute oratoire dans laquelle chacun critique l’autre sur sa manière de parler.

Si nous mettons en lumière la raison profonde qui mobilise la personne, le différent sera rapidement réglé. Mais tant que « nous tournons autour du sujet en question » le conflit s’installe dans la durée. Nous devons nous poser la question de savoir pourquoi la personne agit de cette manière. Si nous traitons le souci, la préoccupation de l’autre, le problème va disparaître. Ce faisant nous montrons notre respect envers le souci, la préoccupation de l’autre. En comprenant et respectant notre interlocuteur, celui retrouve sa confiance et le problème sera résolu rapidement. La difficulté réside dans le décryptage des propos de l’autre qui nous amènera à le comprendre.

La difficulté réside dans le décryptage des propos de l’autre qui nous amènera à le comprendre. Souvent, la priorité est donnée à l’émotion et non pas à la réflexion ou à l’analyse d’une situation. Et le risque que l’émotion pure l’emporte peut annihiler l’aboutissement de la discussion. L’attitude agressive de notre interlocuteur vient probablement de la sensation de ne pas être écouté et que c’est la seule façon d’attirer l’attention.

Dispute-02Dans la dispute ou la querelle, les deux parties ont leur part de responsabilité. Pour espérer désamorcer la crise, en aucun cas nous ne devons accepter la responsabilité de l’expérience de l’autre et ne blâmons jamais l’autre pour notre propre expérience. Souvent nous adoptons une attitude inappropriée pensant que nous sommes « responsables de tout ce qui se passe dans ce monde ». À tort, nous projetons sur l’autre nos propres intentions et si elles ne correspondent pas à notre vision nous sommes profondément déçus.

Alors que la loi du karma dit clairement que chacun est responsable de ses propres actes, nous prenons délibérément le pouvoir de dire à l’autre ce qui est bon ou mauvais pour lui. C’est faire preuve de manque de sagesse et à terme l’autre personne se déresponsabilisera de ses actes en mettant la faute sur nous. C’est pourquoi nous signifierons au protagoniste ses propres responsabilités dans ses choix d’expériences. Bouddha enseigne que tous les êtres vivants n’ont aucun défaut. Ce n’est pas suffisant de juste le savoir, faut-il encore trouver son application dans notre quotidien. La sagesse de cette affirmation doit influencer positivement notre mode de vie et les disputes et querelles se feront moins fréquentes.

Inspiré d’un enseignement basé sur le livre « Huit étapes. vers le bonheur » de G. K. Gyatso reçu au Centre Atisha de Genève.

Crédits Illustrations http://fr.123rf.com

Débusquer l’impatience

Avant de prétendre améliorer sa patience en présence d’une simple contrariété de notre vie quotidienne, il est très profitable de débusquer l’impatience. Chacun peut prétendre ne pas être habituellement impatient, mais pourtant celle-ci est très présente dans notre esprit à tous. Car tant que la préoccupation de soi nous influence et nous prend en otage, il y a comme une petite voix qui souvent se manifeste en disant : « Moi je suis important, et je n’ai pas de temps à perdre! ». Pour illustrer cela, prenons comme exemple l’expérience vécue, dans laquelle beaucoup d’entre nous se reconnaîtront.

J’ai besoin de contacter un établissement bancaire par téléphone pour avoir une information personnelle. Mon appel aboutit dans un Call center et une voix enregistrée me répond en quatre langues que mon appel est dans une liste d’attente, que je dois « prendre patience », de rester en ligne et qu’il me sera répondu dès que possible. Puis, pour meubler l’attente une musique m’accompagne. Au bout de cinq Impatience-01minutes, la même voix répète le message : « Actuellement tous nos collaborateurs sont occupés … votre appel sera pris dès que possible ». Un autre intervalle d’attente s’écoule et de nouveau le message revient à mes oreilles pour la troisième fois.

C’est là que commence quelque chose d’intéressant. Je pense alors : « voilà plus de quinze minutes que j’attends et cela me contrarie » et mon esprit n’est plus du tout calme. Et un peu plus tard je surenchère : « Cela commence à bien faire, je n’ai pas envie d’attendre moi car j’ai d’autres tâches à terminer ». Mon impatience devient palpable, que faire ? J’hésite à raccrocher. Mais peut être dans un instant ce sera mon tour…  ou peut être pas, qu’est-ce que je Impatience-02fais alors ? L’impatience est sur le point de me prendre en otage. Les minutes passent et je suis toujours à attendre tandis que l’impatience est manifeste dans mon esprit.

