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Réflexion sur la pratique du dharma

Qu’est-ce que c’est véritablement la pratique du dharma? La pratique du dharma consiste à utiliser le dharma comme la solution de tous nos problèmes. Si nous ne connectons pas notre pratique du dharma avec nos problèmes quotidiens, nous ne pratiquons pas vraiment. Le dharma ne peut pas être pratiqué de manière abstraite ou ce serait insensé de le limiter à sa seule compréhension intellectuelle. Nous devons prendre conscience de ce que sont nos Pratique-01vrais problèmes, les perturbations mentales, et d’envisager la solution à la lecture du dharma. Les enseignements de Bouddha, regroupés sous ce nom ont un caractère pragmatique, une véritable technologie qui donnent réponse à tous nos problèmes. Nous pouvons ainsi régler ceux posés par nos perturbations mentales de manière personnalisée. Pour cela, nous pouvons nous poser chaque matin au réveil la question suivante : « Quel est aujourd’hui le plus grand problème qui me préoccupe? » La première réponse qui viendra naturellement à l’esprit sera une situation ou quelque chose d’externe, comme par exemple le travail, les collègues, la voiture etc.

Habituellement la première réponse sera par exemple : « Mon travail! Et dire que je vais devoir supporter encore ce chef qui décrédite tout ce que je fais! ». Une telle réponse est avant tout un constat et ne nous aide guère. Elle peut tout au plus être le motif de nos lamentations, de notre frustration ou de notre colère. De Pratique-02manière plus profonde, tout problème comporte deux aspects, un aspect qui nous semble à l’extérieur de notre esprit et un aspect intérieur de notre esprit. Nous devons clairement faire la distinction entre ces deux aspects du problème. Dans cet exemple, plus que la situation détestable au bureau, c’est la sensation désagréable que cette ambiance provoque dans l’esprit qui est le véritable problème. En d’autres termes, l’ambiance exécrable au travail est l’aspect extérieur du problème tandis que la sensation détestable perçue est l’aspect intérieur de celui-ci. Le feeling déplaisant qui occupe notre esprit est le véritable problème. Par familiarité, nous percevons généralement les problèmes sous un seul aspect, leur aspect extérieur et faisons abstraction de l’autre aspect, l’aspect intérieur. Pas étonnant que nous avons des difficultés à les résoudre.

Pour mieux comprendre ce processus, nous pouvons considérer le problème extérieur à notre esprit comme une cause circonstancielle et le sentiment haïssable de la situation comme la cause substantielle, responsable de notre mal-être. Généralement, nous n’avons pas directement le contrôle des circonstances de ce qui nous arrive dans la vie et nous devons les affronter. Par contre nous pouvons agir sur la cause substantielle du problème, la perturbation mentale activée par la circonstance. Si, face à une problématique, nous changeons notre réponse habituelle en considérant chaque problème sous ces deux aspects, progressivement nous ramenons notre focalisation sur l’aspect intérieur plutôt que sur le seul aspect extérieur qui est hors de notre contrôle. Ce faisant, nous découvrons que notre vrai problème est nos perturbations mentales qui sont la cause de notre état d’esprit négatif. Et lorsque nous avons bien identifié notre vrai problème tel que la frustration, la colère et ainsi de suite nous allons pouvoir utiliser le dharma comme la solution spécifique qui nous libérera de notre posture inconfortable. Le dharma n’est pas en mesure de régler le problème extérieur, comme par exemple l’ambiance détestable au travail. En changeant notre état d’esprit avec les conseils du dharma, nous pouvons percevoir celle-ci différemment et orienter notre esprit vers les effets collatéraux de la cause circonstancielle et non la cause elle-même. Dans notre exemple, nous orienterons notre esprit vers la frustration, la colère ou le dénigrement que la situation engendre dans notre esprit et nous utiliserons le dharma comme solution.

Ainsi, nous utiliserons le dharma pour régler la perturbation mentale colère présente dans notre esprit. Autrement dit, nous réalisons que si nous acceptons l’action de cette colère dans notre esprit nous créons une cause de prendre une renaissance dans les règnes inférieurs. Sincèrement est-ce que ça en vaut vraiment la peine? Manifestement non et c’est pourquoi nous ne donnons pas notre assentiment à la colère qui veut nous détruire et nous rendre plus misérable encore. Une fois le problème de la colère réglé, la critique de notre supérieur aura moins d’impact sur nous et finira par s’épuiser et cesser. En conséquence de ce travail, d’autres problèmes en affinité avec la colère tels que l’esprit incontrôlé, le karma négatif Pratique-03sur notre esprit et ainsi de suite apparaissent. Nous pouvons alors étendre notre application de la pratique du dharma à ceux-ci également. De cette manière nous allons progressivement éradiquer toutes les perturbations mentales responsables de notre souffrance.

Progressivement le ressenti de notre problème se développe en incluant d’autres choses. De cette manière au fil du temps un jour nous allons nous réveiller et nous poser la traditionnelle question à laquelle la réponse claire sera : « Oups! Je peux très bien prendre une renaissance inférieure ». Souvent, dans notre pratique nous aurons de petites crises. Mais après un certain temps, la pratique du dharma prendra une place prépondérante dans notre vie. Le dharma devient un mode de vie. Si en nous posant la question : « Pourquoi je pratique le dharma? » nous ne trouvons pas de raison valide, nous devons retourner  au fondement des enseignements de Bouddha. À savoir que nous voulons être contents, être heureux, que nous souffrons à cause de nos perturbations mentales et le dharma nous donne les outils avec lesquels nous pouvons les éliminer. En conclusion, nous pratiquons le dharma parce que cela fonctionne. Lorsque nous avons cette attitude pragmatique, « Je pratique parce que cela fonctionne pour moi et que c’est la manière même par laquelle je peux résoudre tous mes problèmes », avec cette motivation nous pouvons continuer de pratiquer sans crainte d’abandonner le dharma.

Inspiré d’après un enseignement du Programme fondamental sur le livre « La Voie Joyeuse » de Ghéshé Kelsang Gyatso donné par Kadam Ryan au Centre Atisha de Genève.

