Archives de la Catégorie : 1.1 Expériences vécues

Ce qui m’est arrivé

Les résultats des actions augmentent

De très petites actions non vertueuses peuvent mûrir sous forme de grandes souffrances, et inversement, de très petites actions vertueuses  peuvent mûrir sous forme de grand bonheur. [La Voie Joyeuse, Le karma, page 258]

Nous pouvons considérer les effets secondaires de toutes nos actions. Par exemple, imaginez que sur le chemin du travail vous êtes impliqué dans un accident de la circulation et que de plus vous êtes bon gré mal gré responsable de ce qui est arrivé. En résultat, vous débarquez au bureau de très mauvaise humeur et particulièrement en colère. Colère que vous reportez inconsciemment sur vos collègues et vos amis. À leur tour ceux-ci, perturbés par votre comportement, se mettent à leur tour en colère et reportent cette colère dans d’autres départements. Sans même le savoir, ils contaminent leur entourage pour finalement en fin de matinée renter chez eux et se mettre en colère avec leur famille. Cette caricature nous permet d’imaginer les effets en cascade qu’une simple action action_augm-01non vertueuse engendre. Dans ce sens nous sommes responsables de toutes les implications de nos actions et pas juste de l’action initiale et de son implication immédiate. Ce processus fonctionne aussi bien pour les actions négatives que pour les actions positives.

Comme exemple, prenons les mauvaises herbes du jardin. Si nous ne faisons rien pour les éliminer, elles vont continuer à pousser de manière expansive toujours plus loin, sans que nous ayons à faire quelque chose pour cela. Contrairement aux plantes et légumes à qui nous devons prodiguer de l’attention et des soins continus, les mauvaises herbes n’ont besoin de rien pour croître. Telles les mauvaises herbes, le karma négatif fonctionne de cette manière aussi. Autre exemple, les cellules cancéreuses dans le corps d’une personne. Celles-ci ont tendance à muter en formant des métastases toujours plus nombreuses. Sans l’aide de la chimiothérapie et de soins appropriés, cette propagation augmentera jusqu’à la mort. Le karma négatif de notre esprit est en tout point semblable et si nous ne faisons rien, celui-ci ne tardera pas à occuper tout notre esprit en le contaminant totalement.

Si nous posons une bille en équilibre au sommet d’un dôme, il suffit de la moindre action pour que celle-ci roule vers le bas, et ceci dans n’importe quelle direction, car la structure de demi-sphère du dôme oriente toujours la bille vers le bas. Exactement de la même manière, dans notre esprit, comme la plupart de nos empreintes karmiques sont négatives, notre esprit est semblable à la structure de ce dôme. Si nous mettons ne serait-ce qu’une petite action négative dans notre esprit, celle-ci évolue immanquablement vers une plus grande négativité. Pour cela nous pouvons contempler le passage du texte du livre « La Voie Joyeuse » à la page 258 qui dit, je cite : « Si une toute petite action non vertueuse a été créée, son pouvoir de produire de la souffrance augmente de jour en jour, tant que nous négligerons de la purifier ». Plus longtemps un karma négatif demeure sur notre esprit plus il grandira. On raconte que Djé Pabongkhapa prenait l’exemple de tuer un moustique dans un moment de colère, qui avec peu de temps sans la purifier, cette action équivaut à tuer un être humain! Ainsi une simple action négative peut engendre un séjour dans les règnes de l’enfer pour quelques éons, à cause de l’accroissement du karma négatif.

Heureusement de la même manière et dans le bon sens, nous pouvons comprendre comment nos petites actions vertueuses peuvent créer d’énormes quantités de mérite, voire même atteindre l’illumination dans une seule vie. C’est pour cela que nous devons développer une grande sensibilité à notre manière d’agir. Nous pensons souvent : « Oh, c’est juste une petite action, sans importance ». Lorsque que nous comprenons la manière d’expansion de celle-ci, bien au contraire ce n’est pas sans importance. Ainsi nos petites vertus sont à l’origine de grandes réalisations, c’est pourquoi nous ne devons pas les négliger. Nous devons apprécier la valeur de toutes nos actions. Si nous ne purifions pas notre karma négatif, celui-ci reste sur notre esprit et continue de grandir. action_augm-02D’une manière imagée, nous avons « un champ de mauvaises herbes » dans notre esprit. Nous avons quatre types de « mauvaises herbes » dans le champ de notre esprit dont le traitement d’élimination est prioritaire.

