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Se méprendre sur qui nous sommes

Aussi longtemps que nous nous identifions à quelque chose qui par nature est contaminé, nous sommes terriblement limités dans notre développement spirituel. Or du fait même de notre renaissance samsarique, nous sommes piégés dans un corps contaminé et dans un esprit contaminé. Cette contamination n’est pas due à un microbe ou à un virus ordinaire, provenant du monde extérieur, elle est due à Méprendre-01la présence d’innombrables perturbations mentales sur le continuum mental à l’intérieur de notre esprit. Et les effets de celles-ci nous font rencontrer des situations qui sont la cause de notre souffrance. Pourquoi? Parce que nous pensons que ce corps et cet esprit, nos agrégats contaminés, sont géniaux et peuvent nous procurer le bonheur que nous recherchons.

En octroyant des qualités susceptibles de nous rendre heureux à nos agrégats contaminés, nous nous trompons complètement. Ils ne sont rien d’autre qu’un piège dans lequel nous nous trouvons. Et plus nous essayons de tirer profit de ces agrégats contaminés, plus nous nous amalgamons avec eux. Parce que nous sommes convaincus que là est la source de notre bonheur, essayer d’extraire un quelconque plaisir de nos agrégats contaminés, est un piège fatal. Nous n’avons pour cela pas besoin de contempler longuement le bilan des avantages et des désavantages de nos agrégats contaminés pour conclure qu’ils nous procurent nettement plus de souffrances que de plaisirs. À vrai dire, notre vie dans le samsara est essentiellement remplie de souffrances.

Méprendre-02Ce corps que nous chérissons tant nous a fait souffrir dès notre naissance entretiendra cette souffrance jusqu’à notre mort en passant par la maladie et le vieillissement. Lorsque nous rencontrons quelques instants de plaisir, tôt ou tard nous serons déçus et trahis par les conséquences des souffrances qui en résulteront. Notre esprit ordinaire est quant à lui encore moins fiable que notre corps ordinaire. Notre esprit ordinaire nous trahit à chaque instant. Notre esprit ordinaire nous donne systématiquement le conseil à l’opposé de ce qui serait bon pour nous. La fonction de nos perturbations mentales est de nous induire dans l’erreur. Comment pouvons-nous vraiment faire confiance en ce corps et à cet esprit qui nous font tant souffrir alors que nous attendions d’eux un bonheur durable?

En conclusion de ce qui précède, nos agrégats contaminés, notre corps et notre esprit ordinaires ne sont pas dignes de confiance. Ils ne sont pas fiables! Et si nous avons choisi ceux-ci pour établir la base de notre bonheur, nous avons effectivement fait le mauvais choix. Mais heureusement, nous ne sommes pas ces agrégats contaminés. Nous sommes bien le possesseur de ceux-ci, mais nous ne sommes pas ceux-ci. Nos agrégats contaminés sont le résultat de notre karma négatif depuis des temps sans commencement. Ils sont la preuve même de notre manière de fonctionner depuis des temps sans commencement. Si nous voulons vraiment développer notre confiance en qui nous sommes, nous devons réaliser qui est notre vrai soi.

Méprendre-03Qui nous sommes est notre potentiel pur, notre graine de bouddha, notre vrai Soi. Tenant compte de cela, arrêtons de nous identifier à notre corps et notre esprit ordinaires en les considérant source de bonheur. Actuellement, de manière aveugle nous nous en remettons aux mauvais conseils de notre esprit ordinaire. Nous suivons inconditionnellement celui-ci systématiquement. Mais en fait il y a une autre source de conseils dans notre esprit, notre potentiel pur que nous pouvons considérer comme un guide spirituel. Notre travail consiste d’apprendre à comment nous en remettre exclusivement à lui avec confiance. Une des raisons principale pour laquelle nous nous n’en remettons pas à lui est tout simplement parce que nous ne l’entendons pas ou que nous ne l’écoutons pas.

Pourquoi fonctionnons-nous ainsi? Parce que nous n’avons pas encore compris le fait que les conseils de notre esprit ordinaire sont faux et que nous n’avons pas saisi le bienfondé des conseils de notre guide spirituel. Nous faisons de la résistance envers le plan du guide spirituel. De cette attitude soit nous pensons qu’il n’a pas un bon plan pour nous, soit nous pensons ne pas mériter celui-ci parce nous ne nous sentons pas capables de le mettre en pratique dans notre vie. Nous pensons peut-être savoir ce qui est le meilleur pour nous. Une lutte incessante dans notre esprit nous accapare ne sachant discerner entre notre vie ordinaire et notre vie spirituelle. Seule la foi nous dirigera vers la voie spirituelle. C’est normal que cela suscite des peurs de changer d’habitude.

Inspiré du Cours du Programme fondamental basé sur le livre « Huit Etapes ver le Bonheur » reçu au Centre Atisha de Genève en 2009.

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Réflexion sur la pratique du dharma

Qu’est-ce que c’est véritablement la pratique du dharma? La pratique du dharma consiste à utiliser le dharma comme la solution de tous nos problèmes. Si nous ne connectons pas notre pratique du dharma avec nos problèmes quotidiens, nous ne pratiquons pas vraiment. Le dharma ne peut pas être pratiqué de manière abstraite ou ce serait insensé de le limiter à sa seule compréhension intellectuelle. Nous devons prendre conscience de ce que sont nos Pratique-01vrais problèmes, les perturbations mentales, et d’envisager la solution à la lecture du dharma. Les enseignements de Bouddha, regroupés sous ce nom ont un caractère pragmatique, une véritable technologie qui donnent réponse à tous nos problèmes. Nous pouvons ainsi régler ceux posés par nos perturbations mentales de manière personnalisée. Pour cela, nous pouvons nous poser chaque matin au réveil la question suivante : « Quel est aujourd’hui le plus grand problème qui me préoccupe? » La première réponse qui viendra naturellement à l’esprit sera une situation ou quelque chose d’externe, comme par exemple le travail, les collègues, la voiture etc.

Habituellement la première réponse sera par exemple : « Mon travail! Et dire que je vais devoir supporter encore ce chef qui décrédite tout ce que je fais! ». Une telle réponse est avant tout un constat et ne nous aide guère. Elle peut tout au plus être le motif de nos lamentations, de notre frustration ou de notre colère. De Pratique-02manière plus profonde, tout problème comporte deux aspects, un aspect qui nous semble à l’extérieur de notre esprit et un aspect intérieur de notre esprit. Nous devons clairement faire la distinction entre ces deux aspects du problème. Dans cet exemple, plus que la situation détestable au bureau, c’est la sensation désagréable que cette ambiance provoque dans l’esprit qui est le véritable problème. En d’autres termes, l’ambiance exécrable au travail est l’aspect extérieur du problème tandis que la sensation détestable perçue est l’aspect intérieur de celui-ci. Le feeling déplaisant qui occupe notre esprit est le véritable problème. Par familiarité, nous percevons généralement les problèmes sous un seul aspect, leur aspect extérieur et faisons abstraction de l’autre aspect, l’aspect intérieur. Pas étonnant que nous avons des difficultés à les résoudre.