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Les avantages de chérir les autres

L’esprit qui chérit les autres est simplement l’esprit qui considère que le bonheur des autres est quelque chose d’important. Il est sinon plus aussi important que notre propre bonheur. Nous pouvons alors penser : « Pour moi, cette personne est importante, son bien-être est important, ses désirs et son bonheur sont importants ». Ce qui veut dire que nous avons de la considération pour autrui, tout en faisant abstraction de notre préoccupation de soi, de notre ego. (Voir aussi Réflexion sur la préoccupation de soi). Dès cet instant, nous acceptons que les autres également puissent avoir les mêmes aspirations, les mêmes désirs d’être heureux que nous. Nous accordons une place au bonheur et à l’accomplissement des désirs des autres. Nous leur attribuons une valeur à nos yeux. Dans son livre « La Voie Joyeuse » Ghéshé Kelsang Gyatso cite Shantidéva qui disait que tout le bonheur de ce monde vient de l’esprit qui désire que les autres soient heureux.

avant-cher-01Comment mettre en application cet état d’esprit? Parmi les nombreuses situations de la vie de tous les jours, prenons par exemple une relation de couple. Conditionnés par la préoccupation de soi, généralement nous tentons par tous les stratagèmes de convaincre l’autre de mettre en œuvre tout ce qu’il sera capable de produire pour que nous soyons heureux. Ce mode de faire, tôt ou tard aboutira à une relation dysfonctionnelle. Alors que l’esprit qui chérit consiste pour nous à essayer d’aider notre partenaire à accomplir ses propres aspirations pour être heureux. Concrètement, c’est dire à l’autre : « Tu es quelqu’un d’important à mes yeux, que puis-je faire pour t’aider à réaliser ton bonheur? ». Avec la préoccupation de soi, nous essayons de contrôler l’autre personne pour l’amener à accomplir nos désirs égoïstes. Alors qu’un amour qui chérit est juste le contraire, c’est-à-dire un amour qui mettra tout en œuvre pour que l’autre réalise ses buts dans la vie.

Finalement, lorsque mutuellement les personnes appliquent cette démarche l’une envers l’autre, il en résulte que les deux sont satisfaites. Mais cette manière de faire doit être bien comprise sinon elle risque de prendre la forme d’une sorte de contrat inexprimé, soumis à conditions. Nous pourrions dans ce cas mettre une exigence du style : « Si tu m’aimes, je ferai tout ce que tu voudras! avant-cher-02Sous-entendu : Si tu ne m’aime pas, je te laisse te… « . Nous devons bien faire la différence entre l’esprit qui chérit les autres et l’attachement au bonheur des autres qui nous convient bien. Plus précisément, dans le premier cas, l’esprit qui considère que le bonheur de l’autre est important pour lui et dans le deuxième cas l’attachement au bonheur de l’autre qui pense que celui-ci passe au préalable par notre propre bonheur égoïste. Chérir les autres se traduirait par exemple par : « Ton bonheur est une chose importante pour moi, je souhaite t’aider à le réaliser ».

Les lois du karma sont incontournables. Ainsi toutes nos actions négatives ont pour origine notre préoccupation de soi, tandis que toutes nos actions positives proviennent de l’esprit qui chérit les autres. Toutes les bonnes choses qui se manifestent dans notre vie sont le fruit d’avoir chérit les autres dans le passé en nous engageant dans des actions vertueuses. D’avoir pratiqué alors  la discipline morale et le don, un être jouira d’une vie humaine. Si de plus celui-ci a développé un fort intérêt pour la voie spirituelle il profitera d’une précieuse vie humaine. Ce qui différencie une vie humaine d’une précieuse vie humaine est l’opportunité d’avoir la motivation pour s’engager dans la voie spirituelle. Elle est précieuse dans le sens qu’elle ne va pas de soi et ne dure pas forcément toute notre vie humaine ordinaire. Elle peut prendre fin à n’importe quel moment. De fait, ceux qui ont une précieuse vie humaine sont du reste nettement moins nombreux que ceux qui jouissent simplement d’une vie humaine.

Dans ce contexte, l’action de la discipline morale peut s’expliquer de la manière suivante. Étant donnée une situation, notre préoccupation de soi nous incite à répondre par une action non vertueuse, notre propre intérêt égoïste. Il se peut que nos avant-cher-03perturbations mentales nous encouragent à le faire. La discipline morale est alors cette attitude qui nous invite d’aller dans le sens contraire et de répondre par une action vertueuse, l’amour qui chérit les autres. Si actuellement nous avons la bonne fortune de jouir d’une précieuse vie humaine, c’est parce que dans nos vies passées nous n’avons pas donné suite aux incitations de notre préoccupation de soi à faire du mal aux autres en pensant qu’à nous-même. Motivés par un esprit qui chérit les autres, nous nous sommes alors engagés dans une discipline morale pure. C’est pourquoi nous pouvons aujourd’hui apprécier à sa juste valeur ce cadeau qui nous échoit, une précieuse vie humaine.

Inspiré d’un enseignement de « La Voie Joyeuse » donné par Kadam Ryan au Centre Atisha en 2006 à Genève.

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Réflexion sur la préoccupation de soi

Parce que nous saisissons notre propre soi comme existant de manière intrinsèque, nous saisissons le soi des autres de la même façon. Dans ces conditions nous sommes amenés à considérer nous-même (soi) et les autres comme différents. C’est à partir de cette discrimination que nous développons la préoccupation de soi qui se traduit par le fait que nous nous chérissons bien plus que quiconque et que nous nous considérons suprêmement important. Et pour défendre ce statut, nous développons des perturbations mentales telles que l’attachement désirant, l’orgueil, l’ignorance et Preoc-Soi 01toutes les autres perturbations mentales. Celles-ci nous contraignent à commettre des actions négatives responsables du corps et de l’esprit contaminés qui sont les nôtres. La préoccupation de soi est un esprit trompeur dont les agissements nous assujettissent à une souffrance continuelle. Dans la culture occidentale, nous avons souvent l’image d’un diable qui nous maintient en otage, nous promettant tout ce que nous désirons.

La préoccupation de soi est assimilable à un diable qui nous promet monts et merveilles pour accéder au bonheur, mais qui toujours nous trahis en nous infligeant malheurs et souffrances. D’une manière subversive, sous prétexte d’être un ami, nous sommes sous sa domination et nous nous en accommodons. Au lieu de lui opposer une réelle résistance, nous le mettons toujours au bénéfice du doute. Ainsi, plus nous lui donnons notre assentiment, plus la préoccupation de soi tel un envahisseur occupe de plus en plus notre esprit. Il y a dans le langage populaire une expression qui reflète bien cette situation : « Nous vendons notre âme au diable ». Du point de vue spirituel, inconditionnellement nous donnons suite à toutes ses suggestions et incitations. De la même manière, la préoccupation de soi, par ses intentions fallacieuses agit en imposteur qui ne tient jamais ses promesses.

Comment la préoccupation de soi se manifeste en nous?