Première priorité. Tout ce qui nous empêche d’avoir une foi indestructible en notre guide spirituel. Principalement ce qui nous empêche et nous ralenti dans notre pratique vient du fait que nous ne croyons pas entièrement les instructions du dharma. Parce que dans le cas contraire nos actions, nos comportements, nos pensées et ainsi de suite auraient radicalement changé. Nous devons développer une totale confiance et une foi en notre guide spirituel. La foi en notre guide spirituel est véritablement la racine pour toutes les autres réalisations spirituelles. Sans celle-ci nous pouvons bien avoir une compréhension intellectuelle des instructions que nous contemplons. Mais si nous nous en remettons avec foi à notre guide spirituel pour qu’il nous aide, alors notre compréhension devient plus profonde et se transforme en réalisation que nous pouvons vraiment intégrer.
Deuxième priorité. Tout ce qui nous empêche d’intégrer la vérité de notre renaissance imminente dans les règnes inférieurs. Pour contrer cette éventualité nous devons faire des pratiques de purification. Notamment par la pratique du regret afin d’éviter cet avenir horrible qui nous guette si nous ne faisons rien. Tant que nous nous complaisons à nous dire « Je suis un pratiquant du dharma », nous pensons être tranquille et à l’abri d’une telle destination. Grave erreur!
Troisième priorité. Tout ce qui empêche nos futurs étudiants de devenir un guide spirituel pleinement qualifié dans cette vie. Pourquoi cela? Parce que si nous aspirons au précieux esprit de bodhitchitta, cet esprit motivé par la grande compassion et qui rechercher spontanément l’illumination pour aider chaque être vivant, nous prenons la responsabilité de les amener tous à l’illumination. Chacun de nous possède un réseau karmique avec beaucoup d’êtres vivants et dépendent d’une certaine manière de nous pour se libérer du samsara. Avec une compassion pour ces innombrables étudiants, nous pratiquons le prise de leur karma négatif qui les empêchent de devenir un enseignant qualifié, en faisant par exemple la requête : « S’il te plaît, mon précieux guide spirituel, fait en sorte que son karma négatif qui l’empêche d’être un guide spirituel qualifié puisse mûrir en moi dès maintenant ».
Quatrième priorité. Tout ce qui nous empêche de prendre tout notre plaisir de créer des bonnes causes. Que nous prenions plaisir dans des résultats extérieurs ou intérieurs, ceux-ci déterminent notre état de bonheur. Lorsque cela ne vas pas bien dans notre vie nous sommes taciturnes, tristes et émotionnellement instables parce que complètement dépendant des résultats et de leurs effets. Si nous voulons jouir d’un bonheur qui dure, nous devons trouver une manière d’être contents tout le temps. Simplement nous prenons juste plaisir dans la création de bonnes causes.  Habituellement nous prenons plaisir dans les résultats extérieurs. Parce que lorsque les choses vont bien, nous pouvons créer des bonnes causes et lorsque action_augm-03les choses vont mal également. Quelles que soient les conditions, cela nous laisse l’opportunité de créer de bonnes causes. Quoi qu’il arrive ce sera toujours bien. Au lieu d’être un yo-yo des circonstances, nous devenons un yogi calme et paisible. Donc si nous pouvons purifier tout ce qui nous empêche de prendre tout notre plaisir dans la création de bonnes causes, notre illumination sera inévitable, c’est juste une question de temps.

En méditant sur ce qui précède, nous développerons une puissante détermination d’éviter la non-vertu, même la plus légère, et de cultiver les bonnes pensées et les bonnes actions, même les plus petites. [La Voie Joyeuse, Le karma, page 258]

Compilé dans d’après un enseignement du PF donné par Kadam Ryan en 2005 au Centre Atisha de Genève et de mes notes personnelles.

Mon problème est mon esprit

Le problème de notre esprit n’est pas tant la manière dont le monde extérieur est organisé mais bien la manière dont notre esprit est en relation avec celui-ci.  Lorsque quelqu’un nous demande comment ça va, nous répondons que ça ne va pas à cause d’une longue liste de situations, de problèmes et de choses matérielles externes qui nous préoccupent. Mais si nous sommes honnêtes, nous devrions plutôt dire que c’est parce que nous avons des perturbations mentales sur notre esprit. Or, à cause de notre ignorance de saisie d’un soi, nous sommes persuadés qu’il y a un élément perturbateur extérieur qui est la cause de notre problème ou de notre souffrance. Et notre esprit pris en otage par ses perturbations demeure dans la confusion et la Esprit-Probleme-01souffrance. Du reste cette confusion peut être illustrée par nos abus de langage lorsque par exemple nous disons : « Je suis en colère » alors qu’en fait nous avons la colère sur notre esprit.

En suivant les enseignements de Bouddha nous sommes enclins à utiliser le dharma pour améliorer notre situation externe dans notre vie. Pourtant, nous ne devons pas l’utiliser à cette fin mais bien pour changer quelque chose d’interne, responsable de notre état de contrariété, de colère ou de souffrance. Dans le dharma, se trouve une solution pour chaque type de problèmes, accessible à chacun selon son niveau spirituel. En d’autres termes, l’enseignement de Bouddha est une réponse personnalisée pour chaque être à l’endroit où il se trouve en ce moment. Nous devons juste pleinement accepter où nous sommes sans jugement et pratiquer à partir de ce point. Parfois, nous sommes tentés de pratiquer d’une manière qui est supérieure à notre niveau, cela ne fonctionnera pas. A l’opposé de cette attitude, pensant que les vertus que nous accomplissons nous paraissent insuffisantes voire insignifiantes, parce que nous faisons beaucoup de pratique, nous affirmons que nous n’avons presque rien fait.

Parfois aussi, nous avons une tendance à amplifier l’importance de nos problèmes, comme si cela nous confortait dans la piètre opinion que nous avons de nous. Par cette attitude, nous serons très vite anéantis par les problèmes, quelle qu’en soit leur importance. Alors qu’un esprit positif, qui réalise qu’il s’agit d’expériences bénéfiques nous permet de progresser, au lieu de nous appesantir sur notre sort et nous engluer encore plus dans le samsara. Bouddha dit se prosterner devant la nouvelle lune, parce qu’elle est la cause de toutes les lunes qui lui succéderont. Parce que si nous ne nous réjouissons pas dans nos petites vertus, il sera impossible de réaliser de plus grandes vertus. Alors, la prochaine fois que quelqu’un nous demande « comment ça va? » nous répondrons par l’affirmative tout en précisant que les expériences que nous traversons en ce moment, bien que difficiles, sont bénéfiques pour notre esprit.