Pour mieux comprendre ce processus, nous pouvons considérer le problème extérieur à notre esprit comme une cause circonstancielle et le sentiment haïssable de la situation comme la cause substantielle, responsable de notre mal-être. Généralement, nous n’avons pas directement le contrôle des circonstances de ce qui nous arrive dans la vie et nous devons les affronter. Par contre nous pouvons agir sur la cause substantielle du problème, la perturbation mentale activée par la circonstance. Si, face à une problématique, nous changeons notre réponse habituelle en considérant chaque problème sous ces deux aspects, progressivement nous ramenons notre focalisation sur l’aspect intérieur plutôt que sur le seul aspect extérieur qui est hors de notre contrôle. Ce faisant, nous découvrons que notre vrai problème est nos perturbations mentales qui sont la cause de notre état d’esprit négatif. Et lorsque nous avons bien identifié notre vrai problème tel que la frustration, la colère et ainsi de suite nous allons pouvoir utiliser le dharma comme la solution spécifique qui nous libérera de notre posture inconfortable. Le dharma n’est pas en mesure de régler le problème extérieur, comme par exemple l’ambiance détestable au travail. En changeant notre état d’esprit avec les conseils du dharma, nous pouvons percevoir celle-ci différemment et orienter notre esprit vers les effets collatéraux de la cause circonstancielle et non la cause elle-même. Dans notre exemple, nous orienterons notre esprit vers la frustration, la colère ou le dénigrement que la situation engendre dans notre esprit et nous utiliserons le dharma comme solution.

Ainsi, nous utiliserons le dharma pour régler la perturbation mentale colère présente dans notre esprit. Autrement dit, nous réalisons que si nous acceptons l’action de cette colère dans notre esprit nous créons une cause de prendre une renaissance dans les règnes inférieurs. Sincèrement est-ce que ça en vaut vraiment la peine? Manifestement non et c’est pourquoi nous ne donnons pas notre assentiment à la colère qui veut nous détruire et nous rendre plus misérable encore. Une fois le problème de la colère réglé, la critique de notre supérieur aura moins d’impact sur nous et finira par s’épuiser et cesser. En conséquence de ce travail, d’autres problèmes en affinité avec la colère tels que l’esprit incontrôlé, le karma négatif Pratique-03sur notre esprit et ainsi de suite apparaissent. Nous pouvons alors étendre notre application de la pratique du dharma à ceux-ci également. De cette manière nous allons progressivement éradiquer toutes les perturbations mentales responsables de notre souffrance.

Progressivement le ressenti de notre problème se développe en incluant d’autres choses. De cette manière au fil du temps un jour nous allons nous réveiller et nous poser la traditionnelle question à laquelle la réponse claire sera : « Oups! Je peux très bien prendre une renaissance inférieure ». Souvent, dans notre pratique nous aurons de petites crises. Mais après un certain temps, la pratique du dharma prendra une place prépondérante dans notre vie. Le dharma devient un mode de vie. Si en nous posant la question : « Pourquoi je pratique le dharma? » nous ne trouvons pas de raison valide, nous devons retourner  au fondement des enseignements de Bouddha. À savoir que nous voulons être contents, être heureux, que nous souffrons à cause de nos perturbations mentales et le dharma nous donne les outils avec lesquels nous pouvons les éliminer. En conclusion, nous pratiquons le dharma parce que cela fonctionne. Lorsque nous avons cette attitude pragmatique, « Je pratique parce que cela fonctionne pour moi et que c’est la manière même par laquelle je peux résoudre tous mes problèmes », avec cette motivation nous pouvons continuer de pratiquer sans crainte d’abandonner le dharma.

Inspiré d’après un enseignement du Programme fondamental sur le livre « La Voie Joyeuse » de Ghéshé Kelsang Gyatso donné par Kadam Ryan au Centre Atisha de Genève.

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Qu’est-ce que je fais de ma vie?

Chaque être vivant possède au plus profond de lui-même ce seul objectif : « Être heureux et ne pas souffrir ». Tous nos faits et gestes, toutes nos intentions directement ou indirectement sont orientées vers ce seul but. Si parfois nous avons l’impression d’y parvenir, ce n’est que pour une courte durée avant qu’une nouvelle situation nous dépossède de ce bonheur fugace pour nous confronter à une Ma_vie-01difficulté inattendue, nous imbiber d’une autre souffrance. Les exemples de telles fluctuations entre bonheur et souffrance sont nombreux dans la vie de chacun. Dans cette quête du bonheur qui nous échappe continuellement, alors émerge une simple question : Pourquoi? A cette question, conditionnés par les perturbations mentales racines que sont l’attachement désirant *) et l’ignorance *), nous cherchons en vain à l’extérieur de notre esprit ce qui nous semble être une réponse valide.

Parce que depuis des temps sans commencement nous avons donné notre assentiment aux suggestions perfides et trompeuses émanées par notre esprit contaminé, nous répétons les mêmes scénarios dans notre vie, vie après vie. Pourtant, tout comme voulant enfoncer un clou avec un marteau, après avoir malencontreusement frappé sur notre doigt, il ne nous vient pas à l’idée de frapper une seconde fois pour nous assurer que c’est bien le coup de marteau qui nous a fait mal, nous comprenons notre maladresse. Mais en fait, ce n’est pas le marteau qui est le coupable, mais nous-même en manquant d’habileté. De manière analogue dans notre vie spirituelle, en répétant les mêmes erreurs nous manquons d’habileté, nous manquons de sagesse. Alors émerge dans notre esprit une seconde question : « Que puis-je faire pour orienter différemment ma vie? »

Depuis notre naissance, prenant exemple sur ce que nous percevons dans notre environnement, nous développons un esprit tourné Ma_vie-02exclusivement vers l’extérieur. À travers notre éducation, notre cursus d’études nous construisons notre identité ordinaire, notre « soi externe ». Malheureusement, notre ignorance – l’ignorance qui nous persuade de l’existence intrinsèque de quelque chose à l’extérieur de notre esprit – celle-ci nous entraine dans cette illusion trompeuse qu’est le samsara. Alors que faire? Changer et développer son « soi interne ». Bouddha nous enseigne que nous pouvons tirer profit de toute opportunité dans notre vie pour changer et développer notre « soi interne ». Tant que nous ne développons pas celui-ci, nous resterons un être s’identifiant uniquement à son « soi externe » qui, inexorablement est confiné dans ce qui est ordinaire, ce qui est dans la nature du samsara.