  • Elle se traduit par un attachement à nos croyances. Autrement dit, nous pensons que nos idées sont totalement fiables et importantes. À nos yeux, nos opinions valent de toute façon certainement bien plus que ceux des autres. Elle est en état d’alerte en présence de quelqu’un qui ne partage pas les mêmes convictions que nous.
  • En présence de quelqu’un qui possède un système de croyances différent du notre, nous sommes sur la défensive et nous pouvons même devenir intolérants.
  • Elle se traduit aussi par l’orgueil, une certaine arrogance qui considère de manière exagérée nos propres qualités et possessions. Nous ne voudrions pas avoir le sentiment d’être inférieur ou moins bon que notre interlocuteur.

Dans notre démarche spirituelle nous devons faire preuve de pragmatisme. C’est-à-dire de nous baser sur des critères de vérité pour choisir ce qui fonctionne pour nous de manière bénéfique. Or, depuis des temps sans commencement nous avons suivi les « bons conseils » de notre préoccupation de soi. Force est de constater que le fruit de ses propositions est inexistant, en fait rien, juste que des problèmes et des souffrances. Les dysfonctionnements de notre préoccupation de soi, qui ne sont pas bénéfiques, devraient ainsi nous inciter et nous convaincre de changer notre façon d’agir. Notre situation actuelle n’est pas irréversible et à chaque instant nous pouvons la transformer. Pour cela, nous devons orienter toutes nos intentions, toutes nos actions sur leur caractère bénéfique. En analysant notre attitude, nous arriverons naturellement à la conclusion de ne plus suivre notre préoccupation de soi.

Ayant réalisé le comportement perfide et fallacieux de la préoccupation de soi, à tous les instants nous avons le choix de changer d’attitude. Lorsque nous comprenons qu’elle nous rend esclave de nos perturbations mentales, naturellement nous allons développer le désir de nous en libérer. Au lieu de ne considérer uniquement que notre propre intérêt et notre propre point de vue, nous élargissons notre attention également aux autres. Au lieu de Preoc-Soi 02chérir soi-même, notre esprit de préoccupation de soi, nous pouvons chérir les autres. Si mentalement nous faisons une action avec une attitude égoïste ou altruiste, elles deviennent le principal critère de décision de tout ce que nous entreprenons dans notre vie. Quand bien même l’action reste la même, l’attitude mentale avec laquelle nous la faisons change entièrement la signification que nous lui attribuons. La vraie liberté se trouve précisément là. Dans toute situation, posons-nous la question : « Pourquoi, pour qui je fais cela? » Entre faire quelque chose pour soi ou pour les autres, nous choisirons de le faire pour le bien des autres.

Toutes nos tâches, même les plus ordinaires, si elles sont faites en pensant qu’elles sont bénéfiques aux autres les transforment en actes vertueux. Si nous cessons de penser exclusivement à notre bien-être, nous transformons nos attitudes égoïstes en attitudes Preoc-Soi 03altruistes et désintéressées. Cette manière d’agir ne se réalise pas sans effort, du jour au lendemain, mais vient progressivement avec l’entraînement. Nous devons convaincre notre esprit des désavantages de la préoccupation de soi et des avantages de chérir les autres. Chaque fois que nous sommes dans la confusion de l’attachement à notre ego, après avoir identifié que l’origine de notre mal-être est la préoccupation de soi, nous nous mettons au service des autres en les chérissant. Toutes nos relations vont ainsi s’améliorer si nous mettons la préférence sur l’accomplissement d’aider les autres à réaliser leurs buts plutôt que de nous limiter à nos seuls intérêts.

Inspiré d’un enseignement du Programme fondamental : La Voie Joyeuse, Session donnée par Kadam Ryan en 2006 au Centre Atisha de Genève.

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De précieux amis

Nous avons tous envie d’avoir de puissants et précieux amis. Quelqu’un qui puisse nous aider en toute circonstance, que les conditions soient bonnes ou mauvaises. Le plus souvent c’est lorsque les conditions sont mauvaises que nous recherchons leur Precieux-amis-01aide. Nous appelons de tels amis à la rescousse lorsque nous nous sentons en danger, que avons besoin de protection ou bien que nous manquons de moyens pour résoudre un problème insurmontable. Mais lorsque tout va bien dans notre vie nous les oublions peut-être. Lorsque nous sommes confrontés à une difficulté ou un problème, très rapidement notre sérénité et notre bonheur disparaît remplacé par la souffrance et l’inconfort. Tous les êtres vivants sans exception souhaitent être heureux et ne pas souffrir.

Si actuellement nous avons peut-être ce souhait, c’est que nous ne sommes pas vraiment heureux et que nous rencontrons des problèmes. Ce qui veut dire que nous n’avons pas encore trouvé ce qui nous rendrait heureux et ce qui nous épargnerait de souffrir. Si nous n’avons pas encore trouvé cela veut dire que nous n’avons pas cherché au bon endroit. Et si nous persistons dans notre recherche nous disposons de deux seules possibilités : soit ce que nous recherchons est impossible à trouver, soit nous ne cherchons pas au bon endroit. De plus ces deux possibilités ne s’excluent pas l’une l’autre. Nous pouvons chercher quelque chose qui n’existe pas au mauvais endroit! Quelle est la réponse à ce dilemme ? Pourquoi sommes-nous si souvent malheureux et continuons de souffrir ? En fait ce que nous recherchons est impossible à trouver à l’endroit où nous le cherchons habituellement.

Precieux-amis-02Quand nous rencontrons des problèmes et des situations difficiles, vers quoi nous tournons-nous ? Que cherchons nous immédiatement à changer ? Ce vers quoi nous nous tournons ou ce que nous recherchons semblent se manifester à l’extérieur de notre esprit. Si nous nous sentons si mal, notre réflexe est de chercher à l’extérieur ce qui ne va pas. C’est-à-dire les gens, notre partenaire, notre travail, le climat et ainsi de suite. Nous cherchons une raison externe à notre mal-être. Or, combien de fois n’avons nous pas tenté de changer les gens, notre partenaire, notre situation ? Combien de fois n’avons-nous pas ambitionné l’amélioration de notre existence ? Si la clé pour être heureux et ne plus souffrir consiste à changer et améliorer les conditions extérieures, alors pourquoi sommes-nous encore insatisfaits ?

Cela peut paraître puéril de dire que le bonheur est avant tout un état d’esprit. Les causes et les conditions extérieures ne font pas le bonheur. Qu’est-ce qui changerait dans notre vie si nous étions profondément convaincus que ce que nous avons à changer avant tout, lorsque nous avons des problèmes, c’est notre esprit. La source de tous nos problèmes et de toutes nos souffrances se trouve à l’intérieur de notre propre esprit. Ce sont tous ces états d’esprit qui nous mènent dans la mauvaise direction. Si nous apprenons à connaître notre esprit et à différencier les états d’esprit cause de bonheur des états d’esprit cause de souffrance, à cultiver les uns et se libérer des autres, alors nous allons progressivement faire l’expérience d’une paix intérieure de plus en plus grande.