Si nous apprécions les plus petites de nos vertus comme quelque chose de spécial et que nous faisons une dédicace, alors nos réalisations seront protégées et seront susceptibles de grandir encore. Si nous acceptons nos petites faiblesse, elles peuvent devenir notre force. Dans le cas contraire, ce sera un pur gaspillage. Parce que si nous ne nous réjouissons pas dans nos propres vertus, nous ne nous réjouirons pas non plus dans les petites vertus des autres. Et de cette façon nous ne pouvons pas les chérir, générer de la compassion et accroître notre bodhitchitta. Plus globalement, la manière dont nous nous traitons détermine la manière dont nous traitons les autres. Ghéshé Kelsang Gyatso prenait l’analogie du pot que l’on remplit goutte à goutte et disait : « Ce n’est pas la dernière goutte qui remplit le pot mais bien toutes les gouttes ». Nous pouvons ainsi apprécier chaque goutte. Lorsque nous sommes atteints par le découragement, Esprit-Probleme-02il est parfois utile de contempler la distance parcourue en comparaison de la distance qui nous reste de notre chemin spirituel ver l’illumination.

Quelles sont donc les raisons de ce découragement? En premier lieu notre attachement aux résultats. Nous nous jugeons à l’aune des résultats de nos expériences. Lorsque nous n’obtenons pas les résultats recherchés et qui devraient correspondre à nos attentes, nous sommes découragés. Cela peut se manifester même si nous expérimentons de bonnes choses et que ça va bien. Comme par exemple : « Oh, j’ai déjà pratiqué durant un mois et j’ai toujours des problèmes dans ma vie ». La solution à tout problème d’attachement aux résultats est très simple. Nous mettons principalement l’accent sur la création de bonnes causes. Un être samsarique, lorsque les choses vont bien dans sa vie il se réjouit et quand les choses vont mal il déprime. Pour un être spirituel, que les choses aillent bien ou mal, ce sont juste des opportunités de créer des causes qui le libéreront du samsara.

 Inspiré de divers enseignements du PF reçu au Centre Atisha de Genève donné par Kadam Ryan.

Développer l’esprit de compassion

L’esprit de compassion est un esprit complètement pur qui ressent naturellement une sensibilité particulière à l’égard de tous les êtres vivants qui souffrent dans le samsara. Cet esprit est la base même de notre développement spirituel. C’est une précieuse qualité que partagent tous les êtres sensibles et qui rend notre vie humaine pleine de sens. L’esprit de compassion est une véritable source de vie. Chacun de nous possède au fond de lui cet esprit. Nos pensées, nos paroles et nos actions si elles sont inspirées par la compassion donnent une intense et bienfaisante dimension à tout ce que nous entreprenons. Elle est bien plus que de la sympathie pour autrui car elle repose sur une sagesse qui vient de notre cœur. Il ne s’agit pas d’avoir simplement une pensée bienveillante, c’est venir en aide aux autres avec discernement . À notre époque beaucoup de personnes se méprennent sur le sens de l’esprit de compassion et le réduise à la permissivité et à l’indulgence envers les autres. Elle est souvent un simple réflexe intellectuel qui nous évite de nous sentir responsable des situations que nous pouvons rencontrer.

Compassion-02En développant cet esprit de compassion, nous avons un souci désintéressé du bonheur des autres et nous voulons tout faire pour les libérer de leur souffrance. C’est en fait un altruisme qui fait partie de notre chemin spirituel. Par analogie nous sommes avec les autres pris par la tempête dans un océan avec ses vagues menaçantes, semblable au samsara avec toutes ses souffrances, sans un moment de répit. Rencontrer le dharma est semblable à croiser un bateau sur lequel nous pouvons monter et qui nous amène vers la terre ferme. Irons-nous seul sur ce bateau, en laissant tous les autres se noyer? Jusqu’à quel point pourrons-nous être heureux en faisant cela, en atteignant la terre ferme tout en sachant que les autres sont en train de se noyer? L’esprit de compassion consiste justement à aider les autres à monter également sur ce bateau et se libérer enfin.

Compassion-04Développer un esprit de compassion ne requiert pas un contexte particulier. Sans méditer forcément sur les souffrances terribles des êtres des règnes inférieurs, nous sommes plus à même de le développer pour les êtres qui nous sont proches dans notre vie quotidienne. Toute situation de notre vie courante peut convenir à cet entraînement. Voici une situation anodine qui me sert à pratiquer celui-ci. Me souvenant d’une séquence vidéo de l’inauguration du KMC-France, j’avais remarqué l’attitude de Vénérable Guéshé-la qui récitait le mantra OM MANI PAME HOUM à l’intention des poules et des oies de la basse-cour du château et me souvenant d’un enseignement reçu qui dit que : « Où nous pensons qu’un bouddha va, un bouddha va réellement. Et que fait un bouddha à l’endroit où il se trouve, il accorde ses bénédictions ». Puisque les animaux possèdent également un esprit, cet esprit est susceptible de recevoir les bénédictions d’un bouddha, quand bien même cet esprit est emprisonné dans les agrégats d’un animal. Et de cette réflexion j’en ai fait une pratique. Ainsi, lorsque je fais un nordic-walking dans la campagne près de chez moi, si je passe à proximité d’un troupeau de vaches par exemple, en posant mon regard sur chacune d’entre-elles, j’imagine qu’un bouddha va dans chaque esprit. Et en récitant le mantra à leur intention je ressens une grande compassion pour ces animaux.

Compassion-03 Certains personnages ont démontré qu’ils étaient capables de relever d’importants défis. Cela nous prouve à quel point, dotés d’une forte motivation, nous sommes capables d’aller bien au-delà de ce que nous pensions être capables de faire. Comme l’illustre si bien la citation de M. Twain, je cite « C’est parce qu’ils ne savaient pas que c’était impossible, ils l’ont fait ». La compassion va nous amener à développer cette formidable énergie qui nous amène à atteindre le but final afin d’aider les autres. De manière objective le bonheur de tous les êtres vivants est en comparaison avec le bonheur d’une seule personne bien plus important. Pour illustrer cette situation, prenons une balance à fléau imaginons un être vivant sur un plateau et tous les autres sur l’autre, quel est le côté le plus lourd? Ainsi, lorsque nous appartenons à « Tous les autres », il est aisé de dire que bien sûr le bonheur de tous les autres est le plus important, mais lorsque nous sommes dans la catégorie « un être vivant », il nous est plus pénible d’admettre que le bonheur de tous les autres est le plus important. Bien qu’intellectuellement nous admettions cela, il est plus difficile de le mettre dans notre cœur. C’est pourquoi, nous devons méditer encore et encore  pour faire grandir notre compréhension. Alors, la voie du bodhisattva, la voie de la compassion, la voie qui nous conduit à la pleine illumination s’ouvre dans notre esprit.