À ce stade, il y a deux options à choix. Soit je donne mon assentiment à l’impatience avec toutes ses conséquences, soit je développe la patience, dussé-je attendre encore. Les conséquences de la première sont la colère et la frustration, le mécontentement qui vont envahir mon esprit sous la forme de souffrance. Tandis que le résultat de rester calme et paisible se traduira par une attitude vertueuse qui reconnaît la présence de l’impatience mais ne la suit pas. Avec de la persévérance de telles situations n’auront plus d’impact négatif sur mon esprit.

Ce scénario est applicable à un grand nombre de situations quotidiennes telles que les files d’attente au supermarché, dans les embouteillages, etc. Nous devons surmonter la colère et l’intolérance par l’acceptation patiente. La patience est un esprit vertueux capable de supporter toutes les souffrances et tous les maux. Nous pouvons la pratiquer à tout moment dans nos activités quotidiennes. Pour cela nous devons être attentifs et vigilants pour débusquer la moindre impatience en comprenant que celle-ci est sur le point de nous nuire.

Expérience personnelle documentée par mes lectures de « La Voie Joyeuse » et « Comment comprendre l’esprit » de G.K. Gyatso aux Ed. Tharpa

Crédits Illustrations http://fr.123rf.com

Réflexions à propos du guide spirituel

Tout comme pour soutenir une voute d’un édifice existe une pierre particulière importante appelée clef de voute, le guide spirituel est en quelque sorte la clef de voute de notre pratique spirituelle.

Guide spirit-01Sans lui, construire une pratique efficace nous conduisant vers l’illumination sera quasi impossible. Parce que si nous maîtrisons la pratique qui consiste à « s’en remettre à un guide spirituel », nous pouvons faire autant de progrès en un seul instant que de pratiquer d’autres pratiques durant mille éons. La pratique suprême consiste à considérer tout ce que nous percevons comme quelque chose émané par notre guide spirituel. En d’autres termes, cela consiste à ramener toutes nos pratiques à une seule, « s’en remettre à notre guide spirituel », communément appelée le gourou-yoga. Comment comprendre cela? Si nous imaginons par exemple Bouddha Shakyamouni dans l’espace devant nous, c’est l’endroit où nous imaginons un bouddha. Appliquer le gourou-yoga, c’est imaginer notre guide spirituel dans l’aspect de Bouddha Shakyamouni. De manière plus étendue, lorsque nous disons « C’est mon guide spirituel dans l’aspect de … », c’est en fait une pratique du gourou-yoga.

Un bouddha est apte à manifester différentes formes dont celle de notre guide spirituel. De ce point de vue, nous pouvons également considérer tout ce que nous percevons comme une manifestation de notre guide spirituel émané par Bouddha Shakyamouni. Pourquoi cette manière de pratiquer est si puissante? Tout simplement parce que : où nous imaginons un bouddha, un véritable bouddha se manifeste à cet endroit; à l’endroit où se manifeste un bouddha, celui-ci accompli la fonction d’un bouddha qui est d’accorder ses bénédictions. Ainsi, d’une manière générale, nous pouvons nous souvenir des quatre reconnaissances principales relatives au guide spirituel.

  • Toutes les formes, et en particulier nos proches, nos amis du dharma sont le corps de notre guide spirituel.
  • Tous les sons que nous entendons, et en particulier les instructions elles-mêmes sont les paroles de notre guide spirituel.
  • Toutes les activités mentales, et en particulier les idées du dharma sont les pensées provenant de l’esprit du guide spirituel.
  • Et que tout ce qui est présent actuellement se passe dans l’esprit omniscient de notre guide spirituel, le dharmakaya.

Guide spirit-02Grâce à cette vue, en intégrant ces quatre reconnaissances nous imaginons recevoir les bénédictions de toutes les formes, de tous les sons, de toutes les pensées et toutes les actions de notre guide spirituel qui nous amène à l’illumination. Dans son livre « Huit étapes vers le bonheur », Ghéshé Kelsang Gyatson écrit à la page 178, je cite : « En entrainant notre esprit à voir des enseignements spirituels dans tout ce que nous vivons, nous pouvons en arriver à considérer tout être et toute chose comme notre enseignant spirituel, et nous pouvons  transformer à notre avantage toute situation sans exception ». Donc, si nous imaginons qu’absolument tout est émanation de notre guide spirituel dans l’aspect de quelqu’un ou quelque chose, véritablement celui-ci entre dans les formes et les objets. Et en faisant le rapport avec n’importe quelle chose en la considérant comme une émanation de notre guide spirituel, nous recevrons ses bénédictions à travers cette chose.

