Un soir, alors que Milarepa regagnait sa grotte après avoir fait provision de bois, il trouva celle-ci remplie d’êtres démoniaques. D’apparence hideuse, les yeux exorbités, poussant des cris, ils s’agitaient dans tous les sens. Certains étaient vautrés dans sa couche, d’autres feuilletaient ses livres, mangeaient sa nourriture. Ils avaient manifestement pris possession du lieu. Bien que connaissant l’ignorance de saisie d’un soi, et que ses locataires indésirables n’étaient qu’une projection de son propre esprit, Milarepa était néanmoins incapable de les expulser de son logis. Il tenta par tous les moyens pacifiques et vertueux de les inciter à quitter sa grotte mais sans succès. Même les enseignements tels que la compassion et la vacuité n’eurent d’effet sur eux. En dépit du bon sens, il perdit patience et entreprit de les chasser par la force, mais en vain. Alors, il s’assit parterre et leur adressa cet ultimatum : « Il est clair que je ne m’en irai pas et apparemment vous non plus. Alors nous allons vivre ensemble! » À ce moment précis, tous s’en allèrent sauf un. En s’approchant nez à nez de ce dernier démon particulièrement tenace, Milarepa lui dit : « Si ton intention est de m’anéantir, alors vas-y! Essaye toujours, c’est le moment! ». Ceci
dit, le dernier démon disparu instantanément. Lorsque Milarepa s’adresse au démon récalcitrant, il ne conteste plus sa présence, ayant fait tout ce qu’il pouvait pour améliorer la situation, mais accepte patiemment sa défaite extérieure.
Dans ma réflexion, je suis en quelque sorte dans ma grotte, comme Milarepa. J’habite un appartement d’une pièce et je ne peux me soustraire à tout ce qui s’y trouve qui, pour la plupart sont des choses utiles à ma vie ordinaire. Dans le cadre de ma retraite, certaines choses prennent la fonction de me distraire et de troubler ma pratique. J’apparente donc les êtres démoniaques de Milarepa aux distractions qui viennent continuellement me sortir de ma pratique du dharma entre les séances de méditation. Mes portes sensorielles sont sans cesse sollicitées par des images perçues. Que ce soit sous forme visuelle ou auditive, de perception consciente de la position ou des mouvements des différentes parties de mon corps. Mon ignorance de saisie d’un soi leur donne une réalité à l’extérieur de mon esprit leur permettant de me distraire. La présence d’éléments de distraction dans mon esprit signifie que les effets d’actions négatives à l’origine de ceux-ci ont déjà mûri. À ce stade, il m’est impossible de les éviter. Dans cette situation, la seule chose à faire est de pratiquer la patience et d’accepter sereinement ma difficulté à ne pas me laisser distraire.
Chaque fois que je suis dans une situation désagréable, en présence de distractions qui altèrent la qualité de ma pratique du dharma, je dois penser : « Cette situation est le résultat de mon karma négatif. Puisque l’effet a déjà mûri, il est trop tard pour le purifier. Il n’y a rien d’autre à faire sinon accepter patiemment la situation avec un esprit heureux. J’ai moi-même créé la cause de cette situation, c’est donc de ma responsabilité d’en accepter le résultat. Si je n’éprouve pas le résultat de mes actions négatives, qui d’autre le fera? » (*)
(*) Pensée tirée du livre de Vénérable Kelsang Gyatso « Huit Etapes vers le Bonheur » p. 183
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