 Inspiré des enseignements du Programme fondamental « La voie Joyeuse » et du Programme d’Étude « Un Bouddhisme moderne » reçus au Centre Atisha à Genève

La cause de nos problèmes et leur solution

Probleme-01Lorsque dans notre vie quotidienne nous sommes confrontés à un problème, naturellement nous recherchons une solution afin d’en être libéré. Si nous n’arrivons pas nous-même à construire une solution valide à ce problème, nous avons recours à une aide externe. Comme par exemple, lorsque nous avons un problème de santé, naturellement nous recherchons les compétences d’un médecin qui, une fois l’anamnèse établie, nous prescrira les remèdes et le traitement à suivre. Si la chasse d’eau de notre salle de bain ne fonctionne plus, nous faisons appel à un dépanneur sanitaire. Dans tous les cas, nous établissons une relation de cause à effet qui nous semble fonctionner indépendamment de notre volonté. Comme par exemple, si notre train à un retard significatif et que nous allons manquer un rendez-vous important, nous dirons : « C’est parce que le train avait du retard que j’ai perdu une occasion unique de rencontrer un important personnage ». Il est très facile de trouver dans notre vie d’autres exemples similaires et nous sommes persuadés que les circonstances extérieures sont à l’origine de la plupart de nos problèmes.

Probleme-03Nous sommes tentés de penser que la malchance, le destin ou encore un mauvais coup du sort sont à l’origine de nos problèmes. C’est du moins ce que les gens pensent sans connaître les mécanismes du karma. De plus, sous l’influence de notre ignorance de saisie d’un soi, nous persistons à croire que les objets et les phénomènes existent réellement de la manière qu’ils nous apparaissent. Nous pensons que les objets et les phénomènes existent de manière intrinsèque, existent de leur propre côté. Bouddha nous dit que tout ce qui apparaît à notre esprit est semblable à une illusion, semblable à un rêve et que rien n’existe en dehors de l’esprit. La cause de nos problèmes se trouve dans notre propre esprit. Cette conclusion contredit notre esprit grossier rationnel qui recherche une relation directe entre une action et son effet, sans tenir compte du fonctionnement subtil du karma. Si la cause de nos problèmes se trouve dans notre esprit, les problèmes également se trouvent dans notre esprit. En fait les problèmes que nous rencontrons sont produits par nos perturbations mentales qui en sont la cause.

Pour revenir à l’exemple de la maladie cité plus haut, il se peut bien que le médecin nous guérisse de celle-ci, ce qui ne nous dispensera pas de tomber malade une autre fois. De même, la chasse d’eau, même une fois réparée pourra ne plus fonctionner quelques mois plus tard. Dans ces deux cas nous avons de la peine à imaginer que nous sommes le « metteur en scène » de ces expériences, pourquoi? Parce que nous faisons abstraction de l’aspect karmique de celles-ci. En fait, nous voyons assez mal notre rôle direct  dans le dysfonctionnement de la chasse d’eau, comme nous ne réalisons pas que nous sommes pour quelque chose dans notre maladie. Ce sont là des aspects subtils cachés que les obstructions présentes dans notre esprit empêchent de comprendre. Les causes de nos problèmes sont des actions dans le passé proche ou lointain et nos problèmes en sont leurs effets. Les plus redoutables effets qui donnent lieu à nos problèmes sont des actions négatives et non vertueuses générées dans le passé. Et à l’origine de ces actions il y a de nombreuses perturbations mentales.

Probleme-02Donc, si nous voulons être libérer de nos problèmes qui comme nous le comprenons proviennent de notre esprit, nous devons rechercher une solution intérieure à notre esprit. Tout comme nous avons recherché de l’aide auprès d’un médecin ou d’un dépanneur sanitaire, nous devons rechercher une aide à l’intérieur de notre esprit. Pour ce faire, nous pouvons principalement appliquer deux choses.

  1.  Chercher refuge dans les trois joyaux, Bouddha, le dharma et la sangha. Dans le « Nouveau Manuel de Méditation » (*), il est dit que le dharma est comme un remède, que Bouddha est le médecin qui nous donne ce remède et la sangha les infirmières qui nous assistent. Le plus souvent et chaque fois que nécessaire nous générons une forte conviction que les trois joyaux sont de véritables objets de refuge qui nous viennent en aide en toute circonstance.
  2. Faire des requêtes à Bouddha, notre guide spirituel suprême, en lui demandant dans une expérience spécifique une requête comme par exemple : « S’il te plaît aide-moi à pacifier mon esprit de cette perturbation mentale à l’origine de cette mauvaise expérience. Puisse cette expérience être une cause de la purification de mon karma négatif à l’origine de celle-ci« .

En conclusion, nous avons par le passé recherché de l’aide pour une solution à nos problèmes à l’extérieur de notre esprit, l’intention était certes louable. Seulement nous cherchions au mauvais endroit, dans le samsara. Si nous nous tournons vers l’intérieur, au fond de notre esprit en prenant refuge en les trois joyaux et en faisant des requêtes à notre guide spirituel suprême, nous ne tarderons pas à voir nos problèmes recevoir une solution.