Tout se passe comme si nous prenions la décision de ne plus voir les choses et les objets comme ordinaires, mais de les percevoir comme des émanations de notre guide spirituel. Habituellement nous n’avons pas cette capacité de considérer notre existence et notre environnement. Ceci est dû à notre renaissance contaminée dans un corps ou un esprit contaminé et nos obstructions nous empêchent d’avoir un point de vue autre que celui d’un esprit grossier et impur. Mais en fait, en considérant qu’il s’agit d’une émanation de notre guide spirituel, à travers ses bénédictions nous purifions notre esprit en le soustrayant à l’apparence ordinaire des choses. C’est comme si une nouvelle perception motivée par la sagesse transforme notre vision des choses. Si nous considérons les personnes et les choses comme ordinaires, nous faisons avec elle un rapport ordinaire. Par contre, si nous faisons un rapport avec ces mêmes personnes et ces mêmes choses d’une manière pure, en les considérant comme une émanation du guide spirituel, tout apparaîtra comme étant pur.

Compilé et inspiré d’un enseignement du Programme Fondamental d’après le livre « La Voie Joyeuse » de Kelsang Gyatso, Ed. Tharpa, donné par Kadam Ryan au Centre Atisha en 2004

Crédits Illustrations http://fr.123rf.com

Comment s’épanouir dans notre pratique du dharma

Lorsque notre pratique du dharma nous semble insatisfaisante, nous nous posons alors la question : « Comment puis-je m’épanouir dans ma pratique du dharma? ». D’aucuns trouvent leur pratique difficile et astreignante, d’autres ont l’impression de ne pas progresser et se découragent ou bien n’arrivent pas à concilier leur pratique du dharma avec leurs activités quotidiennes et pour d’autres raisons encore. La pratique du dharma est sensée nous épanouir, nous libérer et nous rendre heureux et progressivement déployer ses bienfaits dans tous les registres de notre vie. Tant que nous ne comprenons pas qu’il n’y pas de dichotomie entre notre vie de tous Epa-Dharma-01les jours et notre pratique, nous avons effectivement deux tâches distinctes à effectuer. Est-ce bien le cas pour nous? Pourquoi?

Lorsque nous seront capables de nous épanouir dans notre pratique du dharma et de la faire fleurir, il en sera de même dans notre vie. Les acquis de la pratique du dharma induisent des apprentissages intérieurs qui vont peu à peu transformer nos expériences quotidiennes. La fonction du dharma est de nous conduire vers l’harmonie et la paix intérieure. La raison pour laquelle nous ne nous épanouissons pas dans notre pratique est en fait très simple. Chacun possède un potentiel de pureté, une nature de bouddha dans son esprit depuis des temps sans commencement. C’est notre nature la plus subtile ou notre claire lumière de félicité ou plus simplement notre vrai Soi. Malheureusement, nous sommes totalement absorbés par ce qui semble se passer à l’extérieur et oublions la présence de ce potentiel capable de nous aider.

Ne réalisant pas que tout ce que nous croyons exister à l’extérieur est en fait la création de notre esprit perturbé, nous attribuons à nos hallucinations le pouvoir de nous épanouir. Provenant d’un tel esprit nous ne pouvons qu’être déçus! Nous recherchons les causes d’épanouissement à la mauvaise place, au mauvais endroit. Tandis que si nous tournons notre attention vers l’intérieur, au niveau de notre cœur où se trouve notre graine de bouddha, nous mélangeons notre esprit avec ce potentiel de pureté. Nous mélangeons notre esprit avec notre nature de bouddha, notre vrai Soi, là d’où viennent toutes les réponses à nos problèmes. En faisant ce voyage intérieur, nous recevrons les nombreuses bénédictions nous permettant de nous épanouir davantage. Mais pour faire ce voyage intérieur, nous devons développer la bonne attitude qui consiste à développer Epa-Dharma-02notre sagesse, notre habileté, notre patience. Alors nous donnons plus d’ampleur et de pertinence à notre pratique du dharma nous aidant ainsi à résoudre nos problèmes quotidiens.

