Dans son livre « La Voie Joyeuse », Ghéshé Kelsang Gyatso, en expliquant le développement des perturbations mentales, nous montre le fonctionnement du samsara. Le samsara, tel un processus, est une tâche qui fonctionne continuellement dans notre esprit dominé par les perturbations mentales. Et si nous comprenons le mécanisme exact par lequel le samsara se développe, nous pourrons facilement le démanteler. Comment? Sur la base d’un commentaire reçu de mon enseignant Kadam Ryan en 2005, les étapes de ce processus sont expliquées ci-après.
Par notre ignorance de saisie d’un soi qui nous convainc de l’existence intrinsèque des objets et des phénomènes, nous croyons que notre corps et notre esprit, la base d’imputation de notre JE existe vraiment de la manière dont nous les percevons. En effet, nous observons ce corps et cet esprit, la base d’imputation de notre JE, qui nous semblent exister de leur propre côté et nous les saisissons en donnant notre assentiment à cette apparence. En aucun moment nous avons l’impression que notre esprit a créé ce corps. Nous avons plutôt le sentiment que : « Mon corps est là, et mon esprit l’observe! ». Nous pouvons décrire ce corps, observer chacune de ses parties comme des objets observés par notre esprit. Cette assertion nous fait penser que la base d’imputation de notre JE existe de son propre côté et nous en déduisons que notre JE existe également de son propre côté. Si nous croyons que notre corps et notre esprit existent de leur propre côté, il est évident que notre JE existe de son propre côté aussi.
Si notre JE existe de son propre côté, de la même manière tous les phénomènes différents de nous-mêmes, toutes les objets qui ne sont pas nous-mêmes doivent forcément exister de leur propre côté. Pourquoi? Parce que si nous existons de façon indépendante de tout le reste, alors tout le reste existe de la même manière, indépendamment de nous-mêmes. Du moment que nous-mêmes sommes séparés de tout, inversement tout est séparé de nous également. En conséquence, les autres existent de leur propre côté et nous-mêmes existons de notre propre côté. Comme les deux objets, nous et les autres existons de manière intrinsèque, leur différence existe de manière intrinsèque. Donc les autres sont forcément indépendants et séparés de nous-mêmes.
En dépendance de la conception ci-dessus, nous développons la préoccupation de soi. Rappelons que la préoccupation de soi, une perturbation mentale qui affirme que notre bonheur est suprêmement important. Ce qui est logique dans le sens que si nous existons d’une manière indépendante des autres, les autres existent de manière indépendante aussi. Pourquoi devrions-nous nous préoccuper des autres? Ce qui se passe chez eux n’a absolument rien à voir avec nous-mêmes et ne nous intéresse pas du tout. Parce que nous existons de notre propre côté, la seule chose nous prenons en considération est notre propre bonheur que nous pensons être bien plus important que celui de tous les autres qui nous laisse totalement indifférent. Sur la base de cette préoccupation de soi, nous développons l’attachement et l’aversion.
De ce point de vue, si tous les objets existent de manière intrinsèque, lorsque nous voyons un objet attirant en pensant qu’il existe de son propre côté, nous développons naturellement de l’attachement. Rappelons que l’attachement est un esprit qui croît que l’objet qui existe de son propre côté est une cause de bonheur et nous mettons tout en œuvre pour l’obtenir. Il en va de même pour l’aversion. Si l’objet qui existe de son propre côté est une cause de souffrance pour nous, nous voudrions l’éloigner voir même le détruire. Bouddha dit que l’ignorance, l’aversion et l’attachement sont à la base de toutes les actions contaminées. Une action est dite contaminée si elle est motivée par une perturbation mentale.
De la motivation contaminée résulte une action contaminée. La conséquence de nous engager dans des actions contaminées produira sur notre esprit des graines karmiques qui constituent un karma négatif. Les potentialités karmiques de celles-ci vont donner lieu à quatre types d’effets.
- L’effet mûri qui intervient qui intervient au moment où nous nous approprions de nos agrégats contaminés que nous concevons comme existant de leur propre côté.
- L’effet environnemental qui est le fait de percevoir un environnement comme existant de son propre côté, comme si les objets apparaissent comme existants de leur propre côté.
- L’effet qui est une expérience similaire à la cause qui est le fait de revivre une expérience contaminée.
- L’effet qui est une tendance similaire à la cause qui est le fait d’avoir une tendance compulsive de toujours voir les objets dans une manière contaminée, donc existants de leur propre côté.
Ceci démontre que la racine de toutes les souffrances est notre ignorance de saisie d’un soi. Naturellement sous serons motivés pour éliminer cette cause majeure de notre malheur. Actuellement, nous sommes convaincus que ce sont les autres qui sont la cause de notre souffrance et pour cette raison, nous faisons énormément d’efforts pour les éliminer! Mais si nous comprenons que la cause originelle de notre souffrance est la saisie d’un soi, si nous voulons être libres de toute souffrance nous devons éliminer cette erreur conceptuelle de notre esprit.
Si nous comprenons la vacuité de tout phénomène, lorsque nous voyons notre base d’imputation de notre JE, nous allons réaliser qu’elle n’existe pas de son propre côté. Si nous réalisons que notre base d’imputation n’existe pas de son propre côté, nous ne pouvons pas croire que notre JE existe de son propre côté. Et si nous réalisons la vacuité de notre JE, il n’y a aucune base valide pour l’existence de notre préoccupation de soi, parce que la préoccupation de soi chérit le JE qui existe de son propre côté. Si nous réalisons qu’un tel JE n’existe pas du tout, nous n’aurons pas un esprit qui chérit le bonheur de quelque chose qui n’existe pas. Si nous n’avons pas la préoccupation de soi ni la saisie d’un soi, ce sera pratiquement impossible pour nous de développer l’attachement ou l’aversion. Tout cela parce que les objets n’apparaissent pas comme existant de leur propre côté, parce que nous ne sommes pas séparés des autres choses. Et sans préoccupation de soi nous ne considérerons plus notre bonheur comme d’une grande valeur, en n’essayant pas d’obtenir des objets d’attachement et de nous détourner des objets d’aversion. Sans toutes ces perturbations mentales, toutes nos actions seront forcément des actions pures, parce que notre motivation est libre de toute contamination par des perturbations mentales. Et si toutes nos actions sont pures, toutes les potentialités karmiques que nous créerons sur notre esprit seront également pures. Et quand celles-ci mûriront elles mûriront dans des apparences pures. Si les apparences de notre esprit sont pures ce sera facile pour nous de ne plus percevoir les choses d’une manière contaminée, parce qu’elles apparaissent pures à notre esprit.
Merci Max. Cet enseignement est très profond! A tout bientot au Lac-Noir! 😉