 (*)  le « Nouveau Manuel de Méditation » de Ghéshé Kelsang Gyatso aux Editions Tharpa

Prendre du recul et observer

Vivre une situation désagréable nous amène le plus souvent à un agacement dans le moindre cas et à une colère noire dans le pire des cas. Le point crucial dans toute situation est notre manière de répondre à notre désagrément. Par ignorance, nous éprouvons des difficultés parce que nous nous identifions à ce corps ordinaire et à cet esprit ordinaire qui sont pris à partie et nous répondons de manière inappropriée à ce que nous croyons être la cause de notre inconfort. Nous sommes tellement habitués depuis des temps sans commencement à fonctionner de cette manière que nous le faisons Recul-Obs-01de manière presque inconsciente, comme un réflexe. Notre préoccupation de soi veille constamment à ce que nous ne soyons pas importunés dans notre zone de confort, alors que les objets et les phénomènes qui nous affectent ne sont en réalité que des illusions trompeuses.

Chacun de nous cherche à éviter les situations de souffrance. Je me souviens d’une citation lue fortuitement dans un bus sur l’écran du « TV-Passenger », qui disait : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas. C’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ». Appliqué dans ce contexte, ce n’est pas parce la situation est désagréable que nous n’osons pas choisir une meilleure alternative. C’est parce que nous n’osons pas ou ne voulons pas choisir une meilleure alternative que la situation reste désagréable. Tant que nous assumons le rôle de victime malheureuse d’une situation, notre esprit continuera à créer les causes et les conditions que pour que tout nous soit défavorable. Tant que nous ressassons notre piteuse situation comme un mantra, nous faisons qu’entretenir notre inconfortable position.

Pour nous libérer de ces désagréments nous devons choisir la bonne stratégie : prendre du recul et observer. Le karma, autrement dit la loi de cause à effet est catégorique : nous sommes responsables des expériences que nous traversons dans cette vie car nous en avons précédemment créé les causes. Toutes nos actions engendrent tôt ou tard des effets et notamment les expériences actuelles. Ainsi, nous avons créé les causes des désagréments que nous subissons maintenant dans notre vie. Nous devons donc prendre du recul et observer. Plus précisément, avant d’agir, nous devons mettre une distance entre notre esprit et la situation présente afin d’observer le Recul-Obs-02processus désagréable. Prendre du recul et observer veut dire comprendre que le problème ou la situation n’a aucun pouvoir de nous être désagréable, mais que c’est notre esprit qui projette sur le problème ou la situation le sentiment de nous être désagréable.

Quand bien même il ou elle existe conventionnellement, il ou elle n’a pas d’existence intrinsèque. Ceci veut dire que le fait de réaliser que le désagrément se situe du côté de notre esprit ne fera pas disparaître instantanément la cause de notre mécontentement. Par contre, cela nous évitera d’ajouter une souffrance supplémentaire à celle qui est déjà là et nous pouvons maintenir un esprit léger malgré tout. Pour illustrer cela, je prendrai l’exemple de la déclaration d’impôts que chaque contribuable doit remplir. Pour beaucoup c’est la cause d’agacements et de colère et d’attendre le dernier jour pour s’en acquitter avec beaucoup de mauvaise humeur. Nous pouvons avec un peu de recul, juste observer la sensation désagréable dans notre esprit. Si nous comprenons que c’est notre attitude négative qui est responsable de notre contrariété et que le fait d’être en colère contre le fisc ne nous dispensera pas de remplir ladite déclaration, alors à quoi bon se prendre la tête.

Recul-Obs-03Si nous prenons toutes nos expériences comme des opportunités de modeler et d’assouplir notre esprit au lieu de les percevoir comme une fatalité due à ce monde injuste qui nous fait souffrir, nous gagnerons en sagesse et éviterons les effets collatéraux inutiles de telles expériences. Nous devons utiliser chaque situation difficile comme une occasion d’augmenter notre compréhension du fonctionnement de notre esprit et d’accroître notre conviction dans la loi du karma.

Identifier, réduire et détruire

Pour progressivement venir à bout de nos perturbations mentales, nous devons adopter une stratégie efficace sans quoi nous n’aurons que de piètres résultats. En effet, qui n’a pas, malgré tant d’efforts, été confronté à la répétition de mêmes situations, de mêmes désagréments et de souffrances. Alors dans de tels cas, nous avons tendance à nous décourager, à baisser les bras. Et nous pensons : « Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé, mais je suis à nouveau dans les problèmes et les difficultés »; ou bien encore par exemple : « Décidément, c’est manque de chance, me voilà encore dans la même situation que la semaine passée! ». C’est notre ignorance qui nous fait réagir de cette façon, car elle tend à nous faire croire que ce sont les circonstances extérieures qui sont responsables de nos infortunes. Bouddha nous enseigne que tous ces phénomènes, toutes ces circonstances sont semblables à un rêve et n’ont pas d’existence intrinsèque. Ce ne sont que des illusions, une pure création de notre esprit. Ce qui nous arrive n’est pas dû au hasard ou à quelque chose venant d’ailleurs que de notre esprit. Cette stratégie consiste à entraîner notre esprit en appliquant successivement trois consignes qui sont : identifier, réduire et détruire.

Identifier-01Identifier. Depuis des temps sans commencement, nous répétons distraitement les mêmes fautes au point d’en être devenu familier. Et ce n’est qu’a posteriori, en éprouvant les conséquences, que nous émettons notre désapprobation aux résultats vécus. Le plus souvent, nous cherchons de préférence un coupable, une circonstance qui justifie notre inconfort et notre souffrance. Nous pensons vraiment que les gens sont méchants autour nous, que le système dans lequel nous vivons est dégénéré, que la société est incompréhensible et ainsi de suite. Et nous pensons peut-être : « C’est toujours sur moi que cela tombe et c’est de SA faute, j’en ai marre! » ou encore : « Ah! Si seulement IL pouvait changer, je me sentirais sûrement mieux! » Pour éviter ce scénario catastrophe, nous devons impérativement identifier nos propres perturbations mentales. Envahis par l’ennemi, nous devons le débusquer pour le vaincre. Pour trouver ce qui nous fait souffrir, nous devons savoir quoi chercher. C’est alors le début d’un possible changement.