La principale difficulté que nous rencontrons au cours de ce voyage se résume à notre paresse. Dans son livre « Comment comprendre l’esprit », Ghéshé Kelsang Gyatso défini la paresse, je cite : « la paresse est un facteur mental perturbé qui, motivé par l’attachement aux plaisirs ou aux activités de ce monde, n’aime pas les activités vertueuses ». Ce manque d’intérêt pour la pratique du dharma est appelée paresse de l’attachement. Tant que nous entretenons cette paresse dans notre esprit, nous continuerons à éprouver malheurs et souffrances et nous rencontrerons sans cesse des problèmes. À chaque instant de notre vie, nous avons le choix en donnant la priorité à notre pratique du dharma plutôt que de nous complaire dans des activités futiles du samsara.

Pour vaincre cette paresse de l’attachement, nous devons identifier les perturbations mentales qui font obstacle à notre pratique et apprendre à nous en libérer. Principalement nous devons éliminer de notre continuum mental les perturbations que sont l’attachement désirant aux objets samsariques, la colère ou aversion et l’ignorance. Tant que ces poisons interfèrent avec notre pratique, celle-ci sera forcément moins profonde, moins stable et moins gratifiante. Cette paresse de l’attachement est une conséquence de notre préoccupation de soi sitôt que nous pensons à notre propre corps ou à notre propre esprit. Cette préoccupation de soi fait naître en nous l’attachement désirant chaque fois que nous pensons à un objet que nous estimons plus important que notre pratique du dharma.

Un autre obstacle rencontré dans notre pratique qui nous empêche de nous épanouir est la non-acceptation de là où nous sommes qui peut se traduire de deux manières différentes. Soit nous avons une vue exaltée de nous même en fixant la barre de nos exigences trop haut ou bien nous avons une attitude désenchantée pensant que nous sommes nuls ou que nous n’y arriverons jamais. Bien sûr nous voudrions déjà être capables de méditer longuement sur des sujets profonds comme le calme stable ou la vacuité et trouver une solution instinctive à tous nos problèmes. Nous devrions concevoir Epa-Dharma-03de tels objets comme des objectifs à long terme et non comme un impératif immédiat. Nous devrions tenir compte des causes karmiques qui entravent notre progression.

Nous pouvons alors adopter une attitude confortable qui consiste à se dire : « Bien que j’ai en moi cette nature de bouddha, je ne l’ai pas encore pleinement réalisée mais aujourd’hui je maintient l’intention de le faire en acceptant où je suis avec toutes mes imperfections ». Cette acceptation va nous libérer de tout jugement et d’un sentiment de culpabilité pour progresser vers un véritable épanouissement dans le dharma.

Inspiré et compilé d’après un atelier du même nom donné par Timothy Leighton au Centre Atisha de Genève en 2009

Crédits Illustrations http://fr.123rf.com

Réflexion sur la pratique du dharma

Qu’est-ce que c’est véritablement la pratique du dharma? La pratique du dharma consiste à utiliser le dharma comme la solution de tous nos problèmes. Si nous ne connectons pas notre pratique du dharma avec nos problèmes quotidiens, nous ne pratiquons pas vraiment. Le dharma ne peut pas être pratiqué de manière abstraite ou ce serait insensé de le limiter à sa seule compréhension intellectuelle. Nous devons prendre conscience de ce que sont nos Pratique-01vrais problèmes, les perturbations mentales, et d’envisager la solution à la lecture du dharma. Les enseignements de Bouddha, regroupés sous ce nom ont un caractère pragmatique, une véritable technologie qui donnent réponse à tous nos problèmes. Nous pouvons ainsi régler ceux posés par nos perturbations mentales de manière personnalisée. Pour cela, nous pouvons nous poser chaque matin au réveil la question suivante : « Quel est aujourd’hui le plus grand problème qui me préoccupe? » La première réponse qui viendra naturellement à l’esprit sera une situation ou quelque chose d’externe, comme par exemple le travail, les collègues, la voiture etc.

Habituellement la première réponse sera par exemple : « Mon travail! Et dire que je vais devoir supporter encore ce chef qui décrédite tout ce que je fais! ». Une telle réponse est avant tout un constat et ne nous aide guère. Elle peut tout au plus être le motif de nos lamentations, de notre frustration ou de notre colère. De Pratique-02manière plus profonde, tout problème comporte deux aspects, un aspect qui nous semble à l’extérieur de notre esprit et un aspect intérieur de notre esprit. Nous devons clairement faire la distinction entre ces deux aspects du problème. Dans cet exemple, plus que la situation détestable au bureau, c’est la sensation désagréable que cette ambiance provoque dans l’esprit qui est le véritable problème. En d’autres termes, l’ambiance exécrable au travail est l’aspect extérieur du problème tandis que la sensation détestable perçue est l’aspect intérieur de celui-ci. Le feeling déplaisant qui occupe notre esprit est le véritable problème. Par familiarité, nous percevons généralement les problèmes sous un seul aspect, leur aspect extérieur et faisons abstraction de l’autre aspect, l’aspect intérieur. Pas étonnant que nous avons des difficultés à les résoudre.