Precieux-amis-03Malgré la succession possible des événements malheureux, nous nous sentons bien quand même. Si notre esprit est paisible quelles que soient les conditions extérieures nous sommes heureux. Dans le cas contraire, nous sommes malheureux dans les mêmes conditions. Il est donc tout à fait possible d’être profondément déprimé dans un environnement idyllique et parfait. Ceci est donc une bonne nouvelle. Parce que vouloir contrôler ou changer les conditions extérieures est une tâche épuisante et inefficace. Si nous comprenons les bienfaits des réalisations spirituelles telles que les réalisations intérieures de la sagesse, de l’amour et de la compassion nous les acceptons en toutes circonstances. Ces richesses intérieures nous protègent face aux situations difficiles, ce sont de vraies amies.

Compilé d’après une transcription et mes notes personnelles d’un enseignement sur le Refuge dispensé par Kelsang Jikgyob au Centre Atisha de Genève au mois de septembre 2013

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Réflexion sur la préoccupation de soi

Si nous observons notre attitude de manière générale, nous avons le sentiment à bien des égards que nous sommes très différent les uns des autres et parfois même supérieur aux autres. Nous sommes continuellement préoccupés par nos propres expériences et notre propre bonheur que nous estimons d’une grande importance. Et nous n’accordons pas la même considération aux expériences et au bonheur des autres. Par ignorance, nous créons cette dichotomie entre nous-même et les autres et, sans aucune raison valide, nous n’accordons pas la même importance aux autres qu’à nous-mêmes. Ainsi par exemple, si nous venons à savoir que notre voisin a perdu son travail cela nous touche peut-être mais cela ne nous affecte pas autant que si c’est nous qui avons été licencié, parce que les deux situations n’ont pas le même impact sur notre esprit.

Preoccupation - 01Tout le monde sans exception agit dans ce sens, parce que du fait de notre préoccupation de soi, nous estimons que tout ce qui nous concerne directement est d’une grande importance, bien plus grande que ce qui concerne les autres. L’esprit de compétition qui est courante dans notre société nourrit cette préoccupation de soi. Ce phénomène existe aussi bien pour les objets que pour les personnes. L’esprit de compétition qui devrait être un simple jeu devient alors un moyen pour obtenir satisfaction, qu’il s’agisse d’obtenir un objet matériel convoité ou un statut social envié, quitte à ce que soit au détriment des autres. Nous sommes convaincus à tort que pour être heureux, nous devons obligatoirement être le meilleur! Lorsque nous observons avec clarté ce qui se passe dans le monde, dans notre entourage nous réalisons que cet état d’esprit perturbe et rend malheureux.

Preoccupation - 02Or Bouddha nous enseigne l’équanimité, la mise à égalité de soi avec les autres, c’est-à-dire juste le contraire de ce que nous faisons habituellement. Qu’est-ce que cela doit nous faire comprendre? A peine réveillé, nous entreprenons des actions qui, directement ou indirectement tendent vers un seul but : être heureux et éviter la souffrance sous toutes ces formes. Ainsi tous nos faits et gestes, toutes nos pensées contribuent à réaliser cet objectif. Avec une grande attention, nous réalisons la pertinence de ce comportement. Mais en fait nous constatons également que les autres aussi ont le même but, même si à nos yeux ils le font parfois maladroitement. Alors, qu’est-ce qui se passe dans notre esprit lorsque nous concluons que nos souhaits et nos désirs sont identiques à ceux des autres? Nos prérogatives s’estompent parce qu’elles n’ont plus aucune légitimité et notre préoccupation de soi disparaît.

Très souvent, notre vie est conditionnée par un sentiment d’insécurité, comme un certain malaise, un inconfort lorsque notre esprit est confronté à une situation inconnue. Par les agissements de notre préoccupation de soi, un conflit d’intérêt se développe dans notre esprit. Ce dernier projette toutes sortes de scénarios en maintenant une excitation permanente qui alimente nos peurs. Cette peur, ce déséquilibre qui se met en place dans de telles situations est renforcé par la présence de notre préoccupation de Preoccupation - 03soi. C’est elle qui est responsable de toute la souffrance que nous expérimentons. La préoccupation de soi entretient toutes les querelles, les disputes et les conflits présents dans notre vie. Habituellement lorsque les choses vont mal, nous blâmons la situation extérieure que nous tenons pour responsable de notre malheur. Systématiquement nous cherchons à justifier notre état ou notre attitude par des arguments liés à une cause extérieure et non à un état d’esprit.

C’est seulement en apparence que nous semblons avoir des motivations et des désirs très différents, mais de manière ultime toutes ces différences n’existent pas. Sur la base de ce sentiment d’égalité, notre esprit de préoccupation de soi progressivement disparaîtra cédant la place à un sentiment d’affection, d’amour affectueux. Cet amour affectueux est le premier pas pour ouvrir notre cœur aux autres, pour adoucir notre esprit rebelle à toute forme d’équanimité. Nous pouvons alors progressivement amoindrir et finalement supprimer les différences que nous croyons exister entre nous-mêmes et les autres. Avec ce qui précède, nous pouvons contempler les zones sombres de notre esprit de préoccupation de soi en méditant encore et encore sur cette affirmation : « Le bonheur des autres a autant d’importance que mon propre bonheur ».

Réflexion compilée d’après un enseignement « Les clés pour ouvrir son cœur » donné par Timothy  Leighton au Centre Atisha de Genève, octobre 2009

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Chaque instant de notre précieuse vie humaine

Tout un chacun attache une grande valeur à sa vie. Il suffit de voir ce que l’être humain est capable de faire lorsqu’il est en danger pour sa vie. On parle volontiers alors d’instinct de survie. Pourquoi? Parce ce que nous sommes fortement attachés à cette vie et à tout ce qui la concerne. Nous sommes prêts à sacrifier tous nos biens pour la conserver. Nous sommes capables de fuir un environnement hostile au prix de grands dangers pour en rencontrer d’autres peut-être plus grands encore. Une mère se sacrifiera pour sauver la vie de son enfant. Notre vie est précieuse par l’opportunité qu’elle nous donne de pouvoir jouir d’une existence matérielle confortable, à l’abri des tourments liés à notre civilisation contemporaine. Notre vie est précieuse par le fait que nous avons travaillé dur pour enfin profiter d’un peu de bonheur. Mais comme le dit Bouddha, toutes ces situations et ces choses ne sont que des rêves, des illusions temporaires projetées par notre esprit sous l’emprise de l’ignorance.