Si nous nous focalisons sur l’amélioration et l’aménagement de notre « soi externe », tout en délaissant notre « soi interne » au moment de notre mort nous n’en tirerons aucun bienfait. Les enseignements de Bouddha sont en quelque sorte une méthode qui détruit systématiquement ce qui nourrit le « soi externe » et son contexte le samsara. Notre samsara est semblable aux nuages projetés par notre esprit incontrôlé, dominé par le fonctionnement de notre « soi externe » qui est lui-même sous l’emprise de notre attachement désirant et de notre ignorance. En connaissance de cause, nous avons tout ce qui est nécessaire pour choisir l’orientation de notre esprit. Nous avons le choix de décider ce que nous allons faire de notre vie dès maintenant. Est-ce que nous allons continuer à rester une être samsarique jeté sans contrôle d’une renaissance à l’autre ou souhaitons-nous devenir un être illuminé qui, en se libérant sera capable de venir en aide à tous les êtres vivants? Est-ce que nous choisissons d’accomplir des buts ordinaires ou d’accomplir des buts spirituels?

Ma_vie-03Nous devons considérer plusieurs choses que nous sommes capables de réaliser pour faire ce choix. Notre vie ne possède que le sens que nous lui attribuons et pour lequel nous nous investissons. Si nos objectifs sont de nature ordinaire et pour cette seule vie, nous faisons l’expérience d’une vie ordinaire. Les buts ordinaires étant tous les plaisirs extérieurs que notre société propose, les biens matériels, la réputation, les relations et ainsi de suite. Nous devons alors répondre aux questions : « Quel est le but ultime de cette vie? », « Qu’est-ce que je fais actuellement de ma vie? », « Quel est le but de toutes mes actions? ». La plupart des gens ne peuvent sincèrement répondre à de telles questions. Si la raison principale de nos actions est d’améliorer notre vie ordinaire, le but de celle-ci sera également ordinaire. Si par contre notre objectif de mettre à profit chaque situation comme une opportunité de combattre nos perturbations mentales pour nous libérer de la souffrance, nous pouvons alors développer des attitudes spirituelles qui affirment notre « soi interne ».

 *) L’attachement désirant est par définition un facteur mental perturbé qui observe son objet contaminé, le considère comme étant cause de bonheur, et le désire.

*) L’ignorance est par définition un facteur mental qui est dans la confusion au sujet de la nature d’un objet, et dont la fonction est une perception erronée et d’autres perturbations mentales.

 Compilé d’après un enseignement du livre « Le Guide de mode de vie d’un bodhisattva » de Ghéshé Kelsang Gyatso, donné par Kadam Ryan en 2004 au Centre Atisha de Genève

Les vacances de l’esprit

L’été est pour beaucoup synonyme de détente, de loisirs, de vacances. Il est aussi pour certains une opportunité de prendre du temps pour soi, de mettre une distance entre l’agitation de tous les jours et l’esprit qui a besoin de tranquillité pour se ressourcer. Dans ce but, nous recherchons un endroit adéquat où nous pourrons profiter pleinement de ce temps si précieux, que ce soit par un voyage, par un séjour à la campagne ou à la montagne. Seul ou parmi les gens, nous avons à chaque instant l’opportunité de vivre en pleine conscience le moment présent. Il ne se passe pas un seul moment où ce que nous percevons ne soit pas une expérience spirituelle. Pourquoi? Parce que, comme l’enseigne Bouddha, tout Temps_Medit-02est création de notre esprit. Il n’y a pas quelque chose ou quelqu’un là à l’extérieur de notre esprit qui attend que nous le rencontrions, que nous le découvrions. Ce quelque chose ou ce quelqu’un est une simple émanation de notre esprit animé par le karma qui mûrit à ce moment-là.

Nous projetons ainsi beaucoup d’attentes sur ce temps de vacances. Et c’est là que cela devient intéressant, car au-delà de toutes les expectatives, les expériences que nous faisons parfois ne correspondent guère à nos envies. Et au lieu de vitupérer sur tout et n’importe quoi, nous serions bien inspirés de tout regarder avec les yeux du dharma. Parce que ce n’est pas par hasard que nous rencontrons telle ou telle difficulté, que nous sommes accostés par une personne en apparence très désagréable ou que le service de l’hôtel est exécrable. Ce ne sont que des échos karmiques de nos propres états d’esprit perturbés. Ce qu’il y a d’extraordinaire avec le dharma, c’est que nous pouvons apprendre de tout et de tout le monde, même si la réponse n’est pas immédiate. Nous pouvons faire en sorte que les bonnes conditions comme les mauvaises conditions nous servent à grandir intérieurement.

Temps_Medit-03Rappelons-nous, que nous ne pouvons changer les personnes que nous côtoyons, ni changer les conditions qui nous entourent. Si, comme ces jours passés de canicule il faisait 38°C à l’ombre, notre intention fusse-t-elle vertueuse n’avait aucune influence sur la température ambiante. La personne désagréable, visiblement agacée par la chaleur, n’allait pas se transformer par le simple pouvoir de notre souhait. Lorsque nous rencontrons des gens ou des situations « difficiles » naturellement nous mettons en œuvre ce qui pourrait nous faire aller mieux, mais souvent de manière inadéquate. Pourtant, ce sont justement de telles expériences qui, faisant voler en éclat notre complaisance et notre préoccupation de soi, nous incitent à rechercher une issue favorable et vertueuse. Si nous commençons à développer cette sagesse là, alors nous pourrons utiliser aussi bien les bonnes comme les mauvaises conditions pour nous faire grandir intérieurement.

Les difficultés, vues avec des yeux de sagesse, ne sont plus un problème pour nous. Pour cela nous devons apprendre à ne plus voir les difficultés comme des problèmes mais comme des opportunités de faire grandir notre expérience spirituelle. Dans chaque situation nouvelle, nous pouvons nous posez la question : « Qu’est-ce que je peux apprendre de cet événement? Comment changer ma perception de ce contexte pour me sentir à l’aise avec cela? » ou d’autres questions du même genre. C’est seulement parce que nous possédons actuellement une précieuse vie humaine avec ses libertés et ses dotations que nous pouvons tirer profit de chaque circonstance. Quand nous comprenons la grande valeur et la rareté de notre précieuse vie humaine, nous faisons grandir une forte détermination de ne pas gaspiller un seul instant et d’en faire le meilleur usage possible en mettant le dharma en pratique.

