La peur et l’espoir

La peur et l’espoir sont intimement liés, tout comme les deux faces d’une médaille. Il suffit pour le comprendre de nous rappeler ce qui se passe dans notre esprit en présence d’une difficulté ou d’un danger. Nous avons peur et immédiatement nous générons l’espoir de nous en libérer. Notre ignorance de saisie du soi nous certifie l’existence de cette difficulté ou de ce danger sous diverses formes juste à cet instant en dehors de notre esprit et instinctivement, nous sommes prêt « à fuir ou à combattre ». Parfois, cette situation nous semble tellement conséquente que l’espoir de trouver une issue semble nous abandonner et nous avons l’envie de « fuir ». Ou alors nous nous Peur-Espoir-01crispons, avec l’intention de « combattre », mais paralysés par la peur nous sommes incapables de réagir et d’agir. Nous avons tous fait de telles expériences dans notre vie : la peur de l’échec, la peur de parler en public, une implication dans un conflit, perdre le contrôle de son véhicule, se mettre en colère, etc. Heureusement, il y a une troisième alternative, celle de rester centré, d’observer et de prendre refuge dans notre vrai soi, notre nature de sagesse.

Nous pensons pouvoir tout contrôler en présence des multiples situations que nous rencontrons dans le samsara. Or, la nature même de notre samsara est souffrance, synonyme de difficultés et dangers. Celui-ci ne cesse de nous tromper, de nous faire peur. Nous cherchons constamment à protéger ce JE auquel nous sommes tellement attachés. Oui, il nous faut abandonner l’idée qu’il existe un JE solide et séparé de notre esprit. De la même manière il nous faut abandonner l’idée que quelque chose existe en dehors de notre esprit. Tout est comme un rêve, comme une illusion. Tout ce que nous percevons n’existe que de manière conventionnelle en relation dépendante de notre esprit.  Certes il n’est pas facile de toujours adopter cette attitude, mais c’est parce que notre ignorance et notre attachement sont tellement profondément enracinés dans notre esprit que nous n’y arrivons pas.

Nous savons tous ce qu’est une mauvaise habitude et le mal que nous avons à nous en défaire. Pensons que c’est depuis des temps sans commencement que nous faisons cela, mais il est encore temps de changer. Tant que nous cherchons le bonheur et le moyen de faire cesser notre souffrance dans le samsara, c’est sans espoir. Mais si nous sommes prêts à abandonner l’espoir de trouver une solution à nos problèmes dans le samsara pensant nous libérer de la souffrance et trouver notre bonheur, nous aurons aussi le courage de changer. Pour cela, nous devons nous détendre et chercher refuge en bouddha, le dharma et la sangha. Chercher refuge veut dire aussi renoncer à l’espoir de trouver quelque chose capable de nous rendre heureux durablement dans le contexte du samsara.

Nous voulons bien entreprendre un chemin spirituel, mais avec l’idée de maintenir certaines choses samsariques auxquelles nous sommes attachés. Nous voudrions négocier certaines exceptions : « Oui, d’accord de lâcher ceci …  mais pas cela! ». Impossible, car cela revient à vouloir quitter le port avec notre embarcation et traverser l’océan sans lâcher les amarres. Nous aurons beau ramer de toute notre énergie pour le faire mais ce sera en vain. La manière d’entreprendre cela consiste à pratiquer le renoncement. Durant ma dernière retraite au IMC Kailash, j’ai retenu Peur-Espoir-02une signification simple du renoncement, la voici. Nous ne devons pas renoncer aux objets que nous percevons mais nous devons renoncer à l’attachement à ceux-ci. Comment? Si par exemple nous savourons une tarte aux fruits, posons-nous la question de savoir où se trouve le plaisir de sa saveur. Est-il dans la tarte ou est-il dans notre esprit? Il se trouve en fait dans notre esprit. La tarte n’a aucun pouvoir de susciter le plaisir. Si tel serait le cas, tout le monde sans exception trouverait du plaisir à manger cette tarte, ce qui n’est pas le cas. Nous pouvons prendre plaisir sans saisir. De la même manière, nous pouvons renoncer à tous ces objets samsariques sans pour autant nous priver de tout. En résultat, nous serons libres de tout attachement.