Reduire-01Réduire. Nous pouvons commencer à changer notre manière habituelle de réagir. Et au lieu de nous décourager et de déprimer en voyant ce qui se trouve de problématique sur notre esprit, nous pouvons nous encourager à faire ce changement. Ainsi, au lieu d’attribuer la responsabilité de ce qui nous arrive à quelque chose externe à notre esprit, nous pouvons porter notre attention à ce que cette chose, cet événement nous dévoile. Nous pouvons alors par exemple nous poser la question : « Qu’est-ce que cette chose, cet événement essaie de me dire ou de me faire comprendre? » ou encore : « En quoi cette expérience m’est utile pour comprendre mon erreur? » ou bien : « Te voilà encore, chère préoccupation de soi! Cette fois-ci je te tiens et je ne te donne pas mon assentiment! ». La réduction de nos perturbations mentales est un travail de longue haleine qui n’est pas toujours facile. Parfois le danger est de rester trop superficiel et de se contenter de peu. Plus nous progressons sur la voie spirituelle, plus nous découvrons ce qui se trouve dans notre esprit et que nous devons éliminer.
Detruire-01
Détruire. Nos mauvaises habitudes sont semblables à de mauvaises herbes dans le jardin. Il ne suffit pas de les arracher en surface pour les éliminer. Il faut aller en profondeur chercher la racine de celles-ci pour les éliminer définitivement. Il ne suffit pas de gagner quelques batailles contre nos perturbations mentales, nous devons finalement gagner la guerre. Ainsi notre capacité à contrôler notre esprit devient de plus en plus grande et nous sommes capables d’affronter des choses difficiles et de faire face à de sérieuses perturbations mentales. Pour cela, nous avons besoins d’une certaine force intérieure pour regarder nos perturbations mentales en face et pouvoir les détruire et les éradiquer définitivement de notre esprit. Tant que nous ne travaillons pas en profondeur à Detruire-02cette tâche, les problèmes samsariques perdurent. Si nous voulons vraiment nous guérir complètement notre esprit, nous devons aller voir ce qui s’y trouve et ôter tout ce qui nous est néfaste. Heureusement pour nous, notre guide spirituel nous accompagne dans nos batailles et nous ne devons pas hésiter à lui demander son assistance. Pour cela, nous lui faisons des requêtes, comme par exemple : « S’il te plaît, révèle-le moi la signification de cette expérience afin de la surmonter »; ou encore « S’il te plaît, accorde-moi la sagesse de comprendre ce qui m’arrive en ce moment pour en détruire toutes les causes potentielles similaires sur mon esprit ».

En conclusion. Au lieu de nous enliser dans les injonctions de notre préoccupation de soi et de notre ignorance, nous serons bien inspirés de transformer les circonstances adverses de nos expériences. Comme le disait mon enseignante Kelsang Jikgyob, nous pouvons voir « la personne qui appuie sur le bouton » non pas comme une provocation mais comme quelqu’un qui nous aide « à voir le bouton ». Ce qui nous arrive de malheureux ne l’est pas de manière intrinsèque et donc nous pouvons le percevoir comme une leçon pour nous inciter à changer. Identifier, réduire et détruire telle est notre feuille de route pour nous libérer de la souffrance.

Se dépasser face à l’adversité

Adversité-01Les épreuves de l’adversité, sont souvent prises comme une sorte de fatalité. Celles-ci expriment un état dans lequel on a le sort contre soi. De nombreuses personnes se sentent alors dans l’incapacité de réagir persuadées que de toute façon c’est peine perdue. Dans de telles conditions aucune alternative ne sera présente et la personne ne tardera pas à sombrer dans le découragement et la résignation. Face à l’adversité notre esprit de préoccupation de soi n’est pas le meilleur ami, bien au contraire. Dans le pire des cas il entretient un sentiment de culpabilité. Notre esprit se barricade alors dans sa zone de confort et sabote toutes les velléités d’un éventuel dépassement. Si nous sommes persuadés que la difficulté existe vraiment ses effets seront vraiment sur notre chemin.

Encore une fois, tout est création de notre esprit. Et si celui-ci crée des obstacles apparemment insurmontables, il nous sera difficile de les franchir. Au contraire, le premier moment d’abattement passé, en changeant d’état d’esprit, ceux-ci se transformeront en une opportunité de dépassements. Dans une situation difficile, toute notre attention doit se focaliser sur la meilleure manière de dépasser la difficulté. Ce faisant, en aucun moment nous pensons à l’échec possible. Nous mettons toute notre énergie à croire que c’est possible. Tant que nous considérons l’obstacle comme un objet extérieure à notre esprit et possède une existence intrinsèque, nous n’avons aucune influence sur lui. En réalité nous Adversité-02percevons une projection subjective générée par notre esprit et cette image est le fruit de nos perturbations mentales.

Les limites de notre « zone de fonctionnement » ou zone de confort est totalement subjective. C’est pourquoi nous les plaçons arbitrairement en fonction de notre état d’esprit qui s’inspire des apparences trompeuses du samsara. Pour savoir où ces limites se trouvent, il vaut mieux être à l’écoute de sa sagesse intérieure que de sa préoccupation de soi. La première nous incite élargir notre « zone de fonctionnement » pour nous faire apprendre et progresser, tandis que la deuxième nous dissuade de le faire par peur du changement et de l’inconnu. La première nous propose des défis à relever, la seconde le rejet ou le statu quo.