Temps_Medit-01j’ai eu le bonheur d’une escapade en montagne durant toute une semaine dans un petit chalet d’alpage et de vivre une retraite solitaire. j’ai pu ainsi approfondir ma compréhension de la pratique du Mandala de Herouka et de sa contemplation. Puisse le mérite que j’ai ainsi accumulé être adressé à chacune de mes lectrices et chacun de mes lecteurs assidus ou occasionnels.

 

 

 

Chaque instant de notre précieuse vie humaine

Tout un chacun attache une grande valeur à sa vie. Il suffit de voir ce que l’être humain est capable de faire lorsqu’il est en danger pour sa vie. On parle volontiers alors d’instinct de survie. Pourquoi? Parce ce que nous sommes fortement attachés à cette vie et à tout ce qui la concerne. Nous sommes prêts à sacrifier tous nos biens pour la conserver. Nous sommes capables de fuir un environnement hostile au prix de grands dangers pour en rencontrer d’autres peut-être plus grands encore. Une mère se sacrifiera pour sauver la vie de son enfant. Notre vie est précieuse par l’opportunité qu’elle nous donne de pouvoir jouir d’une existence matérielle confortable, à l’abri des tourments liés à notre civilisation contemporaine. Notre vie est précieuse par le fait que nous avons travaillé dur pour enfin profiter d’un peu de bonheur. Mais comme le dit Bouddha, toutes ces situations et ces choses ne sont que des rêves, des illusions temporaires projetées par notre esprit sous l’emprise de l’ignorance.

Mais alors, est-ce qu’il y a quelque chose de plus précieux que la vie décrite ci-dessus? Évidemment oui. C’est notre vie spirituelle qui est née de cette précieuse vie humaine. Notre vie humaine est si précieuse parce qu’elle nous donne la possibilité d’entrer dans la voie spirituelle et d’y progresser, et pour finalement compléter tout notre entraînement spirituel. Par cet entraînement nous donnons naissance à notre vrai Soi par opposition à notre soi ordinaire et une nouvelle vie commence, notre vie spirituelle. C’est pourquoi, comme une mère protège son enfant nouveau-né d’un environnement hostile, nous devons faire de même avec notre vie spirituelle. Si nous ne le faisons pas, celle-ci dépérira inévitablement. C’est seulement lorsque nous pensons à quel point dans le passé nous avons permis à notre vie spirituelle de dégénérer que nous réalisons d’avoir gaspiller cette précieuse vie humaine.

Precieuse_vie-01Qu’est ce qui peut mettre en danger notre vie spirituelle? Le samsara qui est cet environnement hostile comprenant d’innombrables ennemis qui veulent nous détruire. Quels sont ces ennemis qui voudraient tuer notre vie spirituelle? Ce sont nos perturbations mentales. Celles-ci semblent comprendre que notre vie spirituelle constitue un opposant particulièrement préjudiciable pour leur existence. Autrement dit, nos perturbations mentales sont menacées par l’existence de notre vie spirituelle et tenteront de tout faire pour l’affaiblir et finalement la détruire. En comprenant que notre précieuse vie humaine est le fondement même sur lequel se construit notre vie spirituelle, nous générerons sûrement le désir d’en prendre soin, de la nourrir et de la protéger comme le ferait une mère pour son plus cher enfant.

C’est pourquoi nous devons envisager chaque instant de notre précieuse vie humaine comme une précieuse opportunité de pratiquer la voie spirituelle dans notre vie. Comment? En considérant notre vie comme un intervalle dans lequel nous accueillons le guide spirituel dans notre cœur et dans notre esprit, lui permettant de nous aider à progresser vers l’illumination, vers la bouddéité. Même si la présence de notre guide spirituel n’est pas encore clairement établie dans notre esprit, nul n’est besoin de se forcer à le comprendre, il suffit juste de se détendre et d’ouvrir son cœur. La meilleure consigne qui soit dans ce cas est de juste débrancher notre soi ordinaire pour accueillir ce que nous devons comprendre avec notre vrai Soi. Nous avons juste besoin d’ouvrir notre cœur afin de recevoir les bénédictions de notre guide spirituel dans notre esprit.

Precieuse_vie-02Lorsque nous avons cette opportunité et nous ne savons pas si elle durera encore longtemps, nous allons l’utiliser au maximum. Avec notre précieuse vie humaine, nous devons être comme celui qui a un temps très limité pour accomplir une tâche importante, voire vitale et où chaque seconde compte. De la même manière, nous devons tirer profit de chaque opportunité pour nourrir notre vie spirituelle et d’accumuler du mérite grâce à la vraie valeur de cette précieuse vie humaine. Que veut dire l’expression « gaspiller notre précieuse vie humaine »? C’est d’une part de s’engager dans des actions qui n’ont aucun sens, chaque moment passé dans de telles actions ne nous est d’aucune utilité pour notre vie spirituelle et d’autre part en fuyant nos perturbations mentales au lieu de les combattre. Nous avons beaucoup de familiarité avec cette stratégie de fuite face à nos perturbations mentales. Pour certains c’est la pratique principale. C’est une sorte de capitulation face à elles prétextant qu’elles sont plus fortes que nous. Le moment est venu de nous lever et de nous battre!

En fait il n’y a pas d’activité insensée de manière intrinsèque, c’est notre perception de cette même activité qui lui donne ou pas un sens. Il n’existe pas un travail dénué de sens, mais une manière de le faire qui ne lui donne aucun sens. Tout dépend de notre état d’esprit au moment de nous engager dans une activité. Si nous nous engageons continuellement dans nos activités avec un esprit samsarique, nous gaspillons toute notre vie. Nous devons prendre chaque moment et nous engager dans notre vie avec l’esprit du dharma. Nous devons envisager notre vie comme un champ de Precieuse_vie-03bataille contre nos perturbations mentales. Si nous avons la capacité de combattre un ennemi, il peut être sage de ne pas le provoquer, mais ce dernier sera toujours là. Par contre, si nous avons la chance de posséder grâce au guide spirituel les armes pour le combattre et c’est le cas avec notre précieuse vie humaine, nous devons nous engager dans le combat.

Inspiré d’un enseignement et du commentaire de « La Voie Joyeuse » de Kelsang Gyatso, donné par Kadam Ryan au Centre Atisha de Genève en 2004

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Réflexion sur qui nous sommes vraiment

D’une certaine manière actuellement nous sommes trompés par notre esprit. Nous pensons que nous sommes réveillés et libres alors qu’en réalité nous sommes endormis et emprisonnés. Tout ce que nous percevons est en fait notre prison créée par notre esprit incontrôlé. Celle-ci est créée par notre préoccupation de soi et notre ignorance de saisie d’un soi. Notre perception ordinaire met en scène ce monde qui nous paraît réel devant et autour de nous dans lequel nous serions libres d’aller où bon nous semble, libres de faire ce que nous voudrions. Mais en réalité, si nous savions qui nous sommes, nous nous rendrions compte que nous vivons dans une camisole de force, totalement emprisonnés dans une cellule. Cette vision du monde, le décor de notre quotidien est en fait à l’opposé de la réalité.

