Inspiré par l’enseignement reçu samedi dernier au Centre Dromtönpa de Fribourg, je partage avec mon lectorat quelques points importants entendus et résumés ci-après.
Si nous nous posons la question de savoir combien de temps dure notre bonheur, notre réponse sera le plus souvent très subjective car sa durée dépendra de chacun. Pour illustrer la durée de notre bonheur, prenons des exemples connus de tous et que nous avons tous vécu une ou plusieurs fois. Par exemple, le temps des vacances, combien de temps dure le bonheur résultant d’être en vacances? Pour certains ce sera toute la durée de celles-ci et pour d’autres seulement quelques jours. Et une fois les vacances terminées, combien de temps ce bonheur se prolonge-t-il? Ce bonheur s’estompe très rapidement car confrontés à nouveau à la réalité de notre quotidien qui, forcément n’a pas changé depuis que nous sommes partis. Alors il ne reste qu’un vague souvenir mais le bonheur lui aura cessé. Ainsi, nous réalisons que ce type de bonheur reste limité dans sa durée. Nous pouvons facilement trouver d’autres exemples de situations vécues, telle qu’une rencontre avec de très bons amis, une fête de famille, parfois le travail. Pour toutes ces situations, malgré l’intensité des moments d’échange, la convivialité, le plaisir et la satisfaction qui nous procurent un sentiment de bonheur, celui-ci est temporaire et que de nombreuses circonstances sont susceptibles de le détruire.
Dans aucune de ces situations nous pouvons prétendre maintenir durablement cet état de bonheur au-delà du temps de l’expérience en question. Autrement dit, nous pouvons faire momentanément une expérience de bonheur mais celui-ci inéluctablement finit par nous échapper, comme du sable qui nous glisse entre les doigts. Il suffit parfois d’un rien pour que subitement notre sentiment de bonheur soit brusquement anéanti par un événement imprévisible et désagréable. Bouddha nous enseigne qu’il existe une sorte de bonheur permanent, mais il ne se trouve pas dans nos expériences samsariques. Ce bonheur permanent résulte d’une clarté, d’une paix intérieure que seule la mise en pratique de ses enseignements explique. Nous sommes actuellement incapables de maintenir notre esprit dans cette paix intérieure malgré toute notre énergie. Le bonheur obtenu ne dure pas. Pourtant tous les êtres souhaitent posséder ce bonheur dont Bouddha nous parle. Pour cela, nous sommes prêts à tout changer dans notre existence, les objets, les personnes, notre environnement et nous sommes constamment en train de nous plaindre en pensant : « Si seulement je pouvais avoir cette situation, cet objet indispensable à mes yeux, je serais certainement heureux » ou bien encore « Ah si seulement telle ou telle personne pouvait changer sa façon d’être avec moi, je serais sûrement heureux ».
L’énergie que nous investissons à vouloir arranger les conditions extérieures dans notre vie se soldent tôt ou tard par une grande déception et nous devons nous rendre compte de ce mécanisme. Si le fait d’obtenir l’objet de nos rêves, la situation de nos rêves, le partenaire idéal suffisait à nous rendre heureux nous serions tous heureux. Nous avons tous cette certitude à quelque part dans notre esprit et nous nous obstinons dans la mauvaise direction. Pourtant nous réalisons que le bonheur que nous procurent toutes ces situations ne dure pas. Ceci est comme boire de l’eau salée en pensant que nous allons pouvoir étancher notre soif. C’est exactement la même chose lorsque nous cherchons ce genre de bonheur ordinaire et temporaire nous ne serons jamais rassasiés et satisfaits. Encore une fois, cela ne veut pas dire que nous devons renoncer à l’objet, la situation, le partenaire idéal, mais nous devons les considérer différemment. Alors finalement, pourquoi ne trouvons-nous pas ce bonheur qui dure? Ce bonheur qui se dérobe devant nous et qui systématiquement disparaît. Quelle est donc la cause pour laquelle nous ne ressentons pas ce bonheur permanent?
Il y a deux principales causes à cela. La première cause est que notre esprit est sous le contrôle de nos perturbations mentales. C’est-à-dire que notre esprit est sous le contrôle de notre ignorance de la saisie du soi. Cette ignorance qui considère ce JE, ce MOI comme la chose la plus importante au monde et qui nous crée des problèmes tant qu’il n’est pas satisfait. La deuxième est que l’esprit alors réagit avec mécontentement, frustration, attachement et différentes autres perturbations mentales. Prenons un exemple pour illustrer ce mode de fonctionnement. Imaginons que nous déambulons dans une rue commerçante avec l’intention d’acquérir quelque chose d’original que personne ne possède encore à notre connaissance. À travers cette acquisition nous obtiendrons l’admiration de tous nos proches. Soudain à l’angle de la rue nous croisons « notre pire ennemi » qui possède exactement l’objet convoité et désiré. Cet événement génère instantanément en nous un sentiment de jalousie et de frustration qui va de fait anéantir notre projet et le bonheur que nous avions à l’idée de faire cet achat disparaît. Ce moment de bonheur a été chassé par cet événement soudain.
Cet exemple démontre que nous tombons systématiquement dans le piège de notre ignorance et que le bonheur nous échappe. Nous avons une telle familiarité avec ce mode de fonctionnement que notre ignorance et notre préoccupation de soi nous mènent par le bout du nez tant que nous ne faisons pas quelque chose pour les supprimer. Pour cela, nous devons observer et contrôler le comportement de notre esprit en présence de telles situations et nous rendre compte des agissements perfides de nos perturbations mentales. Au lieu de tenter de changer ou de supprimer les conditions extérieures qui entravent le développement de notre bonheur nous devons nous mettre à l’ouvrage pour débusquer nos dysfonctionnements tout en reconnaissant ce qui se passe en nous. Les perturbations mentales sont trompeuses et nous devons cesser de nous fier à elles. Nous devons nous souvenir que ce ne sont pas les objets extérieurs qui nous procureront un vrai bonheur. Aussi longtemps que nous saisissons vivement et fortement ces différentes choses externes pour pouvoir être heureux, nous serons finalement toujours déçus.