Pour mieux comprendre ce processus, nous pouvons considérer le problème extérieur à notre esprit comme une cause circonstancielle et le sentiment haïssable de la situation comme la cause substantielle, responsable de notre mal-être. Généralement, nous n’avons pas directement le contrôle des circonstances de ce qui nous arrive dans la vie et nous devons les affronter. Par contre nous pouvons agir sur la cause substantielle du problème, la perturbation mentale activée par la circonstance. Si, face à une problématique, nous changeons notre réponse habituelle en considérant chaque problème sous ces deux aspects, progressivement nous ramenons notre focalisation sur l’aspect intérieur plutôt que sur le seul aspect extérieur qui est hors de notre contrôle. Ce faisant, nous découvrons que notre vrai problème est nos perturbations mentales qui sont la cause de notre état d’esprit négatif. Et lorsque nous avons bien identifié notre vrai problème tel que la frustration, la colère et ainsi de suite nous allons pouvoir utiliser le dharma comme la solution spécifique qui nous libérera de notre posture inconfortable. Le dharma n’est pas en mesure de régler le problème extérieur, comme par exemple l’ambiance détestable au travail. En changeant notre état d’esprit avec les conseils du dharma, nous pouvons percevoir celle-ci différemment et orienter notre esprit vers les effets collatéraux de la cause circonstancielle et non la cause elle-même. Dans notre exemple, nous orienterons notre esprit vers la frustration, la colère ou le dénigrement que la situation engendre dans notre esprit et nous utiliserons le dharma comme solution.

Ainsi, nous utiliserons le dharma pour régler la perturbation mentale colère présente dans notre esprit. Autrement dit, nous réalisons que si nous acceptons l’action de cette colère dans notre esprit nous créons une cause de prendre une renaissance dans les règnes inférieurs. Sincèrement est-ce que ça en vaut vraiment la peine? Manifestement non et c’est pourquoi nous ne donnons pas notre assentiment à la colère qui veut nous détruire et nous rendre plus misérable encore. Une fois le problème de la colère réglé, la critique de notre supérieur aura moins d’impact sur nous et finira par s’épuiser et cesser. En conséquence de ce travail, d’autres problèmes en affinité avec la colère tels que l’esprit incontrôlé, le karma négatif Pratique-03sur notre esprit et ainsi de suite apparaissent. Nous pouvons alors étendre notre application de la pratique du dharma à ceux-ci également. De cette manière nous allons progressivement éradiquer toutes les perturbations mentales responsables de notre souffrance.

Progressivement le ressenti de notre problème se développe en incluant d’autres choses. De cette manière au fil du temps un jour nous allons nous réveiller et nous poser la traditionnelle question à laquelle la réponse claire sera : « Oups! Je peux très bien prendre une renaissance inférieure ». Souvent, dans notre pratique nous aurons de petites crises. Mais après un certain temps, la pratique du dharma prendra une place prépondérante dans notre vie. Le dharma devient un mode de vie. Si en nous posant la question : « Pourquoi je pratique le dharma? » nous ne trouvons pas de raison valide, nous devons retourner  au fondement des enseignements de Bouddha. À savoir que nous voulons être contents, être heureux, que nous souffrons à cause de nos perturbations mentales et le dharma nous donne les outils avec lesquels nous pouvons les éliminer. En conclusion, nous pratiquons le dharma parce que cela fonctionne. Lorsque nous avons cette attitude pragmatique, « Je pratique parce que cela fonctionne pour moi et que c’est la manière même par laquelle je peux résoudre tous mes problèmes », avec cette motivation nous pouvons continuer de pratiquer sans crainte d’abandonner le dharma.

Inspiré d’après un enseignement du Programme fondamental sur le livre « La Voie Joyeuse » de Ghéshé Kelsang Gyatso donné par Kadam Ryan au Centre Atisha de Genève.

Crédits Illustrations http://fr.123rf.com