Mais alors, est-ce qu’il y a quelque chose de plus précieux que la vie décrite ci-dessus? Évidemment oui. C’est notre vie spirituelle qui est née de cette précieuse vie humaine. Notre vie humaine est si précieuse parce qu’elle nous donne la possibilité d’entrer dans la voie spirituelle et d’y progresser, et pour finalement compléter tout notre entraînement spirituel. Par cet entraînement nous donnons naissance à notre vrai Soi par opposition à notre soi ordinaire et une nouvelle vie commence, notre vie spirituelle. C’est pourquoi, comme une mère protège son enfant nouveau-né d’un environnement hostile, nous devons faire de même avec notre vie spirituelle. Si nous ne le faisons pas, celle-ci dépérira inévitablement. C’est seulement lorsque nous pensons à quel point dans le passé nous avons permis à notre vie spirituelle de dégénérer que nous réalisons d’avoir gaspiller cette précieuse vie humaine.

Precieuse_vie-01Qu’est ce qui peut mettre en danger notre vie spirituelle? Le samsara qui est cet environnement hostile comprenant d’innombrables ennemis qui veulent nous détruire. Quels sont ces ennemis qui voudraient tuer notre vie spirituelle? Ce sont nos perturbations mentales. Celles-ci semblent comprendre que notre vie spirituelle constitue un opposant particulièrement préjudiciable pour leur existence. Autrement dit, nos perturbations mentales sont menacées par l’existence de notre vie spirituelle et tenteront de tout faire pour l’affaiblir et finalement la détruire. En comprenant que notre précieuse vie humaine est le fondement même sur lequel se construit notre vie spirituelle, nous générerons sûrement le désir d’en prendre soin, de la nourrir et de la protéger comme le ferait une mère pour son plus cher enfant.

C’est pourquoi nous devons envisager chaque instant de notre précieuse vie humaine comme une précieuse opportunité de pratiquer la voie spirituelle dans notre vie. Comment? En considérant notre vie comme un intervalle dans lequel nous accueillons le guide spirituel dans notre cœur et dans notre esprit, lui permettant de nous aider à progresser vers l’illumination, vers la bouddéité. Même si la présence de notre guide spirituel n’est pas encore clairement établie dans notre esprit, nul n’est besoin de se forcer à le comprendre, il suffit juste de se détendre et d’ouvrir son cœur. La meilleure consigne qui soit dans ce cas est de juste débrancher notre soi ordinaire pour accueillir ce que nous devons comprendre avec notre vrai Soi. Nous avons juste besoin d’ouvrir notre cœur afin de recevoir les bénédictions de notre guide spirituel dans notre esprit.

Precieuse_vie-02Lorsque nous avons cette opportunité et nous ne savons pas si elle durera encore longtemps, nous allons l’utiliser au maximum. Avec notre précieuse vie humaine, nous devons être comme celui qui a un temps très limité pour accomplir une tâche importante, voire vitale et où chaque seconde compte. De la même manière, nous devons tirer profit de chaque opportunité pour nourrir notre vie spirituelle et d’accumuler du mérite grâce à la vraie valeur de cette précieuse vie humaine. Que veut dire l’expression « gaspiller notre précieuse vie humaine »? C’est d’une part de s’engager dans des actions qui n’ont aucun sens, chaque moment passé dans de telles actions ne nous est d’aucune utilité pour notre vie spirituelle et d’autre part en fuyant nos perturbations mentales au lieu de les combattre. Nous avons beaucoup de familiarité avec cette stratégie de fuite face à nos perturbations mentales. Pour certains c’est la pratique principale. C’est une sorte de capitulation face à elles prétextant qu’elles sont plus fortes que nous. Le moment est venu de nous lever et de nous battre!

En fait il n’y a pas d’activité insensée de manière intrinsèque, c’est notre perception de cette même activité qui lui donne ou pas un sens. Il n’existe pas un travail dénué de sens, mais une manière de le faire qui ne lui donne aucun sens. Tout dépend de notre état d’esprit au moment de nous engager dans une activité. Si nous nous engageons continuellement dans nos activités avec un esprit samsarique, nous gaspillons toute notre vie. Nous devons prendre chaque moment et nous engager dans notre vie avec l’esprit du dharma. Nous devons envisager notre vie comme un champ de Precieuse_vie-03bataille contre nos perturbations mentales. Si nous avons la capacité de combattre un ennemi, il peut être sage de ne pas le provoquer, mais ce dernier sera toujours là. Par contre, si nous avons la chance de posséder grâce au guide spirituel les armes pour le combattre et c’est le cas avec notre précieuse vie humaine, nous devons nous engager dans le combat.

Inspiré d’un enseignement et du commentaire de « La Voie Joyeuse » de Kelsang Gyatso, donné par Kadam Ryan au Centre Atisha de Genève en 2004

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Ce qu’il nous faut atteindre

Nous pouvons considérer l’enseignement des quatre nobles vérités comme notre feuille de route pour atteindre la libération et l’illumination. Cette feuille de route est un itinéraire intérieur à notre esprit. Elle se résume en une description de notre situation actuelle, de l’origine de toutes nos difficultés et l’explication de comment nous pouvons atteindre pratiquement cet objectif. Dans notre situation actuelle nous devons identifier les vraies sources de nos problèmes, sachant que celles-ci se localisent à l’intérieur de notre esprit et non à l’extérieur. Tous nos problèmes proviennent de nos perturbations mentales dont la racine est notre ignorance de saisie d’un soi. Nous devons suivre cette piste en faisant appel à notre sagesse pour réaliser l’enchaînement de cause à effet qui se produit continuellement.

La quatrième noble vérité « Les vraies voies » nous incite à atteindre la cessation définitive de la souffrance et de sa racine en pratiquant les vraies voies intérieures. Bouddha nous encourage, sachant que nous avons potentiellement la capacité de le faire et que nous sommes à même nous libérer du samsara et atteindre l’illumination. Alors que dans notre vie quotidienne actuellement nous nous contentons d’une paix temporaire, nous pouvons prétendre à une paix éternelle, le nirvana. Piégés dans le cycle de renaissances incontrôlées, nous pouvons si nous le décidons mettre fin à ce cauchemar. Par notre décision, nous développons une puissante détermination de ne plus jamais fonctionner ainsi et ne plus avoir à souffrir de la maladie, du vieillissement et de la mort.