Cette sagesse intérieure vient de notre potentiel pur, de notre guide spirituel alors que notre préoccupation de soi vient de notre attachement aux mirages de ce monde. Combien de fois prenons-nous les solutions « clé en main » proposées par des personnes bien intentionnées sans les évaluer avec notre sagesse pour savoir si cela est bénéfique pour nous. Nous sommes des individus et avons chacun et chacune un chemin de vie et un karma personnel différents. Une expérience similaire à la nôtre vécue par une autre personne sera certainement différente pour nous, car les causes et les conditions ne sont pas identiques.

Adversité-03Nous voudrions tellement que la vie soit aussi facile que nous le montre les publicités qui foisonnent dans notre environnement. Il nous semble que la vie est une sorte de supermarché où tout est disponible à profusion, qu’il n’y a qu’à mettre ce que nous voulons dans le caddie et passer à la caisse. Or, il n’y a pas de supermarché à l’extérieur de notre esprit, et c’est bien là ce qui nous confronte à l’adversité. Si nous considérons la vie comme une compétition, nous devons savoir que la réussite des uns signifie obligatoirement l’échec de certains autres. Finalement dans le samsara, il n’y a que des perdants tant que nous n’avons pas compris sa nature.

Lorsque qu’une difficulté sabote notre compréhension du dharma

Compréhension-02Les enseignements de Bouddha sont un sujet vaste et profond. Raison pour laquelle Bouddha a enseigné à différents niveaux. La pratique des étapes de la voie exauce les souhaits de chacun, quel que soit sa capacité de comprendre. Que nous soyons une personne de capacité initiale, intermédiaire ou de grande capacité, nous trouverons dans ces précieux enseignements ce qui est nécessaire et approprié là où nous sommes aujourd’hui. Nous pouvons concevoir que la pratique des étapes de la voie contient la réponse personnelle à chacun d’entre-nous par rapport à notre situation actuelle.

Alors il est tout-à-fait normal que nous rencontrions des difficultés de compréhension des enseignements que nous recevons, que ce soit par transmission orale ou par la lecture attentive des textes du dharma. Nous avons tous fait l’expérience par exemple de lire le chapitre d’un livre et d’avoir le sentiment de n’avoir rien compris. Puis de reprendre sa lecture un peu plus tard et de mieux comprendre son contenu cette fois-ci. Il suffit parfois d’une nuit de sommeil pour que le lendemain une réelle compréhension apparaisse à notre esprit.

Compréhension-01Pourquoi avons-nous parfois tant de peine de comprendre ce que nous entendons ou nous lisons? Ou encore que nous avons le sentiment que notre méditation reste superficielle et intellectuelle. Tout simplement parce que nous manquons de sagesse. Notre esprit est semblable à un champ en friche et rocailleux que nous devons inlassablement labourer. Les obstacles à notre compréhension sont nos propres perturbations mentales. Avec l’aide des Bouddhas, par des requêtes et avec patience nous devons pour cela purifier notre esprit. De la même manière que nous ne voyons difficilement à travers des lunettes sales, nous en nettoyons les verres. Concrètement, comment faire?

Depuis plus de deux ans maintenant, j’ai mis en pratique une méthode pour recevoir la sagesse expliquée dans le livre « Le Joyau du Cœur »(*). Pendant que nous récitons la prière Migtsema, en nous concentrant sur sa signification, nous faisons la requête sincère à Djé Tsongkhapa et ses deux fils pour qu’il dissipe notre ignorance et purifie notre karma négatif responsable de nos difficultés. Et pour ceux qui ne pratiquent pas encore, simplement de contempler l’image (ci-dessous) de Djé Tsongkhapa et ses deux fils en faisant la requête sincère : « Tu as accompli la réalisation de la sagesse profonde, s’il te plaît béni moi afin que je devienne exactement comme toi ». Cette sagesse profonde nous aidera parfaitement à comprendre toutes les profondes significations des écritures sans la moindre difficulté.

(*) « Le Joyau du Cœur » de Ghéshé Kelsang Gyatso aux Ed. Tharpa

Est-ce moi qui regarde le monde ou le monde qui me regarde?

Monitoring-03Le monde qui nous apparaît est celui auquel nous prêtons attention. Comment bien comprendre cela. Dans le passé, la communauté scientifique affirma à maintes reprises que seul ce qui pouvait être observé, analysé, mesuré existait. Si l’hypothèse de l’existence d’une chose n’était pas vérifiée elle conduisait naturellement à la conclusion de l’inexistence de celle-ci. Cette réflexion me conduisit au constat suivant que : « Rien n’existe de manière intrinsèque, de son propre côté, mais existe en relation dépendante de l’esprit qui perçoit. C’est lorsque mon esprit perçoit un objet, que je peux le designer, le nommer ». Nous disons alors que les objets existent de manière conventionnelle.

Monitoring-07Imaginez que vous vous observer dans un miroir. Celui-ci vous renvoie votre image conforme à qui vous êtes en ce moment. Vous ne pourriez pas imaginer l’absence de votre image dans le miroir. Cette image existe en dépendance de votre présence devant le miroir. Si cette image avait une existence intrinsèque, elle existerait indépendamment de votre présence et par exemple, une fois partit, quelqu’un d’autre pourrait la voir! Ainsi, de la même façon que votre esprit perçoit votre visage dans le miroir, celui-ci perçoit toute chose dans le champ de votre vision.