Nous sommes en train de rêver dans une manière incontrôlée. Ce qui se passe dans le monde, ce qui survient dans notre vie est complètement hors de notre contrôle. Nous pensons à chaque instant que nous sommes ici et que le monde est là existant de son propre côté et n’a rien à voir avec nous. Tout cela est faux! Notre vie, notre existence est juste un rêve, un mirage perçu par notre esprit. Nous sommes en train de rêver et nous ne le réalisons pas du tout. Ce rêve peut changer d’un moment à l’autre et devenir un horrible cauchemar. Notre esprit peut projeter des expériences inimaginables qui s’apparentent à des expériences de schizophrénie que nous croyons exister vraiment. Sans nous en rendre compte nous pouvons être dans un tel cauchemar qui ne prend jamais fin. To_be-01Ceci peut arriver facilement à chacun d’entre nous.

En réalité, tout ceci n’a aucune obligation d’exister, car nous pouvons être complètement libres dans le dharmakaya, le corps vérité d’un bouddha, notre vraie nature ultime, notre essence appelée parfois notre graine de bouddha. Il y a un monde ordinaire dans lequel nous sommes et un monde transcendantal, vaste et omniprésent et qui est au-delà de cette existence. Au fond de nous la présence de ce dernier nous échappe la plupart du temps car occulté par notre ignorance. Les enseignements de Bouddha nous invitent à nous réveiller de ce cauchemar en nous faisant prendre conscience du monde hallucinant qui nourrit notre esprit ordinaire. Alors nous devons nous poser avec sincérité  la question : « Qu’est-ce que je vais faire pour me libérer de ce cauchemar? »

Qu’allons-nous faire de cette opportunité qui nous est proposée dans cette vie? Nous sommes à une bifurcation importante sur notre chemin de vie. Nous pouvons bien sûr choisir de poursuivre cette vie ordinaire comme nous pouvons choisir d’en faire quelque chose de différent. Notre avenir  et tout ce que nous aimons va dépendre de cette décision. Une manière de penser est de considérer que nous avons deux « soi », le « soi ordinaire » ou « soi externe » que l’on désigne habituellement par « soi » avec un s minuscule et un « Soi interne » ou notre « vrai Soi » avec un S majuscule.

Notre soi externe est constitué de notre corps ordinaire et notre esprit ordinaire avec lesquels nous accomplissons toutes les actions communes telles que faire notre travail, venir en aide à notre famille et à nos amis et ainsi de suite. Or, nous connaissons l’avenir de ce corps contaminé et de cet esprit ordinaire. Nous comprenons que ce corps inévitablement vieillira, tombera malade et finira par mourir. Nous savons que notre esprit ordinaire, sous la domination de perturbations mentales telles que l’attachement, la colère et l’ignorance, nous maintient dans les problèmes et la souffrance. La plupart du temps nous ne sommes pas heureux. Essayez seulement de vous souvenir de la dernière fois que vous avez été entièrement satisfait et heureux durant 30 minutes sans avoir eu déjà envie de changer pour quoi que ce soit d’autre dans l’espoir d’obtenir plus de bonheur et de satisfaction. Si nous sommes assis, nous voulons nous lever ou si nous sommes debout, fatigués nous cherchons à nous assoir. Nous n’arrivons jamais à combler tous nos désirs. À peine l’un est satisfait que déjà un autre nous vient à l’esprit.

La manière de différentier un objet d’un autre dans le bouddhisme consiste à distinguer les caractéristiques non communes de chacun. Tout objet possède des caractéristiques qui lui sont propres et que les autres objets n’ont pas. Dans ce sens la caractéristique non commune de notre vie humaine est d’avoir l’habilité d’accomplir un but spirituel. Or la plupart des êtres humains ne profitent pas de cette habilité. Bien que possédant un corps humain ils utilisent leur esprit au mieux comme un animal. Est-ce que vraiment c’est là le but de notre vie, celui d’accomplir des buts mondains? À cause de cet esprit ordinaire nous arriverons au moment de notre mort avec les mains vides, c’est-à-dire sans avoir pratiqué la voie spirituelle et restons englués dans le samsara, le cycle des renaissances incontrôlées.

To_be-02Sincèrement, nous pouvons accomplir bien plus avec notre « Soi interne », notre vrai Soi, notre nature de bouddha. La plupart d’entre nous ignorons que nous avons ce « Soi interne » en pensant que nous sommes simplement cet esprit et ce corps ordinaire. Notre « Soi interne » peut accomplir absolument tout, c’est un être omniscient qui fait l’expérience de la félicité en permanence. Actuellement, ce « Soi interne » est juste un potentiel qui peut devenir un être immortel et omniscient. Cette vie humaine n’est qu’une sorte de rêve duquel nous pouvons nous réveiller.

D’après une transcription et différentes notes d’un enseignement du Programme fondamental « Huit Etapes vers le Bonheur » reçu au Centre Atisha de Genève.

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Mon problème est mon esprit

Le problème de notre esprit n’est pas tant la manière dont le monde extérieur est organisé mais bien la manière dont notre esprit est en relation avec celui-ci.  Lorsque quelqu’un nous demande comment ça va, nous répondons que ça ne va pas à cause d’une longue liste de situations, de problèmes et de choses matérielles externes qui nous préoccupent. Mais si nous sommes honnêtes, nous devrions plutôt dire que c’est parce que nous avons des perturbations mentales sur notre esprit. Or, à cause de notre ignorance de saisie d’un soi, nous sommes persuadés qu’il y a un élément perturbateur extérieur qui est la cause de notre problème ou de notre souffrance. Et notre esprit pris en otage par ses perturbations demeure dans la confusion et la Esprit-Probleme-01souffrance. Du reste cette confusion peut être illustrée par nos abus de langage lorsque par exemple nous disons : « Je suis en colère » alors qu’en fait nous avons la colère sur notre esprit.

