Il y a une différence subtile entre s’efforcer d’obtenir un résultat et le voir, le sentir comme déjà réalisé. Dans l’espoir d’obtenir un résultat, nous orientons généralement toute notre attention et toute notre énergie sur la préparation des étapes successives à sa réalisation. Puis une fois la décision prise de passer à l’action, nous entreprenons un interminable voyage vers son accomplissement. Bien que nous puissions identifier des jalons et établir des objectifs intermédiaires pour nous rapprocher de notre but ultime, dans notre esprit nous sommes toujours engagé dans une démarche visant à réaliser un jour notre objectif, au lieu d’avoir le sentiment d’être précisément en train de le réaliser.
Bouddha nous explique que tout est création de l’esprit et que le monde que nous créons est celui auquel nous prêtons attention. Or dans ce contexte, tant que notre attention créatrice est totalement absorbée dans la phase de préparation, l’objectif reste au second plan. En fait nous pensons plus à la manière d’obtenir le résultat qu’au résultat lui-même. Le risque de nous perdre dans le dédale des innombrables chemins pour atteindre notre objectif peut nous amener parfois à la réflexion : « Euh … Au fait c’est quoi déjà mon objectif? ».
Mais pour atteindre notre objectif : contempler la cible ne suffit pas non plus, faut-il encore savoir guider la flèche. En d’autres termes, si nous portons toute notre attention sur la cible sans tenir compte de la position de la flèche il sera peu probable que nous atteignons celle-ci. De même si nous portons uniquement notre attention à la flèche sans le souci de l’endroit où se trouve la cible il nous sera difficile même impossible de l’atteindre. Notre attention tient compte à la fois de l’objectif et du moyen de le réaliser.
Du point de vue spirituel, cela revient à ce raisonnement. Si je ne fais que contempler le but à atteindre, ma libération du samsara pour atteindre l’illumination, sans entreprendre quoi que ce soit pour y parvenir, jamais je ne réaliserai mon objectif. Également, si je m’affaire continuellement à préparer minutieusement une liste exhaustive de tout ce que je dois faire pour me libérer, sans effectuer les étapes successives et pensant : « Un jour je le ferai », je resterai de manière certaine toujours dans la phase de me rapprocher du but sans jamais l’atteindre.
Je me souviens d’une anecdote de ma jeunesse qui illustre bien la situation. Avec mes camarades nous faisions une marche d’une trentaine de kilomètres à travers la Toscane. Le pays était une succession de vallons et de collines. Nous connaissions notre destination mais chemin faisant il nous était impossible en regardant devant nous de voir celle-ci. Nous ne pouvions que repérer sur la carte le chemin à prendre pour y parvenir. En temps réel celui-ci paraissait interminable. Souvent nous nous posions la question : « Est-ce que c’est encore loin? ». Mais en fait le souci de savoir que nous étions sur le bon chemin était bien plus important que de savoir la distance à parcourir.
Vivre comme si notre but était déjà atteint veut dire mobiliser notre esprit créateur pour activer les potentialités de réussite en nous. Cela veut dire également, que nous nous visualisons comme ayant atteint notre but en ayant franchi toutes les étapes nécessaire à son accomplissement. Dans le cas de la marche évoquée cela veut dire nous visualiser comme étant déjà arrivés à destination en ayant marché par monts et par vaux. Ce faisant la distance devient relativement moins pesante.
C’est pour cela que sur notre chemin spirituel, ne connaissant pas sa durée jusqu’à l’illumination, nous devons nous donner les moyens qui nous maintiennent sur la voie tracée par notre guide spirituel tout en nous visualisant comme déjà arrivés aux Pays purs de Bouddha. Jour après jour, vie après vie, à chaque instant nous souvenant de notre destination, en appliquant la discipline morale en toute circonstance nous pouvons réaliser ce but ultime.