La bouddhéité et l’illumination dépendent de notre réalisation de notre bodhitchitta, laquelle vient naturellement de notre grande compassion, qui à sont tour découle de l’esprit qui chérit les autres. Si nous chérissons les autres, il devient facile de générer de la compassion. De par la réalisation de la compassion naturellement nous faisons grandir notre bodhitchitta. Ces différentes vertus s’enchaînent en une relation dépendante. C’est pourquoi, il est important de bien commencer. Dans son livre « Un Bouddhisme moderne » Ghéshé Kelsang Gyatso écrit : « La bodhitchitta est un esprit qui désire spontanément atteindre l’illumination pour venir directement en aide à chaque être ». En considérant profondément cette citation, nous pouvons penser de chaque personne que nous rencontrons devient un être pour lequel nous prenons la responsabilité de l’amener également à l’illumination. Mais tant que nous n’avons pas nous-mêmes atteint ce but final, nous ne pourrons pas y amener les autres directement. C’est pourquoi, nous développons une « bodhitchitta qui aspire », c’est-à-dire que nous entreprenons tout ce qui en notre capacité pour le faire vraiment.
En adoptant cette vue, nous pouvons nous demander chaque jour dans les nombreuses circonstances de notre vie : « Qu’est-ce que je peux faire dans ma relation avec cette personne pour l’orienter et progresser dans la direction de l’illumination? ». En d’autres termes, nous devons gérer nos relations aux autres avec l’intention de les amener à l’illumination. Ce faisant, nous transformons nos relations mondaines ordinaires en relations pleines de sens spirituel. Bien sûr, nous réalisons que nous ne sommes absolument pas capables de le faire maintenant, et c’est pour cette raison que nous devons atteindre nous-mêmes la bouddhéité pour accomplir cet objectif. D’une certaine manière, nous assumons la responsabilité de faire en sorte que les autres aussi atteignent l’illumination. Lorsque nous voyons une personne que nous pensons pouvoir aider, ne pouvant actuellement le faire personnellement, nous envoyons une émanation du bouddha approprié pour lui venir en aide.
C’est peut-être subtil, mais si nous imaginons un bouddha entrer dans l’esprit d’une personne, un bouddha alors rempli la fonction d’un bouddha, c’est-à-dire d’accorder aide et bénédictions à celle-ci. Un bouddha lui peut faire cela, nous pas. Parfois, nous sommes tentés de faire nous-mêmes quelque chose pour autrui, croyant posséder l’habileté de le faire. Ou encore croyant bien faire, dans la précipitation, nous faisons exactement ce qu’il ne fallait pas faire. Ceci nous démontre que, même si nous avons une très forte intention de venir en aide à quelqu’un, nous devons le faire avec sagesse et selon nos capacités du moment quitte à s’en remettre à un bouddha. Car si nous dépassons nos capacités à venir en aide, nous échouerons et finalement nous serons découragés par notre insuccès. Et lorsque nous perdrons la joie de le faire, nous finirons par abandonner notre envie de venir en aide aux autres et perdrons la motivation qui nourrit notre bodhitchitta.
En fait, nous ne pouvons développer notre bodhitchitta sans le concours des autres. Comment pourrions-nous y parvenir si les autres n’ont apparemment pas que faire de notre aide? Certes il nous sera le plus souvent impossible de changer l’autre personne, mais nous pouvons l’aider à changer d’elle-même. Comment? La personne qui commet une faute n’acceptera pas spontanément que quelqu’un la prenne en flagrant délit. Celle-ci, se sentant « coupable » tentera de se disculper par une argumentation qui expliquera son point de vue, elle sera sur la défensive. Et c’est là qu’intervient notre bodhitchitta, qui consiste non pas à blâmer la faute perçue, mais à pratiquer la réjouissance dans l’appréciation de la faute en question. Ne se sentant pas jugée et condamnée, la personne sera plus réceptive et créera d’elle-même dans son esprit une espace de réflexion susceptible de provoquer un changement d’attitude.
Car la faute commise n’est rien moins qu’un écho karmique d’une empreinte similaire sur notre propre esprit et qui nous donne une opportunité d’y travailler. C’est parce que les autres, de par leurs fautes, révèlent nos propres faiblesses qu’ils sont précieux et naturellement nous allons les chérir. Nous sommes des experts pour identifier les fautes et erreurs des autres. Notre travail consiste alors à apprécier la valeur de celles-ci en tant que moyen habile pour nous de pratiquer. Grâce aux fautes et erreurs des autres nous pouvons vraiment pratiquer notre bodhitchitta. Ainsi par exemple, nous pouvons pratiquer la patience avec une personne qui nous met en colère, approfondir notre compréhension de la loi du karma en présence d’une personne au comportement paranoïaque et ainsi de suite. Les autres nous forcent à changer notre attitude envers eux. Au niveau du pratiquant du dharma, les fautes des autres représentent une grande qualité et un grand intérêt pour notre entraînement à la bodhitchitta.
Inspiré d’un enseignement et du commentaire du « Guide de mode de vie d’un boddhisattva » de Kelsang Gyatso, donné par Kadam Ryan au Centre Atisha de Genève en 2004
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