En suivant les enseignements de Bouddha nous sommes enclins à utiliser le dharma pour améliorer notre situation externe dans notre vie. Pourtant, nous ne devons pas l’utiliser à cette fin mais bien pour changer quelque chose d’interne, responsable de notre état de contrariété, de colère ou de souffrance. Dans le dharma, se trouve une solution pour chaque type de problèmes, accessible à chacun selon son niveau spirituel. En d’autres termes, l’enseignement de Bouddha est une réponse personnalisée pour chaque être à l’endroit où il se trouve en ce moment. Nous devons juste pleinement accepter où nous sommes sans jugement et pratiquer à partir de ce point. Parfois, nous sommes tentés de pratiquer d’une manière qui est supérieure à notre niveau, cela ne fonctionnera pas. A l’opposé de cette attitude, pensant que les vertus que nous accomplissons nous paraissent insuffisantes voire insignifiantes, parce que nous faisons beaucoup de pratique, nous affirmons que nous n’avons presque rien fait.

Parfois aussi, nous avons une tendance à amplifier l’importance de nos problèmes, comme si cela nous confortait dans la piètre opinion que nous avons de nous. Par cette attitude, nous serons très vite anéantis par les problèmes, quelle qu’en soit leur importance. Alors qu’un esprit positif, qui réalise qu’il s’agit d’expériences bénéfiques nous permet de progresser, au lieu de nous appesantir sur notre sort et nous engluer encore plus dans le samsara. Bouddha dit se prosterner devant la nouvelle lune, parce qu’elle est la cause de toutes les lunes qui lui succéderont. Parce que si nous ne nous réjouissons pas dans nos petites vertus, il sera impossible de réaliser de plus grandes vertus. Alors, la prochaine fois que quelqu’un nous demande « comment ça va? » nous répondrons par l’affirmative tout en précisant que les expériences que nous traversons en ce moment, bien que difficiles, sont bénéfiques pour notre esprit.

Si nous apprécions les plus petites de nos vertus comme quelque chose de spécial et que nous faisons une dédicace, alors nos réalisations seront protégées et seront susceptibles de grandir encore. Si nous acceptons nos petites faiblesse, elles peuvent devenir notre force. Dans le cas contraire, ce sera un pur gaspillage. Parce que si nous ne nous réjouissons pas dans nos propres vertus, nous ne nous réjouirons pas non plus dans les petites vertus des autres. Et de cette façon nous ne pouvons pas les chérir, générer de la compassion et accroître notre bodhitchitta. Plus globalement, la manière dont nous nous traitons détermine la manière dont nous traitons les autres. Ghéshé Kelsang Gyatso prenait l’analogie du pot que l’on remplit goutte à goutte et disait : « Ce n’est pas la dernière goutte qui remplit le pot mais bien toutes les gouttes ». Nous pouvons ainsi apprécier chaque goutte. Lorsque nous sommes atteints par le découragement, Esprit-Probleme-02il est parfois utile de contempler la distance parcourue en comparaison de la distance qui nous reste de notre chemin spirituel ver l’illumination.

Quelles sont donc les raisons de ce découragement? En premier lieu notre attachement aux résultats. Nous nous jugeons à l’aune des résultats de nos expériences. Lorsque nous n’obtenons pas les résultats recherchés et qui devraient correspondre à nos attentes, nous sommes découragés. Cela peut se manifester même si nous expérimentons de bonnes choses et que ça va bien. Comme par exemple : « Oh, j’ai déjà pratiqué durant un mois et j’ai toujours des problèmes dans ma vie ». La solution à tout problème d’attachement aux résultats est très simple. Nous mettons principalement l’accent sur la création de bonnes causes. Un être samsarique, lorsque les choses vont bien dans sa vie il se réjouit et quand les choses vont mal il déprime. Pour un être spirituel, que les choses aillent bien ou mal, ce sont juste des opportunités de créer des causes qui le libéreront du samsara.

 Inspiré de divers enseignements du PF reçu au Centre Atisha de Genève donné par Kadam Ryan.

Réflexions sur la vacuité

D’après le dictionnaire, la vacuité est définie comme l’état de ce qui est vide. L’aphorisme d’Aristote « la nature a horreur du vide » a traversé les siècles sans rien perdre de sa vigueur. Alors, si nous sommes sur la voie spirituelle, ce n’est pas étonnant que le simple mot vacuité nous plonge d’abord dans une perplexité. Le mot vacuité nous Vacuit-01fait penser à l’absence de quoi que ce soit, à faire le vide dans son esprit. Certains diront que c’est ne penser à rien. Toutes ces descriptions sont loin de ce que vacuité veut dire spirituellement parlant. Dans le livre « Bouddhisme moderne » Guéshé Kelsang Gyatso définit la vacuité de la manière suivante : La vacuité est la manière dont les choses existent réellement. C’est la manière dont les choses existent par opposition à la manière dont elles apparaissent. Nous croyons naturellement que les choses que nous voyons autour de nous, comme par exemple les tables, les chaises et les maisons existent vraiment parce que nous croyons qu’elles existent exactement de la manière dont elles apparaissent. Toutefois, la manière dont les choses apparaissent à nos sens est trompeuse et en contradiction totale avec la manière dont elles existent effectivement.

Bien que la notion de vacuité soit un sujet profond nous pouvons l’aborder en essayant de rompre l’image préconçue de ce monde qui nous apparaît et que nous croyons exister de cette manière. Une manière simple de le faire est de nous servir de l’analogie du rêve. Pour cela, nous devons laisser de côté nos convictions actuelles en contemplant en détail comment un objet devrait exister s’il existe de son propre côté indépendamment de tout autre chose. Nous allons ensuite approfondir notre compréhension à la manière d’un enfant qui a envie d’apprendre à lire et pour qui tout est nouveau. D’après la citation ci-dessus, chaque fois que nous avons la conviction qu’un objet existe en dehors de notre esprit nous nous méprenons. Chaque fois que l’existence d’un objet nous paraît évidente nous nous trompons. Pourquoi? Parce qu’à chaque fois qu’un objet apparaît à notre esprit, si nous nous posons la question : « Est-ce que cet objet existe de son propre côté, de manière intrinsèque? », la réponse est « Non! ».

Vacuit-02Pour étayer cette réponse, prenons par exemple le rêve suivant et essayons de comprendre comment apparaît le monde du rêve. Imaginons que dans notre rêve nous avons soif. Nous nous dirigeons vers le robinet de l’évier de la cuisine, nous prenons un verre dans le buffet au-dessus de l’évier, nous faisons couler de l’eau et remplissons notre verre. Après quoi, nous portons notre verre à notre bouche et nous buvons à petites gorgées cette eau pour apaiser notre soif. Tout au long de cette opération, nous ressentons diverses sensations telles que le bruit de l’eau qui coule, la fraîcheur de l’eau, le poids de celle-ci alors que le verre se remplit, pour finalement avoir la sensation de se désaltérer en buvant cette eau. Durant ce rêve, en aucun moment nous nous posons la question d’où vient le verre? Est-ce qu’il y a vraiment un évier qui existe? D’où vient cette eau qui remplit notre verre? Pas plus que de savoir d’où nous venons, si nous nous asseyons, si nous marchons pour nous diriger vers l’évier. Nous remplissons le verre dans notre main avec de l’eau que nous buvons et c’est tout. Ceci résout le problème de notre soif dans notre rêve.