Atteindre-01Si nous voulons nous libérer définitivement de la souffrance, nous devons éradiquer les vraies origines de la souffrance. Alors seulement nous pourrons atteindre l’illumination et venir en aide à tous les êtres vivants. Tant que nous sommes sous le contrôle de l’ignorance et de sa constellation de perturbations, nous continuerons à souffrir. C’est pourquoi nous devons renoncer aux attraits perfides du samsara. Le renoncement ne consiste pas à abandonner nos biens, nos amis,  nos activités et ainsi de suite, mais de renoncer à nos perturbations mentales issues de notre ignorance. Progressivement nous pouvons envisager utiliser différemment notre vie et toutes nos vies futures pour réaliser ce renoncement.

Le sens spirituel d’une activité dépend principalement de ce que nous en faisons intérieurement avec notre esprit. Selon la manière dont nous percevons un objet, celui-ci est soit un catalyseur pour une perturbation mentale donnée soit une incitation à faire quelque chose de vertueux. Les objets ne ne sont pas perturbants ou vertueux de manière intrinsèque, de leur propre côté. Mais c’est la relation que nous établissons avec ceux-ci qui le déterminent. Si nous considérons tous les objets et toutes les activités samsariques comme une finalité, comme une solution à tous nos problèmes, nous serons tôt ou tard déçus car nos attentes ne seront pas satisfaites. La nature du samsara est de nous tromper et de nous faire souffrir.

Atteindre-02Tant que nous serons assujettis à l’ignorance et à nos perturbations mentales, même si nous bénéficions d’excellentes conditions matérielles dans cette vie et que tout va bien, ces conditions ne sont que temporaires avant que nous fassions de nouvelles expériences de souffrance. Cela revient à couper les mauvaises herbes au moyen d’un sécateur au lieu d’extraire les racines de celles-ci. Ce ne sera qu’une question de temps avant que les mauvaises herbes repoussent. Si recherchons une solution extérieure sans rechercher au préalable une solution intérieure, ce que nous obtiendrons ne sont que des solutions temporaires.

Compilé d’après les enseignements « Programme Fondamental : La Voie joyeuse » en 2005 et « Programme d’Etude : Un Bouddhisme moderne » en 2013 reçus au Centre Atisha de Genève

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Abandonner les origines de notre souffrance

Dans le soutra des quatre nobles vérités, après nous avoir expliqué la nature de nos souffrances, Bouddha nous dit : « Il vous faut abandonner les origines ». Les souffrances et les difficultés que nous rencontrons dans notre vie ne sont pas dues au hasard. Elles ont forcément une origine, une cause, selon la loi du karma. Et si nous n’abandonnons pas la cause de celles-ci nous connaîtrons d’insupportables souffrances et d’inextricables problèmes dans nos vies futures. Les origines dont parle Bouddha fait référence à nos perturbations mentales et en particulier à notre ignorance de saisie d’un soi. C’est elle qui est la source de toutes nos souffrances et de tous nos problèmes. Dans son livre « La Voie Joyeuse », Ghéshé Kelsang Gyatso définit la perturbation mentale de la manière suivante, je cite : « une perturbation mentale est par définition un facteur mental qui provient de la focalisation inappropriée et dont la fonction est de rendre l’esprit agité et incontrôlé ».

Cette focalisation inappropriée est le mode de fonctionnement de notre esprit sous l’étroite dépendance de notre ignorance de saisie d’un soi. À tort, nous pensons que ce sont les conditions extérieures qui sont à l’origine de toutes nos souffrances. Nous pensons qu’il y a véritablement quelqu’un ou quelque chose qui se trouve à l’extérieur de notre esprit et qui nous fait souffrir. Nous sommes persuadés que le responsable de notre souffrance et de nos problèmes se trouve à l’extérieur de nous. Ainsi, nous souffrons d’injustices et de frustrations parce que la situation conjoncturelle nous est défavorable, nous sommes malheureux de ne pas posséder comme beaucoup d’autres la richesse et le pouvoir, nous sommes incapables de satisfaire nos désirs, etc. En fait, par ignorance nous pensons que c’est toujours la faute à quelque chose ou à quelqu’un. Nous cherchons désespérément un coupable, un responsable. Après quoi nous tentons désespérément de changer ces conditions extérieures, mais sans succès.

Abandon-01Or, la source de notre bonheur et les vraies causes de notre souffrance se trouvent à l’intérieur de notre esprit. Et notamment les vraies origines de tous nos problèmes et souffrances sont nos perturbations mentales et en particulier notre ignorance de saisie d’un soi. Celle-ci est la racine de toutes nos perturbations mentales. Toutes les autres, telles que la colère, la jalousie, l’attachement, la convoitise et ainsi de suite en découlent. Toutes proviennent de l’ignorance de saisie d’un soi comme les fleurs et les fruits se forment à partir de la racine d’un arbre. C’est pourquoi nous devons clairement identifier notre ennemi. Celui-ci n’a nullement l’aspect d’une personne ou d’un objet extérieur. Notre véritable ennemi personnel, un véritable démon intérieur, est l’ensemble de nos perturbations mentales qui prennent le contrôle de notre esprit pour ensuite causer des dégâts à l’extérieur.

Par définition, les perturbations mentales sont des perceptions erronées dont la fonction est de détruire notre paix mentale, la source du bonheur. Elles n’ont pas d’autre fonction que de nous faire du mal. Lorsque nous sommes sous l’emprise des perturbations mentales, ce que nous percevons n’est pas en adéquation avec la réalité.  Nous sommes à ce moment-là en décalage ou même en opposition avec la réalité. Si notre esprit n’est pas en paix, même si les conditions extérieures sont parfaites nous ne pouvons pas être heureux. Tant que notre esprit n’est pas paisible, nous ne sommes pas heureux quelles que soient les conditions extérieures. Rappelons que le bonheur est avant tout un état d’esprit. La source de notre bonheur se trouve à l’intérieur de notre esprit. La cause principale de notre souffrance comme de notre bonheur ne peut se trouver en dehors de notre esprit.

Abandon-02L’ignorance de saisie d’un soi est un poison bien plus violent que tout poison extérieur. Si celui-ci nuit à notre corps, l’ignorance nuit à notre esprit et le contamine en permanence vie après vie. En d’autres termes, elle est un poison dangereux et tenace qui contamine toutes nos pensées, toutes nos actions que nous effectuons dans toutes nos expériences. La loi du karma explique clairement la relation dépendante qui existe entre nos actions mentales, verbales et physiques et toutes nos expériences actuelles et futures. Lorsqu’il y a une pollution d’un cours d’eau par exemple, il est parfois difficile d’identifier la source de celle-ci et nécessite de longues investigations. De même, il est également difficile d’identifier la source de notre pollution intérieure, l’ignorance de saisie d’un soi. Tant que nous n’avons pas identifié cette ignorance qui est la vraie source de notre souffrance, celle-ci continuera à se manifester et nous empoisonner dans cette vie et dans toutes nos vies à venir.