People-01Imaginez maintenant que vous remarquez que quelqu’un vous regarde en ce moment. Si vous l’avez remarqué, c’est bien parce que vous regardiez cette personne. Dans le cas contraire, vous n’auriez pas aperçu cette personne qui vous regardait et dès lors cette personne pour vous n’existerait pas. Ce qui démontre que la personne observée n’existe qu’en dépendance du regard de l’observateur. Autre exemple : Une personne dans votre champ de vision semble vous regarder avec insistance au point que vous pensez : « Qu’est-ce que j’ai d’étrange pour qu’elle me regarde comme cela? ». Alors qu’en fait ce n’est pas vous qu’elle regarde mais quelqu’un juste derrière vous ! Quelle méprise ! Pourtant vous aviez la certitude que c’est vous qu’elle regardait. Et l’autre personne, complètement obnubilée par celle qui était derrière vous, ne vous avait probablement même pas remarqué.

Que s’est-il passé dans votre esprit? La présence de la personne qui vous observe agit comme un écho karmique qu’une graine potentiellement mûre vient d’activer en vous. Parfois la nature de cette graine ou la perturbation mentale qui est à son origine peut ne pas être évidente et mérite votre attention. D’autres fois cela paraît très clair et un travail intérieur peut commencer, comme par exemple dans le cas de timidité ou une mauvaise image de soi que la situation révèle. En fait, tout ce qui vous apparaît, sans exception agît tels d’innombrables échos karmiques qui interfèrent avec les graines potentiellement mûres présentes dans votre esprit. Nous ne devrions pas nous laisser piéger par notre ignorance de la saisie du soi qui tente systématiquement de nous faire croire à l’existence intrinsèque des objets perçus. Comme effectivement tout se passe dans notre esprit, nous sommes directement concernés par ce que nous percevons.

 Silhouette-Tunnel-01Nous pouvons imaginer notre esprit en tant que téléspectateur d’une multitude d’écrans qui constituent le tissu de notre esprit. Nous avançons dans un environnement dynamique semblable à une interminable galerie tapissée d’écrans. Chaque écran produisant une image en trois dimensions est conforme à notre perception visuelle et correspond au déroulement de notre vie actuelle. Si bien que, lorsque nous prêtons attention à un écran, nous nous imprégnions de son contenu qui n’est autre qu’un aspect karmique de notre esprit. Nous poursuivons notre vie continuellement confronté au mûrissement de nos expériences. À chaque pas de nouvelles images apparaissent et grâce aux enseignements du dharma, nous pouvons leurs donner une signification qui nous feront progresser vers la libération du samsara. En conclusion : « C’est bien moi qui regarde le monde! Et si je change ma manière de le regarder, le monde que je perçois changera! »

Un soir Milarepa regagnait sa grotte

Fantome-01Un soir, alors que Milarepa regagnait sa grotte après avoir fait provision de bois, il trouva celle-ci remplie d’êtres démoniaques. D’apparence hideuse, les yeux exorbités, poussant des cris, ils s’agitaient dans tous les sens. Certains étaient vautrés dans sa couche, d’autres feuilletaient ses livres, mangeaient sa nourriture. Ils avaient manifestement pris possession du lieu. Bien que connaissant l’ignorance de saisie d’un soi, et que ses locataires indésirables n’étaient qu’une projection de son propre esprit, Milarepa était néanmoins incapable de les expulser de son logis. Il tenta par tous les moyens pacifiques et vertueux de les inciter à quitter sa grotte mais sans succès. Même les enseignements tels que la compassion et la vacuité n’eurent d’effet sur eux. En dépit du bon sens, il perdit patience et entreprit de les chasser par la force, mais en vain. Alors, il s’assit parterre et leur adressa cet ultimatum : « Il est clair que je ne m’en irai pas et apparemment vous non plus. Alors nous allons vivre ensemble! » À ce moment précis, tous s’en allèrent sauf un. En s’approchant nez à nez de ce dernier démon particulièrement tenace, Milarepa lui dit : « Si ton intention est de m’anéantir, alors vas-y! Essaye toujours, c’est le moment! ». Ceci Fantome-02dit, le dernier démon disparu instantanément. Lorsque Milarepa s’adresse au démon récalcitrant, il ne conteste plus sa présence, ayant fait tout ce qu’il pouvait pour améliorer la situation, mais accepte patiemment sa défaite extérieure.

Dans ma réflexion, je suis en quelque sorte dans ma grotte, comme Milarepa. J’habite un appartement d’une pièce et je ne peux me soustraire à tout ce qui s’y trouve qui, pour la plupart sont des choses utiles à ma vie ordinaire. Dans le cadre de ma retraite, certaines choses prennent la fonction de me distraire et de troubler ma pratique. J’apparente donc les êtres démoniaques de Milarepa aux distractions qui viennent continuellement me sortir de ma pratique du dharma entre les séances de méditation. Mes portes sensorielles sont sans cesse sollicitées par des images perçues. Que ce soit sous forme visuelle ou auditive, de perception consciente de la position ou des mouvements des différentes parties de mon corps. Mon ignorance de saisie d’un soi leur donne une réalité à l’extérieur de mon esprit leur permettant de me distraire. La présence d’éléments de distraction dans mon esprit signifie que les effets d’actions négatives à l’origine de ceux-ci ont déjà mûri. À ce stade, il m’est impossible de les éviter. Dans cette situation, la seule chose à faire est de pratiquer la patience et d’accepter sereinement ma difficulté à ne pas me laisser distraire.

Fantome-03Chaque fois que je suis dans une situation désagréable, en présence de distractions qui altèrent la qualité de ma pratique du dharma, je dois penser : « Cette situation est le résultat de mon karma négatif. Puisque l’effet a déjà mûri, il est trop tard pour le purifier. Il n’y a rien d’autre à faire sinon accepter patiemment la situation avec un esprit heureux. J’ai moi-même créé la cause de cette situation, c’est donc de ma responsabilité d’en accepter le résultat. Si je n’éprouve pas le résultat de mes actions négatives, qui d’autre le fera? » (*)

(*) Pensée tirée du livre de Vénérable Kelsang Gyatso « Huit Etapes vers le Bonheur » p. 183