Au moment de notre réveil, tous les objets de notre rêve cessent d’exister. Nous avons vécu toutes les événements de notre rêve sans bouger de notre lit! Ceci tend à démontrer qu’aussi bien les objets que les sensations de notre rêve n’étaient qu’une projection de notre esprit et que ceux-ci n’ont eu qu’une existence en relation dépendante de notre esprit. Lorsque l’esprit du rêve cesse, le monde de celui-ci cesse également. Transposons maintenant le même scénario dans la vie quotidienne. Si à un moment donné nous avons soif, que faisons-nous? Nous nous déplaçons jusqu’à un évier de notre appartement, nous prenons un verre puis tournons le robinet pour faire couler de l’eau qui remplira notre verre, nous voyons couler l’eau, nous entendons le bruit qu’elle fait. Une fois rempli, nous portons le verre à notre bouche et apprécierons le sentiment d’apaisement de la soif que nous procure cette eau. Alors, du point de vue de l’esprit quelle différence entre les deux situations? Force est de constater qu’il n’y a aucune différence! La manière dont les choses nous apparaissent ne correspond pas à la manière dont elles existent réellement. Ceci nous incite à aller voir comment les choses existent par une investigation basée sur la sagesse.

Pourtant, il doit bien y avoir une explication. Celle-ci, nous dit Guéshé Kelsang Gyatso dans son livre « Un Bouddhisme moderne » est à rechercher du côté de l’objet puisque dans les deux cas c’est apparemment le même esprit qui en fait l’expérience. Deux manières s’offrent à nous : la manière conventionnelle et la manière ultime. Nous désignons les choses par un simple nom que nous imputons à l’objet qui nous apparaît. Dans la situation évoquée, un verre, un évier, un robinet et ainsi de suite et nous n’allons pas plus loin que ce simple nom qui fonctionne très bien d’ailleurs. Pour comprendre la manière ultime de l’existence des choses, nous devons procéder Vacuit-03d’une manière plus scientifique. Ainsi, par exemple pour le robinet. Il s’agit d’un assemblage de pièces, les unes en plastique, d’autres en laiton chromé ou en acier inoxydable qui, assemblée d’une certaine manière produisent un robinet. Le nom générique robinet désigne l’ensemble de ses parties et s’adresse à tous les robinets existants sur cette planète.

Mais si nous insistons dans notre recherche afin de trouver le robinet qui existe de manière intrinsèque, de son propre côté, nous démontons celui-ci pièce par pièce jusqu’à avoir un certain nombre de pièces qui, prises séparément ne sont pas le robinet. À chacune de ces pièces, nous pouvons donner un nom spécifique différent du nom robinet. Si le robinet existait de son propre côté, nous devrions le percevoir en dehors de ses parties puisque celles-ci ne sont pas le robinet. Or, il n’y a rien qui ressemble à un robinet en dehors de ses parties. En dehors de toutes ces pièces que nous avons devant nous, il n’y a pas de robinet. En d’autres termes, le robinet n’existe pas de son propre côté, il n’existe qu’en relation dépendante de ses parties. Si maintenant, nous supposons que nous n’avons jamais démonté un robinet de notre vie et nous sommes en présence des mêmes pièces qu’auparavant nous serons bien empruntés de dire qu’il s’agit des pièces qui, une fois assemblées constitueront un robinet. En d’autres termes, le robinet existe qu’en dépendance de l’esprit qui observe les pièces détachées de ce dernier. Ainsi, en faisant une recherche de manière ultime nous arrivons à la conclusion que le robinet n’existe pas de son propre côté, mais que ce qui nous apparaît est la vacuité du robinet.

Rédigé et compilé d’après mes notes prises lors d’un enseignement sur « S’entraîner à la bodhitchitta ultime » reçu au Centre Atisha de Genève en 2014.

Réflexions sur le doute

Le doute est un type d’ignorance qui se manifeste dans notre esprit lorsque nous ne sommes pas sûr du « comment les choses sont ». Nous avons alors simultanément deux points de vue différents, deux opinions différentes et qui sont souvent contradictoires. Comme ces deux vues s’excluent l’une l’autre, elles créent une hésitation ou une tension dans notre esprit. Ne sachant pas quelle est la vue correcte, cette situation génère une angoisse, un stress dans notre esprit. Nous tergiversons entre ces deux options distinctes et il en résulte de Doute-01nombreuses hésitations. Devant l’impossibilité d’aller dans les deux directions, notre esprit devient confus, se crispe et au pire ne fait rien. En d’autres termes, nous ne savons pas quoi faire, nous savons juste que nous devons faire quelque chose mais nous n’arrivons pas à la décision de le faire. Souvent c’est la peur de commettre une erreur qui nous empêche de prendre la bonne décision. Qui n’a pas une fois rencontré un tel dilemme. C’est l’état naturel d’un esprit qui s’interroge. Plus précisément, il y a différents doutes qui peuvent dans le contexte de notre vie se répartir dans trois catégories : le doute ordinaire, le doute perturbé et le doute vertueux.

Le doute ordinaire. Ce genre de doute a le plus faible impact sur notre développement spirituel parce que c’est celui que chacun connaît bien dans son quotidien. C’est cette hésitation dans le choix de deux articles très semblables que nous avons l’intention d’acheter et qui nous fait dire : « Je n’arrive pas à me décider lequel je vais acheter! ». Ou bien encore cette même hésitation qui bloque votre élan en sortant Doute-02de chez vous quand vous pensez : « Est-ce que je n’ai rien oublié? » ou lorsque vous avez reçu l’avis de deux personnes à propos de la qualité d’un film ou d’un livre qui vous fait dire : « Je ne sais qui je dois croire! ». Observez la performance d’un sportif de haut niveau qui ne retrouve plus ses repères de succès parce que le doute le perturbe continuellement. Tant que ce genre de doutes ne nous fait pas commettre des actions négatives et non vertueuses, elles sont juste des tracasseries inconfortables qui peuvent tout au plus nous agacer. Elles sont souvent le signe que nous manquons principalement de confiance en nous-mêmes. C’est en fait une non-acceptation de la nature du samsara. Parce que nous voudrions choisir une décision parfaite, celle-ci n’existe pas dans le samsara. Lorsque nous n’acceptons pas qu’il y a un choix parfait dans le samsara, alors nous restons coincés et crispé. Et lorsque nous acceptons la non-existence d’un choix parfait dans le samsara, nous allons nous décider pour le choix le moins dommageable.

