Réflexions sur le doute

Le doute est un type d’ignorance qui se manifeste dans notre esprit lorsque nous ne sommes pas sûr du « comment les choses sont ». Nous avons alors simultanément deux points de vue différents, deux opinions différentes et qui sont souvent contradictoires. Comme ces deux vues s’excluent l’une l’autre, elles créent une hésitation ou une tension dans notre esprit. Ne sachant pas quelle est la vue correcte, cette situation génère une angoisse, un stress dans notre esprit. Nous tergiversons entre ces deux options distinctes et il en résulte de Doute-01nombreuses hésitations. Devant l’impossibilité d’aller dans les deux directions, notre esprit devient confus, se crispe et au pire ne fait rien. En d’autres termes, nous ne savons pas quoi faire, nous savons juste que nous devons faire quelque chose mais nous n’arrivons pas à la décision de le faire. Souvent c’est la peur de commettre une erreur qui nous empêche de prendre la bonne décision. Qui n’a pas une fois rencontré un tel dilemme. C’est l’état naturel d’un esprit qui s’interroge. Plus précisément, il y a différents doutes qui peuvent dans le contexte de notre vie se répartir dans trois catégories : le doute ordinaire, le doute perturbé et le doute vertueux.

Le doute ordinaire. Ce genre de doute a le plus faible impact sur notre développement spirituel parce que c’est celui que chacun connaît bien dans son quotidien. C’est cette hésitation dans le choix de deux articles très semblables que nous avons l’intention d’acheter et qui nous fait dire : « Je n’arrive pas à me décider lequel je vais acheter! ». Ou bien encore cette même hésitation qui bloque votre élan en sortant Doute-02de chez vous quand vous pensez : « Est-ce que je n’ai rien oublié? » ou lorsque vous avez reçu l’avis de deux personnes à propos de la qualité d’un film ou d’un livre qui vous fait dire : « Je ne sais qui je dois croire! ». Observez la performance d’un sportif de haut niveau qui ne retrouve plus ses repères de succès parce que le doute le perturbe continuellement. Tant que ce genre de doutes ne nous fait pas commettre des actions négatives et non vertueuses, elles sont juste des tracasseries inconfortables qui peuvent tout au plus nous agacer. Elles sont souvent le signe que nous manquons principalement de confiance en nous-mêmes. C’est en fait une non-acceptation de la nature du samsara. Parce que nous voudrions choisir une décision parfaite, celle-ci n’existe pas dans le samsara. Lorsque nous n’acceptons pas qu’il y a un choix parfait dans le samsara, alors nous restons coincés et crispé. Et lorsque nous acceptons la non-existence d’un choix parfait dans le samsara, nous allons nous décider pour le choix le moins dommageable.

Le doute perturbé. Le doute perturbé concerne particulièrement les objets importants du dharma que nous devons réaliser pour atteindre la libération du samsara. C’est un doute particulier sur un objet du dharma dans lequel notre hésitation est en faveur d’une vue erronée. Pour illustrer ce type de doute, prenons le karma. La loi de causalité du karma nous enseigne que les actions négatives produisent comme effet des souffrances et les actions vertueuses Doute-03produisent le bonheur. Or, sous l’influence d’une perturbation mentale, nous nous engageons parfois dans une action négative en pensant que nous allons trouver le bonheur. Ce type de bonheur est un bonheur contaminé car il sera tôt ou tard remplacé le véritable effet de l’action négative. Si par exemple, en remplissant notre déclaration d’impôts nous ne mentionnons que partiellement toutes nos sources de revenus est assimilable à l’action de voler. Si nous allons de ce fait être taxés plus favorablement, il n’en demeure pas moins que cette action aura les quatre effets de toute action, un effet mûri, un effet qui sera une tendance similaire à la cause, un effet qui sera une expérience similaire à la cause et un effet environnemental. Alors, même si a priori nous pensions que ce n’était pas si grave et que c’était correct parce que nous avions des arguments à faire valoir dus à un doute perturbé, a posteriori nous réalisons le danger d’avoir agi de cette manière et que cela aura des conséquences pour nous dans le futur.

Le doute vertueux. Le doute vertueux se produit lorsque nous découvrons un aspect d’un enseignement du dharma pour la première fois par exemple. Comme notre esprit essaie de comprendre un nouvel objet qu’il ne connaît pas, il cherche à le circonscrire du moins partiellement. À ce moment précis le doute vertueux nous incite à approfondir notre compréhension en pensant : « À ce stade je doute de ce que je lis ou que j’entends, mais j’ai envie d’en avoir le Doute-04cœur net! Je vais chercher encore plus d’informations ». En d’autres termes, nous ne réfutons pas a priori le propos dans sa totalité, mais nous ne somme momentanément pas convaincus et nous avons besoin d’y réfléchir encore. Nous pouvons douter de notre première appréciation, mais le doute vertueux nous rapproche de la vérité même si nous ne sommes pas encore totalement persuadés. Le doute vertueux signifie qu’avant que nous fassions l’analyse d’un objet à comprendre, notre doute nous semblait justifié, mais qu’après l’approfondissement de notre compréhension a posteriori notre doute n’était pas justifié. Dans ce cas le doute peut être perçu comme un catalyseur qui nous incite à remettre en question ce qui n’est pas intégralement compris.

 Compilé à partir de mes notes du Cours PF suivi au Centre Atisha de Genève en novembre 2005

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