Chaque être vivant possède au plus profond de lui-même ce seul objectif : « Être heureux et ne pas souffrir ». Tous nos faits et gestes, toutes nos intentions directement ou indirectement sont orientées vers ce seul but. Si parfois nous avons l’impression d’y parvenir, ce n’est que pour une courte durée avant qu’une nouvelle situation nous dépossède de ce bonheur fugace pour nous confronter à une difficulté inattendue, nous imbiber d’une autre souffrance. Les exemples de telles fluctuations entre bonheur et souffrance sont nombreux dans la vie de chacun. Dans cette quête du bonheur qui nous échappe continuellement, alors émerge une simple question : Pourquoi? A cette question, conditionnés par les perturbations mentales racines que sont l’attachement désirant *) et l’ignorance *), nous cherchons en vain à l’extérieur de notre esprit ce qui nous semble être une réponse valide.
Parce que depuis des temps sans commencement nous avons donné notre assentiment aux suggestions perfides et trompeuses émanées par notre esprit contaminé, nous répétons les mêmes scénarios dans notre vie, vie après vie. Pourtant, tout comme voulant enfoncer un clou avec un marteau, après avoir malencontreusement frappé sur notre doigt, il ne nous vient pas à l’idée de frapper une seconde fois pour nous assurer que c’est bien le coup de marteau qui nous a fait mal, nous comprenons notre maladresse. Mais en fait, ce n’est pas le marteau qui est le coupable, mais nous-même en manquant d’habileté. De manière analogue dans notre vie spirituelle, en répétant les mêmes erreurs nous manquons d’habileté, nous manquons de sagesse. Alors émerge dans notre esprit une seconde question : « Que puis-je faire pour orienter différemment ma vie? »
Depuis notre naissance, prenant exemple sur ce que nous percevons dans notre environnement, nous développons un esprit tourné exclusivement vers l’extérieur. À travers notre éducation, notre cursus d’études nous construisons notre identité ordinaire, notre « soi externe ». Malheureusement, notre ignorance – l’ignorance qui nous persuade de l’existence intrinsèque de quelque chose à l’extérieur de notre esprit – celle-ci nous entraine dans cette illusion trompeuse qu’est le samsara. Alors que faire? Changer et développer son « soi interne ». Bouddha nous enseigne que nous pouvons tirer profit de toute opportunité dans notre vie pour changer et développer notre « soi interne ». Tant que nous ne développons pas celui-ci, nous resterons un être s’identifiant uniquement à son « soi externe » qui, inexorablement est confiné dans ce qui est ordinaire, ce qui est dans la nature du samsara.
Si nous nous focalisons sur l’amélioration et l’aménagement de notre « soi externe », tout en délaissant notre « soi interne » au moment de notre mort nous n’en tirerons aucun bienfait. Les enseignements de Bouddha sont en quelque sorte une méthode qui détruit systématiquement ce qui nourrit le « soi externe » et son contexte le samsara. Notre samsara est semblable aux nuages projetés par notre esprit incontrôlé, dominé par le fonctionnement de notre « soi externe » qui est lui-même sous l’emprise de notre attachement désirant et de notre ignorance. En connaissance de cause, nous avons tout ce qui est nécessaire pour choisir l’orientation de notre esprit. Nous avons le choix de décider ce que nous allons faire de notre vie dès maintenant. Est-ce que nous allons continuer à rester une être samsarique jeté sans contrôle d’une renaissance à l’autre ou souhaitons-nous devenir un être illuminé qui, en se libérant sera capable de venir en aide à tous les êtres vivants? Est-ce que nous choisissons d’accomplir des buts ordinaires ou d’accomplir des buts spirituels?
Nous devons considérer plusieurs choses que nous sommes capables de réaliser pour faire ce choix. Notre vie ne possède que le sens que nous lui attribuons et pour lequel nous nous investissons. Si nos objectifs sont de nature ordinaire et pour cette seule vie, nous faisons l’expérience d’une vie ordinaire. Les buts ordinaires étant tous les plaisirs extérieurs que notre société propose, les biens matériels, la réputation, les relations et ainsi de suite. Nous devons alors répondre aux questions : « Quel est le but ultime de cette vie? », « Qu’est-ce que je fais actuellement de ma vie? », « Quel est le but de toutes mes actions? ». La plupart des gens ne peuvent sincèrement répondre à de telles questions. Si la raison principale de nos actions est d’améliorer notre vie ordinaire, le but de celle-ci sera également ordinaire. Si par contre notre objectif de mettre à profit chaque situation comme une opportunité de combattre nos perturbations mentales pour nous libérer de la souffrance, nous pouvons alors développer des attitudes spirituelles qui affirment notre « soi interne ».
*) L’attachement désirant est par définition un facteur mental perturbé qui observe son objet contaminé, le considère comme étant cause de bonheur, et le désire.
*) L’ignorance est par définition un facteur mental qui est dans la confusion au sujet de la nature d’un objet, et dont la fonction est une perception erronée et d’autres perturbations mentales.
Compilé d’après un enseignement du livre « Le Guide de mode de vie d’un bodhisattva » de Ghéshé Kelsang Gyatso, donné par Kadam Ryan en 2004 au Centre Atisha de Genève