Le doute perturbé. Le doute perturbé concerne particulièrement les objets importants du dharma que nous devons réaliser pour atteindre la libération du samsara. C’est un doute particulier sur un objet du dharma dans lequel notre hésitation est en faveur d’une vue erronée. Pour illustrer ce type de doute, prenons le karma. La loi de causalité du karma nous enseigne que les actions négatives produisent comme effet des souffrances et les actions vertueuses Doute-03produisent le bonheur. Or, sous l’influence d’une perturbation mentale, nous nous engageons parfois dans une action négative en pensant que nous allons trouver le bonheur. Ce type de bonheur est un bonheur contaminé car il sera tôt ou tard remplacé le véritable effet de l’action négative. Si par exemple, en remplissant notre déclaration d’impôts nous ne mentionnons que partiellement toutes nos sources de revenus est assimilable à l’action de voler. Si nous allons de ce fait être taxés plus favorablement, il n’en demeure pas moins que cette action aura les quatre effets de toute action, un effet mûri, un effet qui sera une tendance similaire à la cause, un effet qui sera une expérience similaire à la cause et un effet environnemental. Alors, même si a priori nous pensions que ce n’était pas si grave et que c’était correct parce que nous avions des arguments à faire valoir dus à un doute perturbé, a posteriori nous réalisons le danger d’avoir agi de cette manière et que cela aura des conséquences pour nous dans le futur.

Le doute vertueux. Le doute vertueux se produit lorsque nous découvrons un aspect d’un enseignement du dharma pour la première fois par exemple. Comme notre esprit essaie de comprendre un nouvel objet qu’il ne connaît pas, il cherche à le circonscrire du moins partiellement. À ce moment précis le doute vertueux nous incite à approfondir notre compréhension en pensant : « À ce stade je doute de ce que je lis ou que j’entends, mais j’ai envie d’en avoir le Doute-04cœur net! Je vais chercher encore plus d’informations ». En d’autres termes, nous ne réfutons pas a priori le propos dans sa totalité, mais nous ne somme momentanément pas convaincus et nous avons besoin d’y réfléchir encore. Nous pouvons douter de notre première appréciation, mais le doute vertueux nous rapproche de la vérité même si nous ne sommes pas encore totalement persuadés. Le doute vertueux signifie qu’avant que nous fassions l’analyse d’un objet à comprendre, notre doute nous semblait justifié, mais qu’après l’approfondissement de notre compréhension a posteriori notre doute n’était pas justifié. Dans ce cas le doute peut être perçu comme un catalyseur qui nous incite à remettre en question ce qui n’est pas intégralement compris.

 Compilé à partir de mes notes du Cours PF suivi au Centre Atisha de Genève en novembre 2005

Éveiller en nous le sens des mots

Si nous cherchons la définition d’un mot dans le dictionnaire, dans la plupart des cas plusieurs significations nous sont proposées. Elles dépendront du contexte où ce mot est utilisé. Le sens, du point de vue de notre esprit, est donc une caractéristique se trouvant imputée par celui-ci et non une propriété intrinsèque du mot lui-même. Les Sens-Mots-02esquimaux, par exemple, ont des douzaines de façons différentes de définir la neige. Ainsi dans le même ordre d’idées, le simple mot « Bonjour » est tout en nuances, et dépend de l’état d’esprit de la personne qui le dit et également de l’état d’esprit de celui qui le reçoit. Étymologiquement bonjour veut dire : « Ayez un bon jour ». Ce peut être une simple formule de politesse, mais cela peut également être un souhait provenant d’un esprit bienveillant. Et c’est là que cela devient intéressant.

Dans la vie courante, nous sommes en interaction avec les autres. Fort est de constater que l’échange verbal que nous avons parfois avec l’autre souvent est un rituel dans lequel nous ne nous impliquons pas vraiment. Ainsi, lorsque nous croisons notre voisine Sens-Mots-01de palier, nous répondons à son « Bonjour » sans nous impliquer vraiment dans cet échange. Pourquoi? Parce que nous sommes plus absorbés dans nos pensées ou encore attentifs à son allure, à son habillement plutôt qu’à ce qu’elle vient de dire. Et nous répondons également par un « Bonjour » tout en continuant notre observation. Mais avons-nous vraiment pensé à ce que nous avons dit, avons-nous vraiment écouté ses paroles?

Ce simple mot « Bonjour » peut aussi être une action vertueuse, parce que nous souhaitons à l’autre de vivre cette journée pleinement sans souffrance et remplie de bonheur. Si nous mettons toute notre attention sur le fait de souhaiter quelque chose de bénéfique pour l’autre, nous serons de moins en moins prédisposés à un jugement sur la personne en question. Parce que le bonheur des autres est également important, par ce simple bonjour, nous pouvons partager avec tous le bonheur qui se manifeste en nous. En éveillant le sens de ce simple mot nous renforçons notre bodhitchitta, notre intention de libérer les êtres vivants de leur souffrance et les conduire vers l’illumination. Nous construisons un lien karmique avec la personne par lequel nous pourrons vraiment l’aider dans le futur.

Sens-Mots-03Ce qui est valable pour le mot « Bonjour » ci-dessus s’applique également à une conversation. Lorsque nous parlons avec notre interlocuteur, si nous voulons comprendre son propos, nous devons d’une part être à son écoute et pas seulement mais d’autre part aussi capter le sens de ses paroles. Alors seulement nous pouvons recevoir correctement son message et lui répondre de manière qualifiée. Si notre intérêt pour ce qu’il nous dit est manifeste cela mettra à l’aise ce dernier qui se sentira accueilli avec ce qu’il veut partager avec nous. Qui n’a pas déjà entendu une remarque pertinente du genre « Tu écoutes ce que je suis en train de te dire? ». C’est en effet très désagréable de ressentir l’absence d’intérêt dans les yeux de celui qui est censé nous écouter. Au lieu de l’aider nous lui infligeons une souffrance supplémentaire sous la forme de la frustration de ne pas être entendu. Souvent, le piège consiste à interpréter ce que nous dit l’autre personne en portant un jugement de valeur à son propos. Ce jugement se basant sur nos propres projections dénaturera probablement ce que veux dire l’autre personne. Notre écoute doit être active mais centrée sur notre interlocuteur et non sur notre esprit subjectif. Nous devons élargir notre perception pour y inclure son expérience. Comment pourrions-nous être vraiment à l’écoute de l’autre si nous n’éveillons pas en nous le sens des mots?