Parce que tant que nous ne faisons rien de plus que gémir de nos souffrances et de nous plaindre des problèmes qui nous submergent, cette situation persistera. Si nous voulons nous libérer définitivement de nos souffrances, nous devons éradiquer la racine du mal qui nous cause tant de souffrance, l’ignorance de saisie d’un soi. Dans son livre « Un Bouddhisme Moderne », Ghéshé Kelsang Gyasto mentionne une déclaration du grand yogi Saraha qui dit : « Si votre esprit est définitivement libéré de la saisie d’un soi, il est certain que vous serez définitivement libérés de la souffrance.

Compilé et rédigé à partir d’un enseignement du Programme d’Étude basé sur le livre « Un Bouddhisme Moderne », reçu au Centre Atisha en 2013 ainsi que de mes lectures personnelles.

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De bonnes raisons de chercher refuge

Rappelons-nous que notre mort est une certitude et le moment de notre mort totalement imprévisible. Sachant que notre état d’esprit à ce moment-là déterminera notre prochaine renaissance, notre pratique du dharma pourra nous aider au moment de la mort et après la mort. Nous avons tous une compréhension de ce problème pour lequel nous pouvons rechercher une solution. Mais tant que nous Refuge-Pr-01n’avons pas intériorisé celui-ci, étudier une solution restera sans résultat. Pas plus que d’accepter le problème sans savoir canaliser notre compréhension dans la bonne direction restera sans effet. Et cette bonne direction est celle que notre guide spirituel nous invite à prendre. Un passage de « L’offrande au guide spirituel » pose bien le décor de notre condition samsarique, je cite :

« Ballotté violemment par les vagues des perturbations mentales et du karma,
Et tourmenté par les monstres marins des trois souffrances,
Je cherche tes bénédictions afin de développer un puissant désir de libération
Du grand océan du samsara, effrayant et sans limites ».

Généralement nous rencontrons deux sortes de gens, ceux qui sont dans le déni total de leur situation samsarique et ceux qui acceptent leurs problèmes tout en étant complètement paniqués. Dans ce contexte, la mort et les dangers d’une renaissance dans les règnes inférieurs nous placent devant cette évidence. Dans les propos de mon enseignant, il nous a donné sa conclusion très intéressante : « Je vais cesser de me plaindre à mon guide spirituel de la taille et de la nature de mes problèmes mais je vais dorénavant démontrer à mes problèmes la taille et la force de mon guide spirituel« . Nous sommes continuellement en train de nous apitoyer sur notre sort dans le samsara. Nous serions bien inspirés de rechercher une solution fiable pour y remédier. La solution sera de prendre refuge en notre guide spirituel, la synthèse de tous les bouddhas, pour recevoir sa protection. Tout comme nous recherchons la protection et les bons conseils du médecin lorsque nous sommes malades ou que nous faisons appel à la police lorsque nous sommes en grand danger, nous pouvons faire appel aux bouddhas en cherchant refuge.

A l’échelle de notre continuum mental, alors que cette vie-ci nous paraît parfois interminable, elle ne dure qu’un instant. Dans cette perspective, cela nous donne une idée de la longueur de notre précieuse vie actuelle. Puisqu’elle nous permet de nous libérer du samsara, sachons aussi que cette opportunité est extrêmement courte. C’est la raison pour laquelle il serait ridicule et regrettable de la gaspiller dans des activités dénuées de sens. En fait, nous avons tellement « travaillé » dans nos vies passées pour obtenir cette précieuse vie que nous avons maintenant une opportunité fantastique de réaliser que nos vies futures sont bien plus importantes que cette vie-ci. Grâce à notre pratique de la discipline morale dans le passé nous jouissons d’une précieuse vie humaine. Dans ce sens, rompre notre discipline morale est bien plus dangereux que la mort, parce que si nous perdons notre discipline morale nous créerons les causes d’une renaissance dans les règnes inférieurs. Et une fois dans les règnes inférieurs, nous nous engagerons uniquement dans des actions négatives dont les effets seront des tendances à tomber encore et encore.

Refuge-Pr-02Ainsi, nous avons deux feuilles de route possible. Celle qui nous dirige vers un bonheur durable et sans souffrance en cherchant l’aide et les bénédictions du guide spirituel ou celle que suggèrent nos perturbations mentales. Or les conseils et suggestions de nos perturbations mentales sont trompeuses et nous serions bien inspirés de les abandonner. A cause d’elles nous sommes piégés dans l’océan du samsara, effrayant et sans limites pris en otage par les trois monstres que sont l’attachement, la colère et l’ignorance. En choisissant la feuille de route conseillée par notre guide spirituel, nous rechercherons ses bénédictions et son aide en cherchant refuge en lui. A ce stade, nous devons avoir l’humilité de reconnaître que nous n’avons pas la capacité de nous tirer d’affaire tout seul, raison pour laquelle nous cherchons refuge. Si nous sommes pris sous un violent orage, il ne suffit peut-être pas de simplement ouvrir son parapluie, nous devons en plus nous mettre à l’abri. C’est pourquoi nous cherchons refuge en Bouddha, le dharma et la sangha.

Spirituellement, nous sommes confrontés à quatre types de problèmes qui doivent nous inciter à chercher refuge.

  • Les problèmes mondains. Les objets et les phénomènes externes à notre esprit dans notre vie sont un véritable problème pour nous.
  • Le risque de tomber dans les règnes inférieurs. Notre capital de karma négatif est si important que le risque que celui-ci mûrisse au moment de notre mort fait que nous renaîtrons probablement dans les règnes des animaux, des esprits affamés ou des êtres de l’enfer.
  • Le risque de prendre des renaissances incontrôlées. Comme nous avons un esprit incontrôlé, veut dire que nous n’aurons pas non plus le contrôle durant le processus de la mort. A cause de cela, nous allons prendre des renaissances incontrôlées dans des agrégats samsariques.
  • Les autres prendront des renaissances incontrôlées. Les autres êtres prennent ou prendront des renaissances incontrôlées dans des agrégats contaminés sans que nous puissions faire quoi que ce soit pour eux à cause de nos limitations actuelles. C’est par analogie comme une mère qui voit ses enfants se noyer mais qui ne peut les sauver car elle-même ne sait pas nager.

Refuge-Pr-03Si nous n’intégrons pas le fait que nous avons tous personnellement les problèmes spirituels ci-dessus, nous ne serons pas forcément motivés de chercher refuge et notre pratique restera intellectuelle. En prenant conscience que ces problèmes sont en nous, alors nous trouverons la motivation réelle de chercher refuge. Nous devons connecter le dharma à nos problèmes dans notre esprit. Notre tâche principale et incessante est d’accepter et d’identifier ceux-ci. « Oui j’ai ce problème spirituel! » et à partir de ce moment-là nous sommes prêts à chercher refuge en Bouddha, le dharma et la sangha.

 Compilé d’après ma transcription et mes notes du programme fondamental « La Voie joyeuse » donné par Kadam Ryan au Centre Atisha de Genève en 2004.

Que peut nous apprendre une faute.

Souvent dans nos relations avec les autres, nous passons une grande partie de notre temps à identifier et contempler leurs fautes. D’après les écrits bouddhistes les êtres samsariques tels que les humains vivent actuellement dans le règne du désir, (Nous vivons dans le règne du désir). Cet état nous conduit à développer un « esprit de compétition » les uns avec les autres. Nous sommes inconsciemment sans cesse à contrôler les états et les agissements des autres afin de savoir s’ils sont mieux ou moins bien que nous. Nous pouvons vérifier facilement cela en considérant les personnes qui nous sont proches dans notre vie. Nous constatons alors que la plupart de nos pensées les concernant focalisent notre attention sur leurs erreurs et leurs perturbations mentales. Comme si le fait de reconnaître les fautes chez les autres nous permettait de confirmer que nous ne les avons pas. Dans certaines situations nous le faisons jusqu’au point de ne voir que leurs fautes. À cause de notre attention inappropriée sur celles-ci, nous générons beaucoup de perturbations mentales et d’agitation dans nos relations avec les autres. En résultat cela détruit l’harmonie dans nos relations ainsi que notre propre bonheur. Notre attention inappropriée sur les fautes des autres détruit la paix intérieure dans notre propre esprit et casse l’harmonie avec nos proches.

Appr-Faute-01Dans les conseils qui viennent du cœur d’Atisha, il est dit : « Ne cherchez pas à voir les défauts des autres, mais recherchez les vôtres et purgez-vous comme si c’était du sang mauvais. Ne contemplez pas vos propres qualités, mais contemplez celles des autres et respectez chacun comme le ferait un serviteur ».  Alors, nous avons le choix suivant : soit nous conservons notre propre point de vue ordinaire et continuons à voir les fautes des autres, soit nous adoptons le point de vue d’un Bouddha qui voit le potentiel pur dissimulé derrière celles-ci. Ce choix nous appartient. Mais si nous voulons jouir d’une paix et d’un bonheur réel, il serait sage d’adopter le second choix. En contemplant les désavantages de notre vue ordinaire et le conseil ci-dessus, nous allons générer en notre esprit l’intention de choisir personnellement d’abandonner nos propres défauts et de nous réjouir dans les qualités des autres.

Appr-Faute-02Comme nous avons une propension à débusquer les fautes chez les autres, nous pouvons facilement comprendre que les autres font de même avec nous. Tout comme nous cherchons à voir les fautes chez les autres, ceux-ci cherchent à voir nos propres fautes. De ce fait, nous sentant à découvert, nous allons chercher à nier nos propres fautes tout en exaltant celles des autres, en pensant : « Moi je ne suis pas comme telle ou telle personne, je n’ai pas ceci ou cela ». Par la même occasion, puisque nous portons essentiellement notre attention sur les fautes, que ce soit celles des autres ou nos propres fautes, nous oublions complètement que les autres et nous- mêmes avons également des qualités. Mais attention, il est très facile d’aller d’un extrême à l’autre en pensant que les autres n’ont que des défauts ou que nous n’avons que des qualités. Et si nous avons la patience d’approfondir notre compréhension des enseignements de Bouddha, le dharma, celle-ci nous amènera naturellement à mettre en place une stratégie vertueuse en toute circonstance. Cette stratégie se résume à faire la distinction entre les apparences ordinaires d’une faute et les conceptions ordinaires de cette même faute. Lorsqu’une faute nous apparaît, que ce soit celle des autres ou notre propre faute, notre esprit impur la perçoit comme une apparence fausse, parce que les objets ne nous apparaissent pas comme ils sont véritablement. Et sur la base de cette apparence ordinaire, notre esprit ordinaire, à cause de nos perturbations mentales, conçoit cette faute comme existante de manière intrinsèque. Aussi longtemps que nous sommes dans le samsara, nous voyons de cette façon les apparences d’une faute également chez les autres et chez nous-mêmes.

Appr-Faute-03Si nous observons les qualités de nous-mêmes et des autres de la même manière que nous observons les fautes, nous considérons ces qualités comme des apparences ordinaires que notre esprit conçoit de manière fausse également. En réalité, toutes les qualités, les nôtres et celles des autres sont dans la claire lumière de l’esprit. Toutes les qualités sont dans le Vrai Soi, le potentiel pur de l’esprit, la claire lumière du dharmakaya. Tandis que le Soi ordinaire, l’apparence ordinaire de nous- mêmes ou des autres est semblable à une prison qui obscurcit et empêche l’esprit du Vrai Soi de se manifester. Dans une certaine mesure nos qualités sont confondues avec notre potentiel pur, lui-même enfermé dans une sorte de pellicule plus ou moins opaque constituée des perturbations mentales. Selon l’épaisseur de cette pellicule notre potentiel pur et nos qualités sont peu ou pas perceptibles.

Si nous ne pouvons changer les apparences ordinaires de se manifester, nous pouvons changer les conceptions ordinaires que nous générons en tant que réponse à la manifestation de l’apparence d’une faute. Nous devons développer une relation bénéfique, saine et constructive avec les apparences des fautes. Notre interaction avec celles-ci doit nous procurer un bienfait et nous permettre d’avancer sur notre voie spirituelle. Par exemple, si nous observons une faute chez une personne, cette situation nous enseigne ce que nous ne devrions pas faire. Dans ce cas, il y a une apparence  d’une faute mais également une réaction positive, bénéfique et saine, en conséquence de quoi il n’y a aucun problème à fonctionner de cette manière. Par contre si nous observons une faute chez l’autre et que notre réaction est le jugement, la jalousie ou toute autre perturbation mentale notre esprit est dysfonctionnel. Ainsi l’objet à abandonner n’est pas l’apparence d’une faute, mais la perturbation mentale à l’origine de notre conception ordinaire de la faute observée. Ceci vaut également pour nos propres fautes.

 Rédigé d’après mes notes et une transcription d’une enseignement sur « Huit Etapes vers le Bonheur » du programme fondamental donné par Kadam Ryan en 2009 au Centre